Pour que les yeux regardent.
Les bras, gênés, s'agitent maladroitement.
La démarche est désarticulée.
Rien n'y fait.
Les yeux ne regardent.
Les doigts agiles, s'évertuent.
Les pieds se meuvent avec assurance. Presque.
Rien n'y fait.
Les yeux ne regardent.
Quelques mots s'échappent,
D'entre ces lèvres intrigantes.
Les yeux ne regardent.
Ils se ferment.
Ils observent. Attendent. Contemplent.
Un sourire, les yeux regardent enfin.
Et le temps est passé.
Ils en ont pour d'autres, les yeux.
Ils en ont pour d'autres.
Mais ils ont vu.
Au moins, ils ont vu.
Quelle est votre histoire préférée du Concours
jeudi 6 novembre 2008
vendredi 18 avril 2008
silentium 2/2
Silentium (partie 2)
Désormais, la créature marchait presque convenablement, elle était déjà loin du lac et traversa une allée bordée de tilleuls imposants. Au pied de chaque arbre, majestueusement posés sur les feuilles en cœur, de sombres sphinx gardaient religieusement le passage.
Les chats possèdent l’inexplicable faculté de se figer dans la nuit. En s’enveloppant de ténèbres, ils demeurent l’air coi. Le passant ne saurait alors les distinguer du réalisme qui émane de la matière inerte, lorsqu’elle est sculptée. Ceux-là étaient figés pour de bon. Leurs poils, soigneusement peignés, ne se soulevaient plus à l’approche d’un étranger et leurs yeux avaient pâli. Ces chats vivaient désormais en dedans, patients mais résignés à l’emploi d’une inactivité totale. Ces animaux dressés sur le bord de l’allée n’avaient toutefois pas perdu toute fierté, au contraire de tant d’autres êtres vivants, ils ne s’étaient pas laissés surprendre par l’immobilité, ils avaient scrupuleusement préparé sa venue. C’est qu’ils avaient leur réputation, autrefois.
Vivant de menus larcins au petit restaurant du parc, cette bande de chats s’était fait un nom, et même cinq, en terrorisant toute la population de l’espace vert. Ils griffaient et chapardaient, sans remords pour les promeneurs distraits, quantités de gourmandises qui n'avaient pas encore trouvé d'estomac à combler d'aise. Certains soirs qu'une chaude lumière venait ensorceler, tandis que les coeurs affables dégoulinaient de mièvrerie, on dit même les avoir vu interrompre ce genre de plaisanterie dégoutante, d'un exécrable miaulement qui fît revenir le monde à moins d'enchantement, et les coeurs à plus de sincérité. Les bagarres en revanche se faisaient rares, ce n'était pas qu'ils les craignaient ou qu'ils n'y prenaient pas goût, simplement si leurs ennemis étaient nombreux, seuls quelques poissons nonchalants se permettaient désormais de leur délivrer quelques regards furtifs, et d'une distance raisonnable encore. Par instinct, mais aussi à cause du manque cruel de sandwich poulet mayonnaise, ils comprirent que quelque chose ne tournait pas rond. Le parc devenu désert, ils reconnurent alors qu'une crise approchait. Prévoyant, ils s'installèrent là d'où viendraient certainement la source de leur pitance, leurs jeux et eux aussi furent happés par le sommeil.
Quand la créature les frôla, leurs moustaches frémirent. Doucement, l'éveil les parcouru comme un frisson. Cinq paires d'yeux s'allumèrent subrepticement entre les arbres. Les chats baillèrent, à peine intrigués par ce regain de mobilité, et suivirent l'étrange créature dont le parfum ennivra leurs sens affolés. La cohorte des félins fermait religieusement la marche.
Le voyage de la créature et de ses compagnons les mena à travers des espaces que ni le temps ni la logique ne coordonnent, des espaces où se trouvent entassées toutes les constructions de l'existence, et avec elles les outils qui ont servis à leur élaboration. Le groupe marcha dans l'univers de la matière infime, brique essentielle de toute chose, prenant soin au passage de graver de redoutables énigmes à la surface d'un atome, défi lancé sans réelle motivation à la science et à l'homme qui s'en fait le parent. La créature s'engouffra ensuite dans un monde qui n'était pas moins extraordinaire, car ici tout était la représentation de ce que peut avoir pour conséquence le contact du vivant et de l'inerte, à bien y regarder il n'était pas question principalement de l'homme, pourtant cette faculté il la connait aussi, comme toute chose vivante puisqu'il s'agit de la douleur. Des mouvements étaient sculptées sur d'effroyables roches, chacun d'eux était comme un cri, ils naissaient d'un silence, d'une absence et puis il n'y avait plus rien que cette force, un flot sans origine. Certains figuraient des mains, des doigts ou des corps, pensèrent les chats. En réalité, peu importe l'image puisqu'elle dissimule toujours le même démon. A un autre endroit, on pouvait voir un socle surmonté d'un coussin, une sphère dont la luminosité était difficilement supportable reposait sur celui-ci. Là réside un démon plus puissant encore, car les chats avaient beau regarder ailleurs, le piédestal persistait dans leur champ de vision, et toujours cette affreuse sphère de les aveugler. Singulière attention que celle de la créature, car elle fut soudainement prise d'empathie pour ces drôles d'êtres qui butaient contre les excroissances du sol, forcées à garder les yeux clos. Elle revint sur ses pas, constata l'infirmité de ses suivants et clos la lumière. Avec elle s'enfuirent comme des ombres les démons sur les murs, il n'y eut plus rien pour gêner leur progression, plus rien pour les ralentir, rien qui ne soit palpable, pas même les bienfaits d'une telle disparition. Les chats n'étaient plus que quatre.
Ils parvinrent enfin aux limites de l'instant, frontière entre les archives du passé et le matériau brut du futur. Figée elle aussi, dans un de ses assauts infinis pour grignoter le temps, la frontière gardait les traces de toutes les idées et de toutes les choses qui naissent et meurent avant d'avoir eu droit d'être exposées dans la galerie du souvenir. L'éphémère partait bon premier, jouant des coudes pour se maintenir en tête, conservant dans l'immobilité les traits caractéristiques de qui ne se fait pas d'illusion sur ses chances d'être encore tout à l'heure mais dont l'esprit est tout entier voué à sublimer l'immédiateté de l'être. Chacun de ces personnages portait au poignet une montre sans cadran, une montre où l'on pouvait lire « Il est toujours le moment ». Le groupe se fraya un chemin dans cette bulle saturée, conduit par la créature, quand elle s'immobilisa soudain, et fit volte-face.
Ses yeux s'accrochèrent à cet endroit d'où elle avait commencé à avancer, le début de son voyage, lorsque sa progression se faisait encore chaotique. Elle pleura.
Les chats tournèrent respectueusement en rond, comme pour lui signifier quelque chose, puis eux aussi s'immobilisèrent. La créature pleura longtemps, elle pleura depuis l'origine, versa des larmes sur les premiers pas, la maturité, et puis s'avança jusqu'à la bulle cristalline qui enfermait l'instant. Ses doigts pénétrèrent la surface transparente et il n'y eut plus de larmes.
Ni de chats.
Deux êtres se faisaient face. Une très vieille femme se tenait droite, parée de sa seule nudité, offrant au regard un corps qu'on eût dit recouvert par les blessures du temps. Malgré les rides, malgré les plis malheureux et les vastes tâches sombres de la peau, elle portait en elle toute la générosité de la jeunesse, et même le temps n'avait pas réussi à courber son corps fier et à ternir l'impétuosité de son regard. La beauté se lisait partout où on la regardait, la plus indélicate des cicatrices que le temps s'était permis se manifestait alors comme une précieuse particuliarité qui donnait encore à l'ensemble de son corps le sentiment d'être un joyau rare, une confection unique à laquelle la vulgarité des hommes empêchait d'accéder. Mais le temps n'était pas le seul ravage qui avait entamé de la détruire, sur son sein courait la trace d'une gangrène purulente, depuis son abdomen jusqu'à la base de son cou, s'aggrippant à elle en une toile inachevée. Devant son visiteur, la femme recueille avant qu'elle ne tombe une larme qu'elle porte à sa chair nécrosée, creusant un peu plus profondément, déchirant davantage l'harmonie de ses formes.
De l'autre côté, la créature n'était pas un enfant, ni un homme, aussi la contemplation ne brillait pas dans ses yeux. Plus d'hésitation maintenant, plus de doute, rien qu'une mission pour la gouverner, elle souleva une main sans poids ni contours. Après son initiation aux fomes, à la profusion et à la souffrance, après que l'amour et le temps aient glissé sur elle, la créature était devenue l'absence de choix. L'inéluctabilité et la dernière nécessité.
Elle s'avança vers la femme et l'univers s'ébranla.
Tout se mis à trembler, comme un gigantesque spasme, l'irritation devint un véritable sursaut incontrolable, les êtres et les choses se retrouvèrent mêlés dans une danse compulsive, une danse qui réveilla en eux l'idée même de mouvement. Ce fut d'abord quelques pas maladroits, quelques murmures timides, mais à mesure que l'espace entre la créature et la jeune femme s'épuisait, les clameurs montèrent comme des ballons, et la matière, fluide, s'élança sans retenue à travers l'espace. L'ombre et la lumière se superposaient presque, mais tandis que l'une savait comment terminer cet acte, l'autre poursuivait inlassablement, mécaniquement, l'accomplissement de son rituel. Ailleurs, le mouvement menait un assaut formidable contre l'inerte, les anges épileptiques obtinrent en véritables virtuoses de faire sonner les trompettes de l'apocalypse, ils jouèrent tout leur repertoire, et même les spalax leurs firent hommage d'une danse improvisée. Les hommes n'étaient pas en reste, leurs fuites et leurs chutes leurs permirent de retrouver des gestes et des mots oubliés, quand dans une incroyable tentative pour réveiller le plus vénérable des dormeurs, ils se souvinrent que tout est bruit.
La créature plongea ses doigts sous la chair de la poitrine malade. La femme comprit.
Elle comprit qu'elle devait maintenant disparaître, laisser place à une autre dont le sein ne sera pas corrompu, et lorsque la créature retire sa main, il ne reste sur scène que la mort qui contemple un livre aux pages innombrables. Elle sait qu'il n'en manque aucune, qu'elle sont toutes pleines de la substance matricielle. Pourtant, elle en trouve une, celle qu'elle cherchait, une page qu'elle est la seule à savoir dire, et écrire. Et sur cette seule page vierge, paisiblement, elle s'endort.
Spontanément, la matière vit son dernier sursaut, une symphonie sans âme, une multitude de cris effrayants, l'agonie rédemptrice vient achever l'espoir qui avait suivit l'ignoble engourdissement, l'espoir que tout se poursuive éternellement, que la fin ne soit qu'une légende, et tous y avaient cru, ils l'avaient tellement pensé que l'existence s'était laissé allé elle même à ne plus finir, à être indéfiniment. Ils auraient pu saisir l'éphémère, saisir sa beauté, prendre conscience que l'éternité ne se poursuit pas mais se construit, faire semblant de croire en la fin pour ne jamais en subir les symptômes, mais maintenant ils savaient, ils n'avaient plus le choix, et cette absence était la seule éventualité, l'unique réponse.
Les musiciens jouèrent le dernier accord, le choeur fit résonner sa dernière voix.
Le concert pris fin.
Après un court silence, l'émotion subjugua le public qui se leva et ne finit jamais plus d'applaudir.
Désormais, la créature marchait presque convenablement, elle était déjà loin du lac et traversa une allée bordée de tilleuls imposants. Au pied de chaque arbre, majestueusement posés sur les feuilles en cœur, de sombres sphinx gardaient religieusement le passage.
Les chats possèdent l’inexplicable faculté de se figer dans la nuit. En s’enveloppant de ténèbres, ils demeurent l’air coi. Le passant ne saurait alors les distinguer du réalisme qui émane de la matière inerte, lorsqu’elle est sculptée. Ceux-là étaient figés pour de bon. Leurs poils, soigneusement peignés, ne se soulevaient plus à l’approche d’un étranger et leurs yeux avaient pâli. Ces chats vivaient désormais en dedans, patients mais résignés à l’emploi d’une inactivité totale. Ces animaux dressés sur le bord de l’allée n’avaient toutefois pas perdu toute fierté, au contraire de tant d’autres êtres vivants, ils ne s’étaient pas laissés surprendre par l’immobilité, ils avaient scrupuleusement préparé sa venue. C’est qu’ils avaient leur réputation, autrefois.
Vivant de menus larcins au petit restaurant du parc, cette bande de chats s’était fait un nom, et même cinq, en terrorisant toute la population de l’espace vert. Ils griffaient et chapardaient, sans remords pour les promeneurs distraits, quantités de gourmandises qui n'avaient pas encore trouvé d'estomac à combler d'aise. Certains soirs qu'une chaude lumière venait ensorceler, tandis que les coeurs affables dégoulinaient de mièvrerie, on dit même les avoir vu interrompre ce genre de plaisanterie dégoutante, d'un exécrable miaulement qui fît revenir le monde à moins d'enchantement, et les coeurs à plus de sincérité. Les bagarres en revanche se faisaient rares, ce n'était pas qu'ils les craignaient ou qu'ils n'y prenaient pas goût, simplement si leurs ennemis étaient nombreux, seuls quelques poissons nonchalants se permettaient désormais de leur délivrer quelques regards furtifs, et d'une distance raisonnable encore. Par instinct, mais aussi à cause du manque cruel de sandwich poulet mayonnaise, ils comprirent que quelque chose ne tournait pas rond. Le parc devenu désert, ils reconnurent alors qu'une crise approchait. Prévoyant, ils s'installèrent là d'où viendraient certainement la source de leur pitance, leurs jeux et eux aussi furent happés par le sommeil.
Quand la créature les frôla, leurs moustaches frémirent. Doucement, l'éveil les parcouru comme un frisson. Cinq paires d'yeux s'allumèrent subrepticement entre les arbres. Les chats baillèrent, à peine intrigués par ce regain de mobilité, et suivirent l'étrange créature dont le parfum ennivra leurs sens affolés. La cohorte des félins fermait religieusement la marche.
Le voyage de la créature et de ses compagnons les mena à travers des espaces que ni le temps ni la logique ne coordonnent, des espaces où se trouvent entassées toutes les constructions de l'existence, et avec elles les outils qui ont servis à leur élaboration. Le groupe marcha dans l'univers de la matière infime, brique essentielle de toute chose, prenant soin au passage de graver de redoutables énigmes à la surface d'un atome, défi lancé sans réelle motivation à la science et à l'homme qui s'en fait le parent. La créature s'engouffra ensuite dans un monde qui n'était pas moins extraordinaire, car ici tout était la représentation de ce que peut avoir pour conséquence le contact du vivant et de l'inerte, à bien y regarder il n'était pas question principalement de l'homme, pourtant cette faculté il la connait aussi, comme toute chose vivante puisqu'il s'agit de la douleur. Des mouvements étaient sculptées sur d'effroyables roches, chacun d'eux était comme un cri, ils naissaient d'un silence, d'une absence et puis il n'y avait plus rien que cette force, un flot sans origine. Certains figuraient des mains, des doigts ou des corps, pensèrent les chats. En réalité, peu importe l'image puisqu'elle dissimule toujours le même démon. A un autre endroit, on pouvait voir un socle surmonté d'un coussin, une sphère dont la luminosité était difficilement supportable reposait sur celui-ci. Là réside un démon plus puissant encore, car les chats avaient beau regarder ailleurs, le piédestal persistait dans leur champ de vision, et toujours cette affreuse sphère de les aveugler. Singulière attention que celle de la créature, car elle fut soudainement prise d'empathie pour ces drôles d'êtres qui butaient contre les excroissances du sol, forcées à garder les yeux clos. Elle revint sur ses pas, constata l'infirmité de ses suivants et clos la lumière. Avec elle s'enfuirent comme des ombres les démons sur les murs, il n'y eut plus rien pour gêner leur progression, plus rien pour les ralentir, rien qui ne soit palpable, pas même les bienfaits d'une telle disparition. Les chats n'étaient plus que quatre.
Ils parvinrent enfin aux limites de l'instant, frontière entre les archives du passé et le matériau brut du futur. Figée elle aussi, dans un de ses assauts infinis pour grignoter le temps, la frontière gardait les traces de toutes les idées et de toutes les choses qui naissent et meurent avant d'avoir eu droit d'être exposées dans la galerie du souvenir. L'éphémère partait bon premier, jouant des coudes pour se maintenir en tête, conservant dans l'immobilité les traits caractéristiques de qui ne se fait pas d'illusion sur ses chances d'être encore tout à l'heure mais dont l'esprit est tout entier voué à sublimer l'immédiateté de l'être. Chacun de ces personnages portait au poignet une montre sans cadran, une montre où l'on pouvait lire « Il est toujours le moment ». Le groupe se fraya un chemin dans cette bulle saturée, conduit par la créature, quand elle s'immobilisa soudain, et fit volte-face.
Ses yeux s'accrochèrent à cet endroit d'où elle avait commencé à avancer, le début de son voyage, lorsque sa progression se faisait encore chaotique. Elle pleura.
Les chats tournèrent respectueusement en rond, comme pour lui signifier quelque chose, puis eux aussi s'immobilisèrent. La créature pleura longtemps, elle pleura depuis l'origine, versa des larmes sur les premiers pas, la maturité, et puis s'avança jusqu'à la bulle cristalline qui enfermait l'instant. Ses doigts pénétrèrent la surface transparente et il n'y eut plus de larmes.
Ni de chats.
Deux êtres se faisaient face. Une très vieille femme se tenait droite, parée de sa seule nudité, offrant au regard un corps qu'on eût dit recouvert par les blessures du temps. Malgré les rides, malgré les plis malheureux et les vastes tâches sombres de la peau, elle portait en elle toute la générosité de la jeunesse, et même le temps n'avait pas réussi à courber son corps fier et à ternir l'impétuosité de son regard. La beauté se lisait partout où on la regardait, la plus indélicate des cicatrices que le temps s'était permis se manifestait alors comme une précieuse particuliarité qui donnait encore à l'ensemble de son corps le sentiment d'être un joyau rare, une confection unique à laquelle la vulgarité des hommes empêchait d'accéder. Mais le temps n'était pas le seul ravage qui avait entamé de la détruire, sur son sein courait la trace d'une gangrène purulente, depuis son abdomen jusqu'à la base de son cou, s'aggrippant à elle en une toile inachevée. Devant son visiteur, la femme recueille avant qu'elle ne tombe une larme qu'elle porte à sa chair nécrosée, creusant un peu plus profondément, déchirant davantage l'harmonie de ses formes.
De l'autre côté, la créature n'était pas un enfant, ni un homme, aussi la contemplation ne brillait pas dans ses yeux. Plus d'hésitation maintenant, plus de doute, rien qu'une mission pour la gouverner, elle souleva une main sans poids ni contours. Après son initiation aux fomes, à la profusion et à la souffrance, après que l'amour et le temps aient glissé sur elle, la créature était devenue l'absence de choix. L'inéluctabilité et la dernière nécessité.
Elle s'avança vers la femme et l'univers s'ébranla.
Tout se mis à trembler, comme un gigantesque spasme, l'irritation devint un véritable sursaut incontrolable, les êtres et les choses se retrouvèrent mêlés dans une danse compulsive, une danse qui réveilla en eux l'idée même de mouvement. Ce fut d'abord quelques pas maladroits, quelques murmures timides, mais à mesure que l'espace entre la créature et la jeune femme s'épuisait, les clameurs montèrent comme des ballons, et la matière, fluide, s'élança sans retenue à travers l'espace. L'ombre et la lumière se superposaient presque, mais tandis que l'une savait comment terminer cet acte, l'autre poursuivait inlassablement, mécaniquement, l'accomplissement de son rituel. Ailleurs, le mouvement menait un assaut formidable contre l'inerte, les anges épileptiques obtinrent en véritables virtuoses de faire sonner les trompettes de l'apocalypse, ils jouèrent tout leur repertoire, et même les spalax leurs firent hommage d'une danse improvisée. Les hommes n'étaient pas en reste, leurs fuites et leurs chutes leurs permirent de retrouver des gestes et des mots oubliés, quand dans une incroyable tentative pour réveiller le plus vénérable des dormeurs, ils se souvinrent que tout est bruit.
La créature plongea ses doigts sous la chair de la poitrine malade. La femme comprit.
Elle comprit qu'elle devait maintenant disparaître, laisser place à une autre dont le sein ne sera pas corrompu, et lorsque la créature retire sa main, il ne reste sur scène que la mort qui contemple un livre aux pages innombrables. Elle sait qu'il n'en manque aucune, qu'elle sont toutes pleines de la substance matricielle. Pourtant, elle en trouve une, celle qu'elle cherchait, une page qu'elle est la seule à savoir dire, et écrire. Et sur cette seule page vierge, paisiblement, elle s'endort.
Spontanément, la matière vit son dernier sursaut, une symphonie sans âme, une multitude de cris effrayants, l'agonie rédemptrice vient achever l'espoir qui avait suivit l'ignoble engourdissement, l'espoir que tout se poursuive éternellement, que la fin ne soit qu'une légende, et tous y avaient cru, ils l'avaient tellement pensé que l'existence s'était laissé allé elle même à ne plus finir, à être indéfiniment. Ils auraient pu saisir l'éphémère, saisir sa beauté, prendre conscience que l'éternité ne se poursuit pas mais se construit, faire semblant de croire en la fin pour ne jamais en subir les symptômes, mais maintenant ils savaient, ils n'avaient plus le choix, et cette absence était la seule éventualité, l'unique réponse.
Les musiciens jouèrent le dernier accord, le choeur fit résonner sa dernière voix.
Le concert pris fin.
Après un court silence, l'émotion subjugua le public qui se leva et ne finit jamais plus d'applaudir.
Silentium 1/2
Silentium
La ville respirait péniblement, le souffle long, immobile. Des lampadaires, une lumière grave glissait jusqu'à se déposer en particules sur le sol. "C'est l'ennui", disaient certains, et puis ils avaient fini par ne plus rien dire du tout. Pareille à un organisme palpitant autrefois, elle s'était endormie progressivement, et tous l'avaient accompagnée. L'apathie n'était d'abord qu'un passe-temps, un plaisir aristocratique, fruit d'une élite désinvolte tout juste soucieuse d'être originale, peut-être parce que ça avait toujours fonctionné comme ça. Et puis les braves gens s'y mirent avec enthousiasme, puis ceux qui s'en moquaient, par dépit. La rue devint distante et chaque porte fut un mur dressé entre les hommes.
Les rares badauds que la rue enfantait étaient singulièrement atteints par cette pesante chaleur. L'air s'amoncelant sur leurs formes engourdies, des monstres grotesques surgissaient au hasard des promenades depuis longtemps oubliées. La poussière avait peu à peu remplacé par sa consistance la lumière, lorsque le silence s'empara de l'espace il ne resta rien d'autre que l'attente.
A travers les fenêtres, les regards foisonnent. Parfois un enfant curieux se hisse jusqu'à pouvoir observer le visage de la décrépitude. Ses mains s'agrippent et éprouvent l'entreprise périlleuse, les gestes sont lents et saccadés et se traduisent inexorablement en incompréhension, en résignation. Loin au dessous des hommes, les sous-sols de la ville enflent de bêtes aux yeux morts, ce n'est qu'une masse inextricable, grouillante de vermines muettes aux chairs inertes. La nature, dont la puissance créatrice subsistait à l'assoupissement, se mouvait au rythme infime des siècles, les doigts bien étirés et psalmodiant quelques litanies fécondes. Le béton et l'acier avaient perdu de leur superbe sous l'assaut continu des vignes malicieuses à qui le ciel avait promis ses merveilles. Et sous l'ombre, discret comme un rêveur, l'hortensia rampait. Certaines plantes avaient trouvé bon d'exister en dépit de lois physiques évidentes, les façades verdies des immeubles, véritables cascades figées, formaient avec les terrasses d'où elles émergeaient une nouvelle babylone. Etrangement, la ville continuait de s'illuminer à la nuit venue, comme si une énergie perpétuelle emplissait ses murs. Ainsi, elle ne se réduisait ni à sa végétation prolifique, ni à l'incapacité des hommes d'agir en son sein.
Des sursauts d'idées cohabitèrent avec des actes inachevés, remuant le peu d'air qui n'avait pas encore trouvé en sa majesté Silence un juste souverain, jusqu'à ce que l'un et l'autre se fassent rares et se perdent en des chemins intimes que même l'indiscrétion ne saurait suivre.
Et puis,
Voilà que le temps, drapé de paresse, avait sans souvenir pris la main du sommeil.
Lorsque rien ne bougeait plus, quand même la trame de l'espace et du temps s'immobilisa, la terre avait des allures de nature morte. Les courbes avaient perdu leurs caresses, les couleurs leur scintillement. De sa joliesse, il ne restait que l'indésirable perfection de ses frontières, tranchantes comme la réalité vierge, l'élément liquide était un prolongement des terres mais ne s'y mêlait plus, la guerre avait fait place à la paix, puis à l'indifférence, et finalement au dégoût. Les espaces jadis sereins, remplis d'ombres et de lumières, crevaient à présent sous l'implacable pourrissement de leurs dépouilles. L'inertie était si complète, et le vide si présent que le plus imperceptible des froissements eût alerté les sens du plus improbable des êtres vivants.
Justement, quelque part qui ne mérite guère qu'on le situe, un spalax rêvait.
Croisement malheureux d’une moissonneuse-batteuse et d’une guillotine, ce gros rat n'était pas un habitué des rêves. Son existence flirtait habituellement avec les ténèbres et il n'était pas rare qu'il conçoive mentalement ce que ses yeux ne pouvaient voir, aussi était-il très ennuyé lorsque au fond de sa galerie il fut confronté à un véritable songe.
Il rêvait de formes abstraites, certaines ne ressemblant précisément à rien tandis que d'autres s'efforçaient vaguement d'adopter un aspect plus original que celui d'une ligne.
Après quoi le monde onirique du spalax se complexifia et devint un véritable musée d'art contemporain, les lignes se croisèrent et des mosaïques bariolées apparurent. Quelques traits d'espèces vivantes surgirent, à la surprise du spalax même, mais le flot ininterrompu des digressions picturales emporta bien vite les ébauches sans vie.
Affecté, le spalax le fut encore davantage quand une forme conserva sa substance, tout en esquissant le passage d’un état spatial à un autre.
La seconde suivante, il gardait de cet évènement universellement significatif l'ahurissement caractéristique de qui sait qu'il doit paraître surpris sans comprendre cependant pourquoi.
L'image revint et le spalax était convaincu de son exceptionnalité. Cent dix neuf de ses congénères l'auraient été eux aussi, s'ils voyaient comme lui. Or, si la communication n'était pas l'apanage du spalax autrefois, le grand sommeil avait fait des plus altruistes d'entre eux, de merveilleuses bouillottes à dents.
Une sensation inconnue émergea soudainement de la flaque spirituelle du spalax. C'était précisément cet état de fait que le tableau dansant venait contrarier. Il sentait comme un frisson de plaisir monter le long de ses pattes arrières. Il allait comprendre.
Plus rien ne bougeait, oui il en était sûr, il parvenait même à établir un classement binaire entre les choses.
Le spalax brûlait d'excitation.
D'un côté ce qui est immobile, lui, les autres spalax, les insectes. De l'autre, les ... heu , le spalax sentait toute l'énergie de plusieurs tranches d'éternité affluer vers son modeste encéphale. De l'autre, de l'autre ... de l'autre ... l'.. l'image !
Fulgurante comme un remboursement médical, l'idée ébranla la stabilité mentale du spalax.
Il discernait à présent le monde vu sous l'angle dichotomique de ses contraires.
Un autre frisson d'autosatisfaction vint lui confirmer que dichotomique était une trouvaille intéressante. Sa fièvre s'intensifiait. Le mouvement et l'immobilité, restait à faire l'analogie avec l'exceptionnalité de cette vision. L'image est inhabituelle, parce que, parce que ...
Cet instant crucial de l'existence du spalax fut aussi celui que choisi une succulente racine pour se substituer à l'image mouvante. Tout compte fait, le spalax réprima un regret, prit un air contrit et dévora des yeux l'objet de sa gourmandise.
De l'inconscient du rongeur, l'image s'en fut. Pour autant elle ne disparut pas, car une légère irritation vint confirmer la présence de cette anomalie dans une autre de ces villes mortes que la terre portait sur son dos.
L’animation était frêle, autant qu’on puisse en juger d’après les critères caducs de l’ère où la matière n’était pas statique. Elle semblait faite pour tout autre chose que l’exercice du déplacement, et pourtant, comme dans un élan de masochisme tragique, son corps bougeait. Chaque geste semblait être le dernier, mais aussi un exploit incroyable pour lequel on aurait décerné tous les prix, si tant est qu’on envisage qu’il ne soit pas poursuivi. Parce que c’est aussi un objet pitoyable que cette animation donnait à voir, un objet inerte qu’aucune énergie n’irriguait visiblement, que la seule détermination faisait avancer, au prix de toute vraisemblance. N’importe quel être vivant aurait considéré avoir sous les yeux l’incarnation d’un cauchemar, de la plus absurde des créations. Quelque chose cependant, rendait soutenable et même captivante la créature. L’aspect de cet être était à l’opposé de ce qu’il faisait. Elle avançait péniblement, en produisant des mouvements superflus et d’autres qui n’atteignaient pas leurs objectifs, et si cette image est immonde c’est que le corps qui exerce ces parodies d’action est d’une nature tellement parfaite qu’on voudrait le voir figé dans son admirable beauté. Toute perfection ne peut évoluer qu’au regard d’une dimension très précise de l’existence, elle est sans faille tant qu’elle ne la quitte pas. La créature était parfaite du moment qu’elle était un objet à voir. Désormais, elle s’abîmait en gesticulant, et comme une erreur n’existe que pour ne jamais survenir, elle avait enfreint la règle et subissait la condamnation de la vie elle-même. Toute l’existence grouillante qui fourmillait sur le boulevard s’aplatissait devant elle. D’une incroyable blancheur, et sans aucune aspérité pour accrocher les mots et le regard, la créature s’écroulait, rampait, et tendait son corps en cherchant par tous les moyens à progresser vers une destination connue d’elle seule. La matière qui luisait, suintant en permanence un liquide poisseux et froid, trembla devant le passage de la créature. Les plus anthropomorphiques de ces immondices firent même un mouvement infime du visage, bien qu’hypothétique, et qui signifiait approximativement que la terreur s’était glissée en eux. Quand l’être eut fini d’être par là, la matière ne suinta plus que de l’eau, très pure et en abondance. Les cadavres au souffle long fermèrent les yeux et sourirent.
Cette procession continua jusqu’au parc joint à une très vieille mairie. Les élus locaux ne purent réprimer un œil désapprobateur à travers la fenêtre. Cauchemar ou pas, l’anti-conformisme est un crime odieux et chacun de ceux qui avaient vu la créature se réjouirent d’avoir moralement une nouvelle activité : ils désapprouvèrent en chœur.
L’être n’y prêtait pas attention, tout à son déplacement qui prenait maintenant des allures de périple, il franchissait d’un pas déraisonnable le portique du parc municipal.
Voir la chose avancer donnait l’impression qu’on avait intégré la mécanique d’une voiture sportive à un frigo. Malgré les chocs, la poussière et la matière partout agglutinée, la créature restait impeccable, on eût dit qu’un brise-glace fendait la banquise, à ceci près qu’un navire ne se contorsionne que très occasionnellement.
Dans l’incroyable jungle qu’était devenu le jardin public, les arbres n’avaient ni racines ni branches, juste une armée de tentacules boursouflés qui creusaient la terre. Partout s’étalaient de grosses tumeurs dont le jus alimentait le lac non loin. Le corps de la créature grinçait sourdement, comme on souffre. Tandis que ses pas devinrent progressivement plus sûrs, la réalité se fit moins insistante à lui refuser le droit d’être. Comme si l’essence de la matière n’était rien d’autre que son comportement au monde, une décomposition schématique de ses potentialités, un vin sans ivresse, ni saveur. La créature ne frémissait pas davantage devant les bêtes indolentes qu’en franchissant les espaces troubles des hautes herbes lascives et molles. Le végétal pinçait doucement ses lèvres devant elle, puis s’enroulait en crispant toutes ses nervures. La boue et la poussière ne semblaient pas l’atteindre, sa peau lumineuse éclaboussait d’horreur toutes les engeances du parc. Il y avait, tout en haut de ce corps, le divin et l’absurde unis, un visage infranchissable et beau. Ce délice n’avait probablement connu aucun maître, il conservait toute l’impétuosité de la jeunesse et l’extrême fierté que l’amour donne à ceux qui n’en connaissent que les promesses. Pourtant, au fond de ses orbites stériles, par delà l’évidence d’un espace vacant et froid, une étoile consumait de toutes ses forces le bois de l’indicible matrice des hommes. Spontanément, les insectes gémirent sous leurs frêles carapaces, aucun d’eux n’avait senti aussi fort avant cet instant que la vie était une nourriture si plaisante.
Le réalisme visqueux se laissait sourdre éternellement de ces photographies. Un écureuil posait sans fantaisie au pied d’un merisier foisonnant de grappes de fruits or, cuivre et sang. Une troupe d’oies dormaient dans la cavité intime d’un chêne ventripotent. Sur le sol, un tapis de lombrics au corps pâle et mou captivait les minuscules petites billes brunes de deux merles prêts à s’envoler. La créature pris le chemin du lac, avec l’intention manifeste de le traverser. Sans embarcation le lac demandait beaucoup de courage à franchir, mais c’était à un moment ou l’eau conservait un degré d’incertitude conséquent. Les reflets changeants de la surface, le bouillonnement de certaines zones qu’on aurait dit nerveuses, tout cela les gens le reconnaissaient tacitement, et peu nombreux furent ceux qui y plongèrent autre chose que leur imagination. Toutefois, l’eau maintenant était une matière si paresseuse qu’elle se laissait volontiers pénétrer, en grande femme sans exigence mais non pas sans désir, elle courbait maintes fois la surface de son dos pour amadouer les corps qui passaient par là. Or il ne venait jamais que l’air, ennuyé et avec une attitude très indifférente pour lui déposer quelques caresses. Quand l’être posa le pied sur l’élément liquide, celui-ci s’affaissa timidement, et ne prit même pas la peine de lui répondre par un glougloutement poli. L’animation perdit l’équilibre à plusieurs reprises, sans paraître décontenancée pour autant, inlassablement tournée vers l’objectif qu’elle s’était donnée. L’eau lui témoignait une tendresse vague et mêlée de crainte, elle ralentissait ses chutes, s’excusait de ne pas être aussi puissant que son voisin le sol, et lui conférait à la faveur d’une étreinte, tout le doux amour dont ses amants n’avaient jamais voulu, insectes lubriques et plantes aux désirs si mécaniques.
L’eau du lac s’usa tout le long à essayer de l’aimer, mais l’amour qui ne laisse pas de trace est un amour sans durée, dont la réalité évanescente n’est pas de nature à nous élever vers des sommets exaltants. Aussi, la créature restait si propre et si pure comme à leur première rencontre sur l’autre rive, et si parfaitement conscience de l’indifférence que suscitait chez elle toute cette masse languissante, que l’eau fut pris d’une très grande tristesse. Elle devint instantanément sèche et rugueuse, puis se couvrit d’aspérités menaçantes au fur et à mesure que sa colère combla le vide laissé par son incompréhension. La colère se mut en rage et l’eau était une gorge au fond de laquelle un précipice hurlait la souffrance qui lui rongeait les parois. La créature se déplaçait avec la même détermination, sans crainte ni pitié pour cette monstrueuse entité. Son visage n’évoquait rien qui puisse supposer une once de considération pour quoi que ce soit. Le feu de ses yeux proposait plutôt une surexpression, parfaitement inhumaine, du néant. Comme si ils ne contenaient rien d’autre que le vide sans nuance, sans fissures ni traces, rien que le néant face à lui-même, entier, complet et l’idée que cette matière inexistante puisse coordonner ce corps et lui donner l’impulsion vitale était épouvantable.
Avant qu’elle ne finisse de traverser, l’amante liquide souleva des trombes qu’elle projeta violemment dans sa direction. L’eau atteignit l’être désarticulé avec une telle puissance qu’il fut englouti sous la surface du lac. Il n’y avait plus une trace de son passage. Le lac ronronna, apaisé et repu de destruction. Sa surface se souleva, enfla jusqu’à former une petite colline que les ondes caressantes de l’eau venaient lécher d’une écume dentelée.
L’eau pleurait et jouissait en même temps. L’objet de son amour était perdu, mais ses lamentations couvraient difficilement le plaisir qui lui brûlait le ventre. Elle était pleine de cette petite merveille dont elle avait fait le sacrifice et ça lui donnait le vertige. Grosse de son amour narcissique, elle passait complaisamment sa langue sur son ventre, déjà prête à ravaler le fruit de cette naissance, pour jouir infiniment d’elle-même, du plaisir que lui procure son égotisme pernicieux, et du regard jaloux qu’elle prête au monde, sa chimère.
Tout à son plaisir, elle ne remarqua pas la forme qui émergea, silencieuse et légère et qui, de son ventre rond, perça l’opercule qui la maintenait à l’intérieur. L’animation défit la peau encore plaquée sur elle et se retourna sur sa génitrice. Elle gardait les yeux fermés. Terrifiée et ivre de douleur, l’eau pris de ses mains tout le bassin du lac et s’apprêta à en écraser son enfant mutin. Aussitôt, la créature ouvrit les yeux sur deux grands soleils, contrastant avec son regard d’alors. Des gouttes perdues descendaient en cascade le long de son visage, jouant sur ses grands cils, roulant sur ses lèvres bien pleines qu’une main curieuse effleura. Les doigts hésitèrent avant de palper d’un geste imprécis la substance chatouilleuse. Chaque pupille avait l’éclat d’une étoile mourante, délivrant ses dernières et ses plus belles forces. Elle dessina de son encre limpide le début d’un sourire, muette, comme hypnotisée par son œuvre. Avant d’y parvenir, un rire tinta d’un bout à l’autre de son visage. Un rire juvénile et absurde, ceux qui déliés des hommes s’envolent ou disparaissent pour amuser les anges. Elle rit aux larmes, et celles-ci se mêlèrent à l’eau qui de son front ruisselait. La colère du lac ne gronda plus lorsqu’il fut confronté à un spectacle aussi désarmant, il se coucha devant l’enfant et contempla son innocence, son rire. Il avait tellement de peine à être nostalgique, à se souvenir d’autre chose que son rire creux, ses gestes déçus, et le plaisir, cet ami toujours en retard et épuisé. Fallait-il qu’il existe une réponse dans cette joie ? Le lac fut sage avant de ne plus être du tout. Il s’appliqua de toute son âme à admirer le bonheur d’un autre, à s’en satisfaire jusqu’à disparaître. Des yeux de la créature, l’incandescence arracha un dernier orgasme à l’amante. La mère s’agrippa à son amour propre avant de s’évaporer. Quant à celui qui fut autrefois un enfant, il tint un regret tout contre lui et s’endormit sur un nuage.
La ville respirait péniblement, le souffle long, immobile. Des lampadaires, une lumière grave glissait jusqu'à se déposer en particules sur le sol. "C'est l'ennui", disaient certains, et puis ils avaient fini par ne plus rien dire du tout. Pareille à un organisme palpitant autrefois, elle s'était endormie progressivement, et tous l'avaient accompagnée. L'apathie n'était d'abord qu'un passe-temps, un plaisir aristocratique, fruit d'une élite désinvolte tout juste soucieuse d'être originale, peut-être parce que ça avait toujours fonctionné comme ça. Et puis les braves gens s'y mirent avec enthousiasme, puis ceux qui s'en moquaient, par dépit. La rue devint distante et chaque porte fut un mur dressé entre les hommes.
Les rares badauds que la rue enfantait étaient singulièrement atteints par cette pesante chaleur. L'air s'amoncelant sur leurs formes engourdies, des monstres grotesques surgissaient au hasard des promenades depuis longtemps oubliées. La poussière avait peu à peu remplacé par sa consistance la lumière, lorsque le silence s'empara de l'espace il ne resta rien d'autre que l'attente.
A travers les fenêtres, les regards foisonnent. Parfois un enfant curieux se hisse jusqu'à pouvoir observer le visage de la décrépitude. Ses mains s'agrippent et éprouvent l'entreprise périlleuse, les gestes sont lents et saccadés et se traduisent inexorablement en incompréhension, en résignation. Loin au dessous des hommes, les sous-sols de la ville enflent de bêtes aux yeux morts, ce n'est qu'une masse inextricable, grouillante de vermines muettes aux chairs inertes. La nature, dont la puissance créatrice subsistait à l'assoupissement, se mouvait au rythme infime des siècles, les doigts bien étirés et psalmodiant quelques litanies fécondes. Le béton et l'acier avaient perdu de leur superbe sous l'assaut continu des vignes malicieuses à qui le ciel avait promis ses merveilles. Et sous l'ombre, discret comme un rêveur, l'hortensia rampait. Certaines plantes avaient trouvé bon d'exister en dépit de lois physiques évidentes, les façades verdies des immeubles, véritables cascades figées, formaient avec les terrasses d'où elles émergeaient une nouvelle babylone. Etrangement, la ville continuait de s'illuminer à la nuit venue, comme si une énergie perpétuelle emplissait ses murs. Ainsi, elle ne se réduisait ni à sa végétation prolifique, ni à l'incapacité des hommes d'agir en son sein.
Des sursauts d'idées cohabitèrent avec des actes inachevés, remuant le peu d'air qui n'avait pas encore trouvé en sa majesté Silence un juste souverain, jusqu'à ce que l'un et l'autre se fassent rares et se perdent en des chemins intimes que même l'indiscrétion ne saurait suivre.
Et puis,
Voilà que le temps, drapé de paresse, avait sans souvenir pris la main du sommeil.
Lorsque rien ne bougeait plus, quand même la trame de l'espace et du temps s'immobilisa, la terre avait des allures de nature morte. Les courbes avaient perdu leurs caresses, les couleurs leur scintillement. De sa joliesse, il ne restait que l'indésirable perfection de ses frontières, tranchantes comme la réalité vierge, l'élément liquide était un prolongement des terres mais ne s'y mêlait plus, la guerre avait fait place à la paix, puis à l'indifférence, et finalement au dégoût. Les espaces jadis sereins, remplis d'ombres et de lumières, crevaient à présent sous l'implacable pourrissement de leurs dépouilles. L'inertie était si complète, et le vide si présent que le plus imperceptible des froissements eût alerté les sens du plus improbable des êtres vivants.
Justement, quelque part qui ne mérite guère qu'on le situe, un spalax rêvait.
Croisement malheureux d’une moissonneuse-batteuse et d’une guillotine, ce gros rat n'était pas un habitué des rêves. Son existence flirtait habituellement avec les ténèbres et il n'était pas rare qu'il conçoive mentalement ce que ses yeux ne pouvaient voir, aussi était-il très ennuyé lorsque au fond de sa galerie il fut confronté à un véritable songe.
Il rêvait de formes abstraites, certaines ne ressemblant précisément à rien tandis que d'autres s'efforçaient vaguement d'adopter un aspect plus original que celui d'une ligne.
Après quoi le monde onirique du spalax se complexifia et devint un véritable musée d'art contemporain, les lignes se croisèrent et des mosaïques bariolées apparurent. Quelques traits d'espèces vivantes surgirent, à la surprise du spalax même, mais le flot ininterrompu des digressions picturales emporta bien vite les ébauches sans vie.
Affecté, le spalax le fut encore davantage quand une forme conserva sa substance, tout en esquissant le passage d’un état spatial à un autre.
La seconde suivante, il gardait de cet évènement universellement significatif l'ahurissement caractéristique de qui sait qu'il doit paraître surpris sans comprendre cependant pourquoi.
L'image revint et le spalax était convaincu de son exceptionnalité. Cent dix neuf de ses congénères l'auraient été eux aussi, s'ils voyaient comme lui. Or, si la communication n'était pas l'apanage du spalax autrefois, le grand sommeil avait fait des plus altruistes d'entre eux, de merveilleuses bouillottes à dents.
Une sensation inconnue émergea soudainement de la flaque spirituelle du spalax. C'était précisément cet état de fait que le tableau dansant venait contrarier. Il sentait comme un frisson de plaisir monter le long de ses pattes arrières. Il allait comprendre.
Plus rien ne bougeait, oui il en était sûr, il parvenait même à établir un classement binaire entre les choses.
Le spalax brûlait d'excitation.
D'un côté ce qui est immobile, lui, les autres spalax, les insectes. De l'autre, les ... heu , le spalax sentait toute l'énergie de plusieurs tranches d'éternité affluer vers son modeste encéphale. De l'autre, de l'autre ... de l'autre ... l'.. l'image !
Fulgurante comme un remboursement médical, l'idée ébranla la stabilité mentale du spalax.
Il discernait à présent le monde vu sous l'angle dichotomique de ses contraires.
Un autre frisson d'autosatisfaction vint lui confirmer que dichotomique était une trouvaille intéressante. Sa fièvre s'intensifiait. Le mouvement et l'immobilité, restait à faire l'analogie avec l'exceptionnalité de cette vision. L'image est inhabituelle, parce que, parce que ...
Cet instant crucial de l'existence du spalax fut aussi celui que choisi une succulente racine pour se substituer à l'image mouvante. Tout compte fait, le spalax réprima un regret, prit un air contrit et dévora des yeux l'objet de sa gourmandise.
De l'inconscient du rongeur, l'image s'en fut. Pour autant elle ne disparut pas, car une légère irritation vint confirmer la présence de cette anomalie dans une autre de ces villes mortes que la terre portait sur son dos.
L’animation était frêle, autant qu’on puisse en juger d’après les critères caducs de l’ère où la matière n’était pas statique. Elle semblait faite pour tout autre chose que l’exercice du déplacement, et pourtant, comme dans un élan de masochisme tragique, son corps bougeait. Chaque geste semblait être le dernier, mais aussi un exploit incroyable pour lequel on aurait décerné tous les prix, si tant est qu’on envisage qu’il ne soit pas poursuivi. Parce que c’est aussi un objet pitoyable que cette animation donnait à voir, un objet inerte qu’aucune énergie n’irriguait visiblement, que la seule détermination faisait avancer, au prix de toute vraisemblance. N’importe quel être vivant aurait considéré avoir sous les yeux l’incarnation d’un cauchemar, de la plus absurde des créations. Quelque chose cependant, rendait soutenable et même captivante la créature. L’aspect de cet être était à l’opposé de ce qu’il faisait. Elle avançait péniblement, en produisant des mouvements superflus et d’autres qui n’atteignaient pas leurs objectifs, et si cette image est immonde c’est que le corps qui exerce ces parodies d’action est d’une nature tellement parfaite qu’on voudrait le voir figé dans son admirable beauté. Toute perfection ne peut évoluer qu’au regard d’une dimension très précise de l’existence, elle est sans faille tant qu’elle ne la quitte pas. La créature était parfaite du moment qu’elle était un objet à voir. Désormais, elle s’abîmait en gesticulant, et comme une erreur n’existe que pour ne jamais survenir, elle avait enfreint la règle et subissait la condamnation de la vie elle-même. Toute l’existence grouillante qui fourmillait sur le boulevard s’aplatissait devant elle. D’une incroyable blancheur, et sans aucune aspérité pour accrocher les mots et le regard, la créature s’écroulait, rampait, et tendait son corps en cherchant par tous les moyens à progresser vers une destination connue d’elle seule. La matière qui luisait, suintant en permanence un liquide poisseux et froid, trembla devant le passage de la créature. Les plus anthropomorphiques de ces immondices firent même un mouvement infime du visage, bien qu’hypothétique, et qui signifiait approximativement que la terreur s’était glissée en eux. Quand l’être eut fini d’être par là, la matière ne suinta plus que de l’eau, très pure et en abondance. Les cadavres au souffle long fermèrent les yeux et sourirent.
Cette procession continua jusqu’au parc joint à une très vieille mairie. Les élus locaux ne purent réprimer un œil désapprobateur à travers la fenêtre. Cauchemar ou pas, l’anti-conformisme est un crime odieux et chacun de ceux qui avaient vu la créature se réjouirent d’avoir moralement une nouvelle activité : ils désapprouvèrent en chœur.
L’être n’y prêtait pas attention, tout à son déplacement qui prenait maintenant des allures de périple, il franchissait d’un pas déraisonnable le portique du parc municipal.
Voir la chose avancer donnait l’impression qu’on avait intégré la mécanique d’une voiture sportive à un frigo. Malgré les chocs, la poussière et la matière partout agglutinée, la créature restait impeccable, on eût dit qu’un brise-glace fendait la banquise, à ceci près qu’un navire ne se contorsionne que très occasionnellement.
Dans l’incroyable jungle qu’était devenu le jardin public, les arbres n’avaient ni racines ni branches, juste une armée de tentacules boursouflés qui creusaient la terre. Partout s’étalaient de grosses tumeurs dont le jus alimentait le lac non loin. Le corps de la créature grinçait sourdement, comme on souffre. Tandis que ses pas devinrent progressivement plus sûrs, la réalité se fit moins insistante à lui refuser le droit d’être. Comme si l’essence de la matière n’était rien d’autre que son comportement au monde, une décomposition schématique de ses potentialités, un vin sans ivresse, ni saveur. La créature ne frémissait pas davantage devant les bêtes indolentes qu’en franchissant les espaces troubles des hautes herbes lascives et molles. Le végétal pinçait doucement ses lèvres devant elle, puis s’enroulait en crispant toutes ses nervures. La boue et la poussière ne semblaient pas l’atteindre, sa peau lumineuse éclaboussait d’horreur toutes les engeances du parc. Il y avait, tout en haut de ce corps, le divin et l’absurde unis, un visage infranchissable et beau. Ce délice n’avait probablement connu aucun maître, il conservait toute l’impétuosité de la jeunesse et l’extrême fierté que l’amour donne à ceux qui n’en connaissent que les promesses. Pourtant, au fond de ses orbites stériles, par delà l’évidence d’un espace vacant et froid, une étoile consumait de toutes ses forces le bois de l’indicible matrice des hommes. Spontanément, les insectes gémirent sous leurs frêles carapaces, aucun d’eux n’avait senti aussi fort avant cet instant que la vie était une nourriture si plaisante.
Le réalisme visqueux se laissait sourdre éternellement de ces photographies. Un écureuil posait sans fantaisie au pied d’un merisier foisonnant de grappes de fruits or, cuivre et sang. Une troupe d’oies dormaient dans la cavité intime d’un chêne ventripotent. Sur le sol, un tapis de lombrics au corps pâle et mou captivait les minuscules petites billes brunes de deux merles prêts à s’envoler. La créature pris le chemin du lac, avec l’intention manifeste de le traverser. Sans embarcation le lac demandait beaucoup de courage à franchir, mais c’était à un moment ou l’eau conservait un degré d’incertitude conséquent. Les reflets changeants de la surface, le bouillonnement de certaines zones qu’on aurait dit nerveuses, tout cela les gens le reconnaissaient tacitement, et peu nombreux furent ceux qui y plongèrent autre chose que leur imagination. Toutefois, l’eau maintenant était une matière si paresseuse qu’elle se laissait volontiers pénétrer, en grande femme sans exigence mais non pas sans désir, elle courbait maintes fois la surface de son dos pour amadouer les corps qui passaient par là. Or il ne venait jamais que l’air, ennuyé et avec une attitude très indifférente pour lui déposer quelques caresses. Quand l’être posa le pied sur l’élément liquide, celui-ci s’affaissa timidement, et ne prit même pas la peine de lui répondre par un glougloutement poli. L’animation perdit l’équilibre à plusieurs reprises, sans paraître décontenancée pour autant, inlassablement tournée vers l’objectif qu’elle s’était donnée. L’eau lui témoignait une tendresse vague et mêlée de crainte, elle ralentissait ses chutes, s’excusait de ne pas être aussi puissant que son voisin le sol, et lui conférait à la faveur d’une étreinte, tout le doux amour dont ses amants n’avaient jamais voulu, insectes lubriques et plantes aux désirs si mécaniques.
L’eau du lac s’usa tout le long à essayer de l’aimer, mais l’amour qui ne laisse pas de trace est un amour sans durée, dont la réalité évanescente n’est pas de nature à nous élever vers des sommets exaltants. Aussi, la créature restait si propre et si pure comme à leur première rencontre sur l’autre rive, et si parfaitement conscience de l’indifférence que suscitait chez elle toute cette masse languissante, que l’eau fut pris d’une très grande tristesse. Elle devint instantanément sèche et rugueuse, puis se couvrit d’aspérités menaçantes au fur et à mesure que sa colère combla le vide laissé par son incompréhension. La colère se mut en rage et l’eau était une gorge au fond de laquelle un précipice hurlait la souffrance qui lui rongeait les parois. La créature se déplaçait avec la même détermination, sans crainte ni pitié pour cette monstrueuse entité. Son visage n’évoquait rien qui puisse supposer une once de considération pour quoi que ce soit. Le feu de ses yeux proposait plutôt une surexpression, parfaitement inhumaine, du néant. Comme si ils ne contenaient rien d’autre que le vide sans nuance, sans fissures ni traces, rien que le néant face à lui-même, entier, complet et l’idée que cette matière inexistante puisse coordonner ce corps et lui donner l’impulsion vitale était épouvantable.
Avant qu’elle ne finisse de traverser, l’amante liquide souleva des trombes qu’elle projeta violemment dans sa direction. L’eau atteignit l’être désarticulé avec une telle puissance qu’il fut englouti sous la surface du lac. Il n’y avait plus une trace de son passage. Le lac ronronna, apaisé et repu de destruction. Sa surface se souleva, enfla jusqu’à former une petite colline que les ondes caressantes de l’eau venaient lécher d’une écume dentelée.
L’eau pleurait et jouissait en même temps. L’objet de son amour était perdu, mais ses lamentations couvraient difficilement le plaisir qui lui brûlait le ventre. Elle était pleine de cette petite merveille dont elle avait fait le sacrifice et ça lui donnait le vertige. Grosse de son amour narcissique, elle passait complaisamment sa langue sur son ventre, déjà prête à ravaler le fruit de cette naissance, pour jouir infiniment d’elle-même, du plaisir que lui procure son égotisme pernicieux, et du regard jaloux qu’elle prête au monde, sa chimère.
Tout à son plaisir, elle ne remarqua pas la forme qui émergea, silencieuse et légère et qui, de son ventre rond, perça l’opercule qui la maintenait à l’intérieur. L’animation défit la peau encore plaquée sur elle et se retourna sur sa génitrice. Elle gardait les yeux fermés. Terrifiée et ivre de douleur, l’eau pris de ses mains tout le bassin du lac et s’apprêta à en écraser son enfant mutin. Aussitôt, la créature ouvrit les yeux sur deux grands soleils, contrastant avec son regard d’alors. Des gouttes perdues descendaient en cascade le long de son visage, jouant sur ses grands cils, roulant sur ses lèvres bien pleines qu’une main curieuse effleura. Les doigts hésitèrent avant de palper d’un geste imprécis la substance chatouilleuse. Chaque pupille avait l’éclat d’une étoile mourante, délivrant ses dernières et ses plus belles forces. Elle dessina de son encre limpide le début d’un sourire, muette, comme hypnotisée par son œuvre. Avant d’y parvenir, un rire tinta d’un bout à l’autre de son visage. Un rire juvénile et absurde, ceux qui déliés des hommes s’envolent ou disparaissent pour amuser les anges. Elle rit aux larmes, et celles-ci se mêlèrent à l’eau qui de son front ruisselait. La colère du lac ne gronda plus lorsqu’il fut confronté à un spectacle aussi désarmant, il se coucha devant l’enfant et contempla son innocence, son rire. Il avait tellement de peine à être nostalgique, à se souvenir d’autre chose que son rire creux, ses gestes déçus, et le plaisir, cet ami toujours en retard et épuisé. Fallait-il qu’il existe une réponse dans cette joie ? Le lac fut sage avant de ne plus être du tout. Il s’appliqua de toute son âme à admirer le bonheur d’un autre, à s’en satisfaire jusqu’à disparaître. Des yeux de la créature, l’incandescence arracha un dernier orgasme à l’amante. La mère s’agrippa à son amour propre avant de s’évaporer. Quant à celui qui fut autrefois un enfant, il tint un regret tout contre lui et s’endormit sur un nuage.
jeudi 17 avril 2008
Fin du concours
Toutes les histoires ont été postées, il reste maintenant aux membres du jury d'établir chacun une première classification !
Quand à tous les innombrables lecteurs, vous pouvez toujours mettre vos commentaires, ils influenceront certainement nos jugements !
(les chèques sont acceptées, ainsi que les comptes paypal)
Plus sérieusement, il faut maintenant que les membres réfléchissent au podium !
p.s. Contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse, Anodos n'a pas été déclaré vainqueur ! herm
Màj :
Pour vous autres lecteurs du blog, vous pouvez nous faire connaître VOTRE trio de vainqueurs de ce concours, et, si vous êtes inspirés, dites pourquoi !
en attendant notre jury se concentre avant de se concerter ! à suivre
Quand à tous les innombrables lecteurs, vous pouvez toujours mettre vos commentaires, ils influenceront certainement nos jugements !
(les chèques sont acceptées, ainsi que les comptes paypal)
Plus sérieusement, il faut maintenant que les membres réfléchissent au podium !
p.s. Contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse, Anodos n'a pas été déclaré vainqueur ! herm
Màj :
Pour vous autres lecteurs du blog, vous pouvez nous faire connaître VOTRE trio de vainqueurs de ce concours, et, si vous êtes inspirés, dites pourquoi !
en attendant notre jury se concentre avant de se concerter ! à suivre
dimanche 6 avril 2008
Paru dans la presse 5
06/04/08-Paris
Luis Titi et Gérard Atatam
Un mois après la clôture définitive des envois, le jury du concours d’histoiresbreves.blogspot.com, composé de cinq membres de l’élite du monde académique français, a rendu son verdict : le lauréat du prix 2007 de la meilleure histoire brève est Anodos (clap clap clap).
Cette distinction, si méritée soit-elle, a été ternie par le contexte de scandale et de débats houleux qui a ballotté le petit monde des ‘tithistoristes au point du chavirage. Dans un communiqué datant du 1er avril, un groupuscule terroriste lié à Al-Qaïdi, Al-Qaïda life goes on wah, aurait avancé que, dans la mesure où Anodos n’avait guère composé de texte pour le concours, il méritait, sinon la peine capitale, au moins sa destitution des organes exécutifs (à ne pas confondre avec les organes…pardon je m’égare).
Le porte-parole de l’association estudiantine coquinedu92@hotmail.intl.br (oui le domaine international breton existe bel et bien!) a déclaré samedi: « Cette crapule d’Anodos, il ne mérite pas une telle victoire ! Nous le boufferons tout cru ! Servons le avec des torchettes !
Le ministre de la Culture Christin Albaneau s’est dit inquiet de cette montée des tensions et a appelé au calme : « Ne mélangeons pas les torchettes et les servons ! Laissons les autorités compétentes mener leur enquête, et présumons innocents les membres du jury d’histoiresbreves.blogspot.com jusqu’à preuve du contraire. C’est là les fondements même de notre démocratie, de notre état de droit, et de notre irrédentisme nationaliste primaire à l’égard de tout barbare gargarisant de tout autre pays que le nôtre - rayer la mention inutile. »
Le président du jury, M. Dozer Ziwane, mieux connu pour ses exactions meurtrières au Lichtenstein au 18ème siècle, a expliqué que le choix du jury avait été motivé par l’urgence de trouver un gagnant, dans un contexte de délabrement moral des participants. «Prenez en pour preuve : parmi tous nos candidats, nous n’avions qu’Anodos qui répondait aux critères de rectitude morale que nous appliquons. Tous les autres, sans exception, étaient mineures, femmes, sociologues ou étrangers. Comprenez mon désarroi ! »
La situation a empiré lorsqu’un certain angeocheveurou a remis en question la sainteté irréfragable (juste avant irréfutabilité dans le petit robert) du jury en tenant que l’issue du concours déterminerait si le jury était véritablement impartial ou non. Piqués à vif, certains membres du jury ont démissionné dans un geste de contestation. M. Ziwane, contraint par la force des choses, a alors décidé de remettre la fraise d’or (c’est bien de cela qu’il s’agit non ?) à son ami de longue date Anodos, qui a su vilement soudoyer un jury vénal (ou ce qu’il en restait). Si l'exploit d'Anodos n’égale certes pas celui d’Al Gore (qui, à force de dessous-de-table, a fini par remporter le prix Nobel de la Paix pour une histoire d’aérophagie mondialisée), il lui permet néanmoins de repartir avec une fraise d’or ainsi que la modique somme d’un demi milliard d’euros.
Aussi méritée fut-elle, cette victoire d’Anodos, ne pouvait que, pour tous les autres loosers sans espoir candidats au concours, jeter un froid.
Cette distinction, si méritée soit-elle, a été ternie par le contexte de scandale et de débats houleux qui a ballotté le petit monde des ‘tithistoristes au point du chavirage. Dans un communiqué datant du 1er avril, un groupuscule terroriste lié à Al-Qaïdi, Al-Qaïda life goes on wah, aurait avancé que, dans la mesure où Anodos n’avait guère composé de texte pour le concours, il méritait, sinon la peine capitale, au moins sa destitution des organes exécutifs (à ne pas confondre avec les organes…pardon je m’égare).
Le porte-parole de l’association estudiantine coquinedu92@hotmail.intl.br (oui le domaine international breton existe bel et bien!) a déclaré samedi: « Cette crapule d’Anodos, il ne mérite pas une telle victoire ! Nous le boufferons tout cru ! Servons le avec des torchettes !
Le ministre de la Culture Christin Albaneau s’est dit inquiet de cette montée des tensions et a appelé au calme : « Ne mélangeons pas les torchettes et les servons ! Laissons les autorités compétentes mener leur enquête, et présumons innocents les membres du jury d’histoiresbreves.blogspot.com jusqu’à preuve du contraire. C’est là les fondements même de notre démocratie, de notre état de droit, et de notre irrédentisme nationaliste primaire à l’égard de tout barbare gargarisant de tout autre pays que le nôtre - rayer la mention inutile. »
Le président du jury, M. Dozer Ziwane, mieux connu pour ses exactions meurtrières au Lichtenstein au 18ème siècle, a expliqué que le choix du jury avait été motivé par l’urgence de trouver un gagnant, dans un contexte de délabrement moral des participants. «Prenez en pour preuve : parmi tous nos candidats, nous n’avions qu’Anodos qui répondait aux critères de rectitude morale que nous appliquons. Tous les autres, sans exception, étaient mineures, femmes, sociologues ou étrangers. Comprenez mon désarroi ! »
La situation a empiré lorsqu’un certain angeocheveurou a remis en question la sainteté irréfragable (juste avant irréfutabilité dans le petit robert) du jury en tenant que l’issue du concours déterminerait si le jury était véritablement impartial ou non. Piqués à vif, certains membres du jury ont démissionné dans un geste de contestation. M. Ziwane, contraint par la force des choses, a alors décidé de remettre la fraise d’or (c’est bien de cela qu’il s’agit non ?) à son ami de longue date Anodos, qui a su vilement soudoyer un jury vénal (ou ce qu’il en restait). Si l'exploit d'Anodos n’égale certes pas celui d’Al Gore (qui, à force de dessous-de-table, a fini par remporter le prix Nobel de la Paix pour une histoire d’aérophagie mondialisée), il lui permet néanmoins de repartir avec une fraise d’or ainsi que la modique somme d’un demi milliard d’euros.
Aussi méritée fut-elle, cette victoire d’Anodos, ne pouvait que, pour tous les autres loosers sans espoir candidats au concours, jeter un froid.
vendredi 21 mars 2008
Pour le frisson que tu procures.
La température était douce et agréable, le soleil rayonnait, mais n’éblouissait pas les gens qui marchaient sur la grande place, au contraire, il se reflétait sur leurs visages souriants. Ray s’était installé sur un banc au coin de la rue et admirait le spectacle. Tout le monde était, ou tout du moins semblait heureux. N’est-ce pas extraordinaire, l’effet que le soleil peut avoir sur les humains ?
Cela faisait maintenant presque trente ans, que les citoyens de New York n’avaient pas connu le froid. Et pour le commun des mortels cela se faisait ressentir de la façon la plus simple qui soit : le bonheur. Un bonheur pur, simple, continu et unanime qui fut le résultat de moults débats, plus ou moins chaotiques. D’un coté il y avait ceux qui voulait que la chaleur de l’été et la douceur du printemps soit omniprésente à big apple, de l’autre, il y avait les pro-hivers, qui ont essayé de défendre corps et âmes l’image d’un Central Park sous la neige. Mais finalement l’été avait gagné, l’hiver sans était allé, et tout le monde avait convenu que la neige représentait une période éphémère que les Hommes ont tant cherché à dominer. Le froid ne répondait plus aux idéaux modernes, aux intérêts économiques des grandes firmes et à la conception de bien être des New-Yorkais
De toute façon toutes les discordes se sont très vite éteintes lorsqu’ils ont vu tous les effets bénéfiques provoqués par un climat contrôlé.
Le système n’était pas très compliqué à mettre en place, et permettait de contrôler complètement la température, afin qu’elle soit la plus douce, et que le ciel soit le plus ensoleillé possible. Mais qui aurait pu penser que l’Homme, qui lutta pendant près d’un siècle pour réduire le réchauffement climatique et alla même jusqu'à faire la guerre aux grands pollueurs, finisse par intervenir directement sur la couche d’ozone pour pouvoir contrôler la température et réchauffer la ville qui est l’une des plus grande source d’inspiration pour le reste du monde.
Bien sûr New York, se voulait avant-gardiste, et savait très bien que toutes les régions du globe les unes après les autres allaient accepter et mettre au point un projet similaire.
Au début bien sûr, les autres pays, se sont bien gardés d’émettre des commentaires, puis on entendit toujours les mêmes protestations. New York et ses dirigeants étaient accusés de jouer à Dieu et d’exporter leur système de contrôle de température a travers le monde pour augmenter la croissance américaine et le monopole de celle-ci sur le monde entier. Un vent de guerre froide planait sur notre planète, mais c’était cette fois la chaleur qui en était l’enjeu. Très vite les médias parlèrent de guerre chaude.
Les années passèrent, et toutes les grandes métropoles furent finalement équipés du système Weather plus qui semblait-il ne faisait que des heureux, contrairement à ce que pensait les opposants au projet d’origine.
En voyant les gens se balader, Ray fixait leur visage, leur sourire, leurs yeux pétillants. Il n’arrivait pas à comprendre comment le froid, la pluie, l’écoulement normal des saisons, ne pouvait pas leur manquer. C’était une pensée récurrente chez lui, chaque année il se posait cette même question. Il avait essayé d’en parler à ses amis, il était même allé jusqu'à consulter un parapsychologue pour en discuter, mais personne ne le comprenais, personne n’arrivait à concevoir l’idée d’avoir envie d’avoir froid.
Comment les gens peuvent-ils se contenter de cette uniformisation des saisons, comment ne peuvent-ils pas vouloir le changement, la diversité ?
Dans sa chambre rose, une petite fille, assise devant son bureau lisait son cahier. La jeune fille appela sa mère, qui arriva de suite. Celle-ci fixa sa fille un petit instant, elle était si jeune, si fine, elle semblait fragile et forte à la fois. Elle ne voulait pas que cette pureté, cette naïveté qui faisait tout son charme ne s’envole avec le temps.
Comment cesser de l’observer et de vouloir la protéger, alors qu’elle se faisait plus belle et intelligente chaque jour.
« Maman, je peux te réciter mon poème, c’est pour l’école, s’il te plaît. » Ses paroles douces et tendres ramenèrent la jeune mère à la réalité et lui firent esquisser un sourire de bonheur. Celle-ci dit alors d’une voie très calme : « Vas y mon ange, je t’écoute. » Elle prit la feuille que lui tendait sa fille, et s’assit sur son lit. Puis de sa voix angélique, la petite fille récita :
Les saisons passent, mais ne se ressemblent pas,
Qui aurait cru voir tomber si vite, les feuilles de l’automne,
Alors que déjà, l'hiver pouvait se faire ressentir ici bas.
Et ce fut le printemps, puis l’été qui s'abattirent sur nous comme des colonnes.
Mais le bonheur ne peut être complet
Que lorsque la chair, ressent la morsure du froid de l’hiver.
Et lors du printemps la caresse les pétales qui volent dans les airs.
Laisse la place à la chaleur de l’été qui échaude les amants dans leurs nids douillets.
Mais si l’hiver est la plus belle des saisons,
Ce n’est pas pour sa fraîcheur, ni pour ses couleurs.
Mais c’est pour ses singularités qui font,
Que les gens ouvrent réellement leur cœur.
Elle s’arrêta. Sa mère la félicita en la serrant dans ses bras puis elle se mit à la regarder, encore une fois, et ne pu s'empêcher d’avoir ce sentiment d’admiration. Elle ne désirait plus personne si ce n’est sa Marion. Voyant que sa mère la dévisageait depuis quelques minutes Marion dit :
« Maman, Maman, ça va ? » Puis délicatement, elle se rapprocha de sa mère et lui embrassa le front. « Qu’est qu’il y a maman ? C’était pas bien, j’ai fait des fautes ?
— Non, au contraire mon cœur c’était parfait. J’étais comment dire…
— Est-ce que plus tard on aura toujours froid ? J’aime pas le froid ! Je veux plus mettre de manteau et sortir dehors quand il y a du vent.
— Mais mon cœur, pourtant ce poème, raconte combien on se sent mieux lorsqu’il fait froid.
— Hein ?
— Je vais t’expliquer ma chérie. Tu vois, les autres saisons telles que l’été ou le printemps, sont certes agréables, douces et chaudes, mais ce que veut dire l’auteur de ton poème, c’est que ce froid, caractéristique de l’hiver, permet au gens de se rapprocher, de se serrer les uns contre les autres et de montrer ce qu’ils ressentent réellement.
— Vraiment ? »
Elle aurait aimé lui expliquer tant de choses, sur le cœur des Hommes et la vie, mais c’était une femme patiente et elle savait que dans quelques mois seulement elle s’étonnerait déjà, de voir sa fille si grande.
Néanmoins en sortant de la chambre, traversant le long couloir, elle ne put s'empêcher de réfléchir sur ce sujet. Tout se mélangeait dans sa tête. Avec tout le tapage que l’on faisait sur le réchauffement de notre planète… Se pourrait-il qu’un jour il fasse si chaud ? Les gens continueraient-ils de montrer ce qu’ils ressentent au fond d’eux-mêmes ?
Ray rentra chez lui. Il posa sa main sur l’ascenseur de son immeuble qui l'emmena directement au 37e étage. Dans son appartement il se sentait comme dans un cocon. La climatisation régulait la température de tout l’immeuble mais il n’était pas possible de la baisser à moins de 18 degrés Celsius, restriction de l’Etat oblige.
Une fois assis sur son canapé, il recommençait à penser à cette idée. Cela le poursuivait, le hantait, et si j’ai envie d’avoir froid ? Mais, ici bas, tout était chauffé, de la piscine municipale à l’eau qui coulait dans les robinets. Il ne cessait de se répéter qu’il se faisait du mal inutilement mais après tout il éprouvait juste le désir de se souvenir, de sentir quelque chose de différent, comme ce qu’il ressentait lorsqu’il était un enfant.
Malheureusement pour lui, il avait oublié voilà tout. Il ne savait plus, comme la plupart des habitants de la grosse pomme ce que c’était d’avoir froid. Ce n'était peut être pas grave mais maintenant qu’il en avait conscience il le vivait comme un déséquilibre. Il avait l’impression qu’on lui avait amputé un sens.
Le lendemain il se leva pour aller travailler. Il avait déjà presque oublié toutes les idées sombres qu’il avait ressassées la veille. Le pouvoir de la télévision certainement.
La musique qui l’accompagnait cette mâtinée-là était douce, et fragile, tout comme lui.
Dans l’ascenseur qui l’amenait à son bureau, Ray croisa une charmante femme, aux cheveux noirs, assez grande, vêtue d’un tailleur sombre et parfaitement coupé. Elle avait des yeux pétillants et un regard dont il savait pertinemment qu’il ne sortirait pas de son esprit. C’était un regard qu’on ne pouvait travestir ou tromper. C’était la première fois qu’il l’a croisait alors qu’il travaillait ici depuis dix ans, autant dire que la chance arrive bien tôt ou tard. Cependant, il savait, une intuition peut être, qu’elle allait au dernier étage qui était peuplé par les pontes de la NASA. Il tomba amoureux d’elle l’espace d’une seconde puis lorsque la porte coulissa, il dut retrouver son box, pour son habituel labeur d’ingénieur.
Elle se retrouva toute seule dans l’ascenseur. Elle avait trouvé le jeune homme plutôt à son goût. Mais aujourd’hui elle ne devait pas se laisser distraire. Elle avait un objectif et elle devait le remplir. La porte de l'ascenseur s’ouvrit à nouveau. C’était son étage, on ne pouvait pas le manquer car c’était belle et bien celui de la NASA. Ceux-ci n’avait toujours pas envoyé d’hommes sur mars, mais avait bel et bien réussit à coloniser les derniers étages de toutes les tours des Etats Unis.
Cela faisait presque deux mois qu’elle travaillait pour eux, ici à New York. Elle avait déjà son propre bureau et sa secrétaire. En s’y rendant elle esquissa quelques sourires à ses collègues qui, le visage illuminé, la saluèrent.
« Bonjour Miss Everest, vous n’avez reçu aucun message. Je crois que le patron voudrait que vous finissiez au plus vite la compilation des données du nouveau satellite.
— Bonjour Rachel. OK je pense que je lui apporterais ça ce soir, en attendant il faut que j’aille dans la salle des serveurs, j’ai des données à extraire, et j’ai l’impression que quelques unes de mes données ont été corrompues lors des dernières sauvegardes de mes postes ces derniers jours.
— Vous ne voulez pas laissez les techniciens s’en charger ? Cela ne présage rien de bons des données endommagées.
— Non, ne vous inquiétez pas je suis sur que c’est trois fois rien, de toute façon je suis au moins aussi compétent qu’eux.
Elle traversa une nouvelle fois son étage, elle se rendit près de la salle aux murs transparents, elle posa la paume de sa main contre le réceptacle installé à côté de la porte. Après qu’elle se soit ouverte, Marie s'immisça au milieu de tous ces énormes ordinateurs. A peine quelques minutes passées dans cette ruche robotisée, que l’air s’y faisait déjà pesant. Comme partout en fait ! Elle savait que durant ces derniers mois elle avait fait le plus dur. Venait enfin le moment de la consécration.
Elle vérifia les données, celles-ci avaient bien été corrompues. Elle resta dans la salle à étudier les données et à travailler sur les serveurs pendant deux bonnes heures. A l’étage personne ne s’inquiétait, elle avait prit l’habitude de venir remplacer les techniciens de temps à autres.
Il était midi, Ray avait enfin le droit de sortir de sa prison. Il espérait croiser sa belle inconnue qu’il avait rencontrée plus tôt, mais il n’en fut rien. Il décida donc d’acheter un sandwich dans une boulangerie du coin, et de s'asseoir sur un banc, comme il avait en avait prit l’habitude.
On aurait pu dire qu’il profitait du beau temps, mais ce n’était plus le cas. Il prenait sa pause voilà tout.
Les gens défilaient comme tous les jours, ils affichaient presque tous la même satisfaction. Alors qu’il était entrain de manger son sandwich, elle était là, assise a côté de lui. A peine eut-il le temps de s’en rendre compte, qu’elle lui glissa au creux de l'oreille :
« Vous n’êtes pas comme eux, je me retrouve en vous. Je ne sais pas qui vous êtes mais j’espère sincèrement que l’on se reverra.” Ses oreilles bourdonnaient, il était abasourdit, puis elle ajouta. « Admirez le spectacle. »
Elle s’en alla et traversa la place. Ne voulant pas que ce moment s’éteigne, Ray se leva. Il sentit soudainement quelque chose. Les manches de son t-shirt virevoltèrent, ses oreilles sifflèrent, le vent souffla et la brise vint caresser son corps. Il voyait les expressions des gens s'obscurcir, comme le ciel noircit avant l’orage.
Il ne savait plus ce que cela faisait d’avoir froid, mais a cet instant précis, il redécouvrit le bonheur que cette sensation procure. Il profita de ce moment le plus longtemps possible.
Il y éprouva tant de plaisir. Il était là, debout, immobile, et il faisait froid. Il savait que ce moment ne pouvait être qu'éphémère, c’est ce qui en faisait sa force, c’était la plus belle journée de sa vie.
Le lendemain, tous les journaux racontaient comment une vague de froid s’était abattue sur New York suite à un malheureux bug. Ce fut la dernière fois que les habitants de New York eurent froid.
Un peu plus tard dans l’année une jeune femme brune du nom de Marie faisait la une des journaux, elle travaillait pour la NASA sous une fausse identité. Son véritable nom était Marion, c’était elle qui était à l’origine de cette vague de froid qui avait éveillé tant de sensations a travers la ville. Peut être avait elle réussi à sensibiliser de nombreuses personnes ce jour là. Ray, lisant le journal, l’a reconnu immédiatement, il était vraiment tombé sous le charme de cette fille et il savait maintenant pourquoi il l’avait aimé au moment ou leurs regards s’étaient croisés. Elle lui avait tout d’abord donné un peu froid dans le dos. Mais finalement elle lui avait fait le plus grand bien qu’une femme ne lui ai jamais fait. Elle lui avait donné le plus grand des frissons.
Cela faisait maintenant presque trente ans, que les citoyens de New York n’avaient pas connu le froid. Et pour le commun des mortels cela se faisait ressentir de la façon la plus simple qui soit : le bonheur. Un bonheur pur, simple, continu et unanime qui fut le résultat de moults débats, plus ou moins chaotiques. D’un coté il y avait ceux qui voulait que la chaleur de l’été et la douceur du printemps soit omniprésente à big apple, de l’autre, il y avait les pro-hivers, qui ont essayé de défendre corps et âmes l’image d’un Central Park sous la neige. Mais finalement l’été avait gagné, l’hiver sans était allé, et tout le monde avait convenu que la neige représentait une période éphémère que les Hommes ont tant cherché à dominer. Le froid ne répondait plus aux idéaux modernes, aux intérêts économiques des grandes firmes et à la conception de bien être des New-Yorkais
De toute façon toutes les discordes se sont très vite éteintes lorsqu’ils ont vu tous les effets bénéfiques provoqués par un climat contrôlé.
Le système n’était pas très compliqué à mettre en place, et permettait de contrôler complètement la température, afin qu’elle soit la plus douce, et que le ciel soit le plus ensoleillé possible. Mais qui aurait pu penser que l’Homme, qui lutta pendant près d’un siècle pour réduire le réchauffement climatique et alla même jusqu'à faire la guerre aux grands pollueurs, finisse par intervenir directement sur la couche d’ozone pour pouvoir contrôler la température et réchauffer la ville qui est l’une des plus grande source d’inspiration pour le reste du monde.
Bien sûr New York, se voulait avant-gardiste, et savait très bien que toutes les régions du globe les unes après les autres allaient accepter et mettre au point un projet similaire.
Au début bien sûr, les autres pays, se sont bien gardés d’émettre des commentaires, puis on entendit toujours les mêmes protestations. New York et ses dirigeants étaient accusés de jouer à Dieu et d’exporter leur système de contrôle de température a travers le monde pour augmenter la croissance américaine et le monopole de celle-ci sur le monde entier. Un vent de guerre froide planait sur notre planète, mais c’était cette fois la chaleur qui en était l’enjeu. Très vite les médias parlèrent de guerre chaude.
Les années passèrent, et toutes les grandes métropoles furent finalement équipés du système Weather plus qui semblait-il ne faisait que des heureux, contrairement à ce que pensait les opposants au projet d’origine.
En voyant les gens se balader, Ray fixait leur visage, leur sourire, leurs yeux pétillants. Il n’arrivait pas à comprendre comment le froid, la pluie, l’écoulement normal des saisons, ne pouvait pas leur manquer. C’était une pensée récurrente chez lui, chaque année il se posait cette même question. Il avait essayé d’en parler à ses amis, il était même allé jusqu'à consulter un parapsychologue pour en discuter, mais personne ne le comprenais, personne n’arrivait à concevoir l’idée d’avoir envie d’avoir froid.
Comment les gens peuvent-ils se contenter de cette uniformisation des saisons, comment ne peuvent-ils pas vouloir le changement, la diversité ?
Dans sa chambre rose, une petite fille, assise devant son bureau lisait son cahier. La jeune fille appela sa mère, qui arriva de suite. Celle-ci fixa sa fille un petit instant, elle était si jeune, si fine, elle semblait fragile et forte à la fois. Elle ne voulait pas que cette pureté, cette naïveté qui faisait tout son charme ne s’envole avec le temps.
Comment cesser de l’observer et de vouloir la protéger, alors qu’elle se faisait plus belle et intelligente chaque jour.
« Maman, je peux te réciter mon poème, c’est pour l’école, s’il te plaît. » Ses paroles douces et tendres ramenèrent la jeune mère à la réalité et lui firent esquisser un sourire de bonheur. Celle-ci dit alors d’une voie très calme : « Vas y mon ange, je t’écoute. » Elle prit la feuille que lui tendait sa fille, et s’assit sur son lit. Puis de sa voix angélique, la petite fille récita :
Les saisons passent, mais ne se ressemblent pas,
Qui aurait cru voir tomber si vite, les feuilles de l’automne,
Alors que déjà, l'hiver pouvait se faire ressentir ici bas.
Et ce fut le printemps, puis l’été qui s'abattirent sur nous comme des colonnes.
Mais le bonheur ne peut être complet
Que lorsque la chair, ressent la morsure du froid de l’hiver.
Et lors du printemps la caresse les pétales qui volent dans les airs.
Laisse la place à la chaleur de l’été qui échaude les amants dans leurs nids douillets.
Mais si l’hiver est la plus belle des saisons,
Ce n’est pas pour sa fraîcheur, ni pour ses couleurs.
Mais c’est pour ses singularités qui font,
Que les gens ouvrent réellement leur cœur.
Elle s’arrêta. Sa mère la félicita en la serrant dans ses bras puis elle se mit à la regarder, encore une fois, et ne pu s'empêcher d’avoir ce sentiment d’admiration. Elle ne désirait plus personne si ce n’est sa Marion. Voyant que sa mère la dévisageait depuis quelques minutes Marion dit :
« Maman, Maman, ça va ? » Puis délicatement, elle se rapprocha de sa mère et lui embrassa le front. « Qu’est qu’il y a maman ? C’était pas bien, j’ai fait des fautes ?
— Non, au contraire mon cœur c’était parfait. J’étais comment dire…
— Est-ce que plus tard on aura toujours froid ? J’aime pas le froid ! Je veux plus mettre de manteau et sortir dehors quand il y a du vent.
— Mais mon cœur, pourtant ce poème, raconte combien on se sent mieux lorsqu’il fait froid.
— Hein ?
— Je vais t’expliquer ma chérie. Tu vois, les autres saisons telles que l’été ou le printemps, sont certes agréables, douces et chaudes, mais ce que veut dire l’auteur de ton poème, c’est que ce froid, caractéristique de l’hiver, permet au gens de se rapprocher, de se serrer les uns contre les autres et de montrer ce qu’ils ressentent réellement.
— Vraiment ? »
Elle aurait aimé lui expliquer tant de choses, sur le cœur des Hommes et la vie, mais c’était une femme patiente et elle savait que dans quelques mois seulement elle s’étonnerait déjà, de voir sa fille si grande.
Néanmoins en sortant de la chambre, traversant le long couloir, elle ne put s'empêcher de réfléchir sur ce sujet. Tout se mélangeait dans sa tête. Avec tout le tapage que l’on faisait sur le réchauffement de notre planète… Se pourrait-il qu’un jour il fasse si chaud ? Les gens continueraient-ils de montrer ce qu’ils ressentent au fond d’eux-mêmes ?
Ray rentra chez lui. Il posa sa main sur l’ascenseur de son immeuble qui l'emmena directement au 37e étage. Dans son appartement il se sentait comme dans un cocon. La climatisation régulait la température de tout l’immeuble mais il n’était pas possible de la baisser à moins de 18 degrés Celsius, restriction de l’Etat oblige.
Une fois assis sur son canapé, il recommençait à penser à cette idée. Cela le poursuivait, le hantait, et si j’ai envie d’avoir froid ? Mais, ici bas, tout était chauffé, de la piscine municipale à l’eau qui coulait dans les robinets. Il ne cessait de se répéter qu’il se faisait du mal inutilement mais après tout il éprouvait juste le désir de se souvenir, de sentir quelque chose de différent, comme ce qu’il ressentait lorsqu’il était un enfant.
Malheureusement pour lui, il avait oublié voilà tout. Il ne savait plus, comme la plupart des habitants de la grosse pomme ce que c’était d’avoir froid. Ce n'était peut être pas grave mais maintenant qu’il en avait conscience il le vivait comme un déséquilibre. Il avait l’impression qu’on lui avait amputé un sens.
Le lendemain il se leva pour aller travailler. Il avait déjà presque oublié toutes les idées sombres qu’il avait ressassées la veille. Le pouvoir de la télévision certainement.
La musique qui l’accompagnait cette mâtinée-là était douce, et fragile, tout comme lui.
Dans l’ascenseur qui l’amenait à son bureau, Ray croisa une charmante femme, aux cheveux noirs, assez grande, vêtue d’un tailleur sombre et parfaitement coupé. Elle avait des yeux pétillants et un regard dont il savait pertinemment qu’il ne sortirait pas de son esprit. C’était un regard qu’on ne pouvait travestir ou tromper. C’était la première fois qu’il l’a croisait alors qu’il travaillait ici depuis dix ans, autant dire que la chance arrive bien tôt ou tard. Cependant, il savait, une intuition peut être, qu’elle allait au dernier étage qui était peuplé par les pontes de la NASA. Il tomba amoureux d’elle l’espace d’une seconde puis lorsque la porte coulissa, il dut retrouver son box, pour son habituel labeur d’ingénieur.
Elle se retrouva toute seule dans l’ascenseur. Elle avait trouvé le jeune homme plutôt à son goût. Mais aujourd’hui elle ne devait pas se laisser distraire. Elle avait un objectif et elle devait le remplir. La porte de l'ascenseur s’ouvrit à nouveau. C’était son étage, on ne pouvait pas le manquer car c’était belle et bien celui de la NASA. Ceux-ci n’avait toujours pas envoyé d’hommes sur mars, mais avait bel et bien réussit à coloniser les derniers étages de toutes les tours des Etats Unis.
Cela faisait presque deux mois qu’elle travaillait pour eux, ici à New York. Elle avait déjà son propre bureau et sa secrétaire. En s’y rendant elle esquissa quelques sourires à ses collègues qui, le visage illuminé, la saluèrent.
« Bonjour Miss Everest, vous n’avez reçu aucun message. Je crois que le patron voudrait que vous finissiez au plus vite la compilation des données du nouveau satellite.
— Bonjour Rachel. OK je pense que je lui apporterais ça ce soir, en attendant il faut que j’aille dans la salle des serveurs, j’ai des données à extraire, et j’ai l’impression que quelques unes de mes données ont été corrompues lors des dernières sauvegardes de mes postes ces derniers jours.
— Vous ne voulez pas laissez les techniciens s’en charger ? Cela ne présage rien de bons des données endommagées.
— Non, ne vous inquiétez pas je suis sur que c’est trois fois rien, de toute façon je suis au moins aussi compétent qu’eux.
Elle traversa une nouvelle fois son étage, elle se rendit près de la salle aux murs transparents, elle posa la paume de sa main contre le réceptacle installé à côté de la porte. Après qu’elle se soit ouverte, Marie s'immisça au milieu de tous ces énormes ordinateurs. A peine quelques minutes passées dans cette ruche robotisée, que l’air s’y faisait déjà pesant. Comme partout en fait ! Elle savait que durant ces derniers mois elle avait fait le plus dur. Venait enfin le moment de la consécration.
Elle vérifia les données, celles-ci avaient bien été corrompues. Elle resta dans la salle à étudier les données et à travailler sur les serveurs pendant deux bonnes heures. A l’étage personne ne s’inquiétait, elle avait prit l’habitude de venir remplacer les techniciens de temps à autres.
Il était midi, Ray avait enfin le droit de sortir de sa prison. Il espérait croiser sa belle inconnue qu’il avait rencontrée plus tôt, mais il n’en fut rien. Il décida donc d’acheter un sandwich dans une boulangerie du coin, et de s'asseoir sur un banc, comme il avait en avait prit l’habitude.
On aurait pu dire qu’il profitait du beau temps, mais ce n’était plus le cas. Il prenait sa pause voilà tout.
Les gens défilaient comme tous les jours, ils affichaient presque tous la même satisfaction. Alors qu’il était entrain de manger son sandwich, elle était là, assise a côté de lui. A peine eut-il le temps de s’en rendre compte, qu’elle lui glissa au creux de l'oreille :
« Vous n’êtes pas comme eux, je me retrouve en vous. Je ne sais pas qui vous êtes mais j’espère sincèrement que l’on se reverra.” Ses oreilles bourdonnaient, il était abasourdit, puis elle ajouta. « Admirez le spectacle. »
Elle s’en alla et traversa la place. Ne voulant pas que ce moment s’éteigne, Ray se leva. Il sentit soudainement quelque chose. Les manches de son t-shirt virevoltèrent, ses oreilles sifflèrent, le vent souffla et la brise vint caresser son corps. Il voyait les expressions des gens s'obscurcir, comme le ciel noircit avant l’orage.
Il ne savait plus ce que cela faisait d’avoir froid, mais a cet instant précis, il redécouvrit le bonheur que cette sensation procure. Il profita de ce moment le plus longtemps possible.
Il y éprouva tant de plaisir. Il était là, debout, immobile, et il faisait froid. Il savait que ce moment ne pouvait être qu'éphémère, c’est ce qui en faisait sa force, c’était la plus belle journée de sa vie.
Le lendemain, tous les journaux racontaient comment une vague de froid s’était abattue sur New York suite à un malheureux bug. Ce fut la dernière fois que les habitants de New York eurent froid.
Un peu plus tard dans l’année une jeune femme brune du nom de Marie faisait la une des journaux, elle travaillait pour la NASA sous une fausse identité. Son véritable nom était Marion, c’était elle qui était à l’origine de cette vague de froid qui avait éveillé tant de sensations a travers la ville. Peut être avait elle réussi à sensibiliser de nombreuses personnes ce jour là. Ray, lisant le journal, l’a reconnu immédiatement, il était vraiment tombé sous le charme de cette fille et il savait maintenant pourquoi il l’avait aimé au moment ou leurs regards s’étaient croisés. Elle lui avait tout d’abord donné un peu froid dans le dos. Mais finalement elle lui avait fait le plus grand bien qu’une femme ne lui ai jamais fait. Elle lui avait donné le plus grand des frissons.
Le Sahara .
Sortant d'une relation importante pour elle, mais insignifiante pour les autres, elle s'enfermait souvent dans sa chambre. Sa chambre ne ressemblait plus à quelque chose de connu sur Terre. Il y faisait chaud, un vrai hammam. Il y faisait noir aussi, elle avait fermé tous les volets. Les murs étaient blancs, mais remplis de souvenirs. Photographies, lettres d'Amour, sa vie était affichée. Des objets hétéroclites jonchaient le sol. Des compas, des stylos noirs, des vêtements, des livres, des CD, des milliers de papiers... Tout ce qu'elle n'avait pas pu entasser sur son bureau. Sur celui-ci, un ordinateur. Vieux de quelques années, où reposait une couche de poussière d'au moins cinq millimètres. Regardant souvent une vieille série qu'elle adorait, elle pleurait. Un paquet de cent cinquante mouchoirs était posé à côté d'elle. La jeune femme ne vivait plus que dans cette salle, elle ne sortait plus. Celle-ci regardait obstinément, en sentant couler ses larmes les nombreuses péripéties de son héroïne préférée. Elle ne mangeait plus le matin, en fait elle ne prenait plus que deux repas. Elle se levait à midi et se couchait à plus de minuit. Sa vie décalée, ne vivant plus que la nuit, sa froide confidente était la Lune.
Un de ces soirs les plus brumeux, par ce cinglant hiver, elle prit une décision. Sortir. Cela faisait huit ans qu'elle n'avait rien vu d'autre que son cocon noir. Devait-elle vraiment sortir ? La question se posait. La jeune femme ne savait pas vraiment. Dehors la fraîcheur gelait les voitures jusqu'à en congeler les oisillons dans leurs nids. Les sans domiciles fixes étaient atteints de gelures et côtoyaient les rats crevés sur les trottoirs. Froid amer. La température extérieure était si basse que l'on pu croire qu'il neigeait sur la mer. Les dames âgées se cloîtraient chez elles et allumaient un feu de bois. Les cheminées dégageaient d’épais nuages feutrés. Le feu crépitait. De petites flammes semblables à des caresses venaient effleurer les joues flétries de la vieillesse.
Enfin, elle finit par sortir. Dehors. Sous la pluie... Seule... Personne dans la rue. Personne aux fenêtres. C'est la nuit... Tant mieux, après son enfermement, elle ne voulait rencontrer personne. Elle se sentirait gênée, devant toutes ces figures nouvelles. La lumière l'éblouirait et la suivrait partout. La lumière ne l'avait pas vue depuis de nombreux couchers de soleil. La jeune femme s'enveloppa délicatement dans son manteau de fourrure et dans ses gants de velours noirs. Le vent l'entourait, il essayait de la blesser par de violentes rafales glacées. Elle s'avança lentement dans la rue des Oubliés en regardant ses chaussures à talon. Elle entendait leur bruit se répercuter contre les parois des immeubles. Soudainement au milieu de cette rue, une petite bulle bleue voletant dans les airs se posa devant elle. Surprise mais confiante, la jeune femme regarda la bulle. La minuscule sphère bleue était scintillante et une eau glaciale était enfermée dedans. Elle était aussi fragile que du cristal, et si bleue ! Pensait la femme. Elle surprit quelques perles salées rouler sur ses joues. Le bleu l'envoûtait. L'eau contenue dans la bulle lui faisait ressentir quelque chose, un sentiment intense qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Elle voulut la toucher et la sphère se posa sur sa main. A ce contact, il s'ensuivit une fumée blanche comme la neige et la petite bulle devint rouge sang. Enfin la volute de fumée disparut. La petite bulle s'envola. La jeune femme la suivit. Toutes deux traversèrent de grandes rues noires, dont les réverbères ne fonctionnaient plus. De petits chiens peureux et tout poilus jouaient à cache-cache entre les poubelles remplies d’ordures. Ils ne cherchaient même pas de quoi se nourrir. Ils jouaient. Non loin de là, il y avait une grande terrasse, en hauteur. On pouvait voir un arbre, un olivier précisément, ainsi qu’une serre avec des cactus, des camélias, des orchidées, et des coquelicots aussi. Une arche pleine de lierres était disposée à l’entrée de la serre. Cette terrasse ressemblait à une cachette secrète, la verdure cachait presque toute la serre. Ah ! les secrets, pensait la jeune femme. Ce n’est pas si beau les secrets, c’est fait pour rester gardé. Les secrets c’est fait pour être enfermé dans une tombe ! Mais de toute façon, à qui pourrait-elle révéler quelque chose ? Elle n’avait plus d’amis. Plus personne à qui parler. Avec qui échanger quelques paroles.
Enfin, la bulle s'arrêta devant une petite boutique qui faisait le coin d'une rue trop éclairée pour une nuit d'hiver. On pouvait voir de grandes affiches sur lesquelles se dessinaient différents paysages enchanteurs. Venise, où l'Amour règne, Paris, la ville des amoureux. Mais aussi des plages où le soleil brille et où la mer chaude est transparente. On peut admirer des lagons et des cocotiers. Des montagnes verdoyantes avec des fruits plus étonnants les uns que les autres, roses, jaunes en forme d'étoile, noirs... La bulle survolait l'affiche où l'on pouvait admirer un grand désert. Une lune magnifique qui surplombait une dune de sable ambrée. Ce paysage semblait silencieux. La jeune femme frissonna en voyant l'image. En caractères gras et d'une écriture un peu gothique, légèrement effacée, se dessinait le nom de ce désert. Elle oublia totalement la petite bulle et admira longuement l'affiche et se perdit dans ses pensées. Au bout de longues heures, elle finit par regarder l'écriture au dessus de ce paysage de rêve. Dans sa tête, elle se répéta le mot : "SAHARA".
Une musique calme et douce s'élevait dans les airs, une mélodie mélancolique rappelant sa vie d'autrefois. Une substance transparente, liquide, brillant à la lumière descendit de ses yeux jusque sur le trottoir qui devint une rivière scintillante. Enfin, elle reprit ses esprits et s'aperçut que l'aube approchait à petits pas. Elle frissonnait dans son long manteau. Ses mains étaient meurtries malgré le velours qui les recouvraient. Il était temps de rentrer, mais la feuille de papier où se trouvait l'image radieuse et pleine de promesses, l'attirait. Vint la bulle qui se posa sur son épaule. Ses pieds fins se retournèrent brusquement et marchèrent d'un bon pas remontant la rue des Oubliés. Elle revint donc chez elle. Elle éprouvait un sentiment étrange. Quelque chose l'excitait et l'incitait à partir au delà de ses barrières qu'elle avait elle-même établit dans son coeur dans son esprit, et dans sa vie. Une force indescriptible, peut-être comme une envie, un désir profond...
Plusieurs semaines s'écoulèrent, la petite bulle était toujours aussi glaciale, toujours d'un bleu transparent et toujours près de la jeune femme. Toutes deux ne se séparaient jamais. Un matin, elle avait préparé ses bagages, prête et tenant un billet d’avion à la main, le départ était arrivé. Personne ne la remarquait, comme si elle fût une ombre. Avançant d’un pas rapide, elle courait presque, son envie prenait le dessus. Arrivée à l’aéroport, la jeune femme entra dans le grand tunnel donnant dans l’avion. Passa devant l’hôtesse qui ne semblait pas l’avoir vue. Et se débrouilla tant bien que mal pour trouver sa place. A côté d’elle, personne… C’était mieux ainsi. Elle ne serait donc pas déranger par le mâchouillement incurable d’un morfal, ni gênée par les cris insupportables de bébés criant famine. Et encore moins par les ronflements d’une vieil homme qui part rejoindre sa maîtresse à des kilomètres de là. Ou même par les appels que recevrait un homme d’affaire qui tape sur son clavier et dont le bruit résonnerait dans le silence intérieur de la jeune femme. Elle finit par s’endormir. La petite bulle bleue était devenue transparente, on ne la voyait plus. Elle s’était posée sur l’épaule de la jeune femme. Ses rêves étaient emplis de souvenirs. Elle et lui, s’aimant, heureux… Puis, elle, seule… sur la balançoire, tenant un coquelicot entre ses doigts fins. Encore elle, au bord d’une rivière, jouant avec l’eau. Faisant un gâteau au chocolat. Jouant du piano, de la guitare. Dansant sur le parquet de son salon. Brusquement, ses yeux s’ouvrirent. Le vol était fini. Elle était arrivée.
Au dehors, elle vît deux oiseaux, puis un des deux oiseaux coupa la première aile du deuxième oiseau. Des gouttes de sang tombèrent du ciel. Puis il coupa la deuxième aile. L’oiseau tomba au sol… La jeune femme était terrifiée alors elle continua de regarder l’oiseau resté dans le ciel. L’oiseau, tout en haut, tournait autour d’un autre oiseau. Ensuite, il amena cet oiseau sur une branche d’arbre et lui coupa les ailes aussi. Mais il s’occupa de ce nouvel oiseau. La femme ne comprenait rien à l’attitude de cet oiseau. Elle passa à côté de l’oiseau sans aile et partit avec sa sphère bleue. Elle s’avança dans le désert. Le ciel était d’un bleu intense et si beau qu’elle avançait les yeux rivés sur le ciel. Avançant mais ne sachant pas où elle allait, elle errait en suivant son instinct. Une force étrange la faisait marcher, elle en avait des frissons sous le soleil qui frappait le Sahara. Elle sentit un vent chaud et sec s’enroulant autour d’elle comme un serpent. C’était le sirocco, ce vent l’étouffait presque. A mesure qu’elle avançait, le sable devenait rouge. Rouge sang. Elle s’étonna. Dans aucun livre elle n’avait lu que le sable chaud du Sahara était rouge. C’était impressionnant ! Elle s’attarda sur la bulle bleue. Mais la sphère était devenue rouge elle aussi. Puis, la jeune femme ressentit comme une douleur froide. Comme des aiguilles qui lui transperçaient le cœur. Comme des lames plantées dans son corps. Elle réussissait pourtant à avancer. La bulle rouge devenait plus grosse, elle était prête à éclater. La jeune femme avait froid. La raison pour laquelle elle avait froid était que la nuit était tombée. La lune aussi froide qu’elle, était à côté d’elle pour l’aider.
Soudain, avec le froid, le bulle éclata et du sang tomba sur la dune de sable. A ce moment, la jeune femme n’avait plus aucun sentiment, elle était vide. Dénuée de toute sensation, de tout souvenir, elle ne souffrait plus, elle n’était pas pour autant heureuse, mais la paix l’envahissait.
Elle mourut au bout de quelques minutes.
Elle était morte le cœur gelé.
Tout le monde l’avait oubliée…
La solitude était le froid de sa vie.
Sur la dune de sable rouge sang, plus d’une jeune femme étaient mortes.
Et sous la lune… Une petite bulle bleue jaillit du sol et s’envola dans le ciel étoilé.
Un de ces soirs les plus brumeux, par ce cinglant hiver, elle prit une décision. Sortir. Cela faisait huit ans qu'elle n'avait rien vu d'autre que son cocon noir. Devait-elle vraiment sortir ? La question se posait. La jeune femme ne savait pas vraiment. Dehors la fraîcheur gelait les voitures jusqu'à en congeler les oisillons dans leurs nids. Les sans domiciles fixes étaient atteints de gelures et côtoyaient les rats crevés sur les trottoirs. Froid amer. La température extérieure était si basse que l'on pu croire qu'il neigeait sur la mer. Les dames âgées se cloîtraient chez elles et allumaient un feu de bois. Les cheminées dégageaient d’épais nuages feutrés. Le feu crépitait. De petites flammes semblables à des caresses venaient effleurer les joues flétries de la vieillesse.
Enfin, elle finit par sortir. Dehors. Sous la pluie... Seule... Personne dans la rue. Personne aux fenêtres. C'est la nuit... Tant mieux, après son enfermement, elle ne voulait rencontrer personne. Elle se sentirait gênée, devant toutes ces figures nouvelles. La lumière l'éblouirait et la suivrait partout. La lumière ne l'avait pas vue depuis de nombreux couchers de soleil. La jeune femme s'enveloppa délicatement dans son manteau de fourrure et dans ses gants de velours noirs. Le vent l'entourait, il essayait de la blesser par de violentes rafales glacées. Elle s'avança lentement dans la rue des Oubliés en regardant ses chaussures à talon. Elle entendait leur bruit se répercuter contre les parois des immeubles. Soudainement au milieu de cette rue, une petite bulle bleue voletant dans les airs se posa devant elle. Surprise mais confiante, la jeune femme regarda la bulle. La minuscule sphère bleue était scintillante et une eau glaciale était enfermée dedans. Elle était aussi fragile que du cristal, et si bleue ! Pensait la femme. Elle surprit quelques perles salées rouler sur ses joues. Le bleu l'envoûtait. L'eau contenue dans la bulle lui faisait ressentir quelque chose, un sentiment intense qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Elle voulut la toucher et la sphère se posa sur sa main. A ce contact, il s'ensuivit une fumée blanche comme la neige et la petite bulle devint rouge sang. Enfin la volute de fumée disparut. La petite bulle s'envola. La jeune femme la suivit. Toutes deux traversèrent de grandes rues noires, dont les réverbères ne fonctionnaient plus. De petits chiens peureux et tout poilus jouaient à cache-cache entre les poubelles remplies d’ordures. Ils ne cherchaient même pas de quoi se nourrir. Ils jouaient. Non loin de là, il y avait une grande terrasse, en hauteur. On pouvait voir un arbre, un olivier précisément, ainsi qu’une serre avec des cactus, des camélias, des orchidées, et des coquelicots aussi. Une arche pleine de lierres était disposée à l’entrée de la serre. Cette terrasse ressemblait à une cachette secrète, la verdure cachait presque toute la serre. Ah ! les secrets, pensait la jeune femme. Ce n’est pas si beau les secrets, c’est fait pour rester gardé. Les secrets c’est fait pour être enfermé dans une tombe ! Mais de toute façon, à qui pourrait-elle révéler quelque chose ? Elle n’avait plus d’amis. Plus personne à qui parler. Avec qui échanger quelques paroles.
Enfin, la bulle s'arrêta devant une petite boutique qui faisait le coin d'une rue trop éclairée pour une nuit d'hiver. On pouvait voir de grandes affiches sur lesquelles se dessinaient différents paysages enchanteurs. Venise, où l'Amour règne, Paris, la ville des amoureux. Mais aussi des plages où le soleil brille et où la mer chaude est transparente. On peut admirer des lagons et des cocotiers. Des montagnes verdoyantes avec des fruits plus étonnants les uns que les autres, roses, jaunes en forme d'étoile, noirs... La bulle survolait l'affiche où l'on pouvait admirer un grand désert. Une lune magnifique qui surplombait une dune de sable ambrée. Ce paysage semblait silencieux. La jeune femme frissonna en voyant l'image. En caractères gras et d'une écriture un peu gothique, légèrement effacée, se dessinait le nom de ce désert. Elle oublia totalement la petite bulle et admira longuement l'affiche et se perdit dans ses pensées. Au bout de longues heures, elle finit par regarder l'écriture au dessus de ce paysage de rêve. Dans sa tête, elle se répéta le mot : "SAHARA".
Une musique calme et douce s'élevait dans les airs, une mélodie mélancolique rappelant sa vie d'autrefois. Une substance transparente, liquide, brillant à la lumière descendit de ses yeux jusque sur le trottoir qui devint une rivière scintillante. Enfin, elle reprit ses esprits et s'aperçut que l'aube approchait à petits pas. Elle frissonnait dans son long manteau. Ses mains étaient meurtries malgré le velours qui les recouvraient. Il était temps de rentrer, mais la feuille de papier où se trouvait l'image radieuse et pleine de promesses, l'attirait. Vint la bulle qui se posa sur son épaule. Ses pieds fins se retournèrent brusquement et marchèrent d'un bon pas remontant la rue des Oubliés. Elle revint donc chez elle. Elle éprouvait un sentiment étrange. Quelque chose l'excitait et l'incitait à partir au delà de ses barrières qu'elle avait elle-même établit dans son coeur dans son esprit, et dans sa vie. Une force indescriptible, peut-être comme une envie, un désir profond...
Plusieurs semaines s'écoulèrent, la petite bulle était toujours aussi glaciale, toujours d'un bleu transparent et toujours près de la jeune femme. Toutes deux ne se séparaient jamais. Un matin, elle avait préparé ses bagages, prête et tenant un billet d’avion à la main, le départ était arrivé. Personne ne la remarquait, comme si elle fût une ombre. Avançant d’un pas rapide, elle courait presque, son envie prenait le dessus. Arrivée à l’aéroport, la jeune femme entra dans le grand tunnel donnant dans l’avion. Passa devant l’hôtesse qui ne semblait pas l’avoir vue. Et se débrouilla tant bien que mal pour trouver sa place. A côté d’elle, personne… C’était mieux ainsi. Elle ne serait donc pas déranger par le mâchouillement incurable d’un morfal, ni gênée par les cris insupportables de bébés criant famine. Et encore moins par les ronflements d’une vieil homme qui part rejoindre sa maîtresse à des kilomètres de là. Ou même par les appels que recevrait un homme d’affaire qui tape sur son clavier et dont le bruit résonnerait dans le silence intérieur de la jeune femme. Elle finit par s’endormir. La petite bulle bleue était devenue transparente, on ne la voyait plus. Elle s’était posée sur l’épaule de la jeune femme. Ses rêves étaient emplis de souvenirs. Elle et lui, s’aimant, heureux… Puis, elle, seule… sur la balançoire, tenant un coquelicot entre ses doigts fins. Encore elle, au bord d’une rivière, jouant avec l’eau. Faisant un gâteau au chocolat. Jouant du piano, de la guitare. Dansant sur le parquet de son salon. Brusquement, ses yeux s’ouvrirent. Le vol était fini. Elle était arrivée.
Au dehors, elle vît deux oiseaux, puis un des deux oiseaux coupa la première aile du deuxième oiseau. Des gouttes de sang tombèrent du ciel. Puis il coupa la deuxième aile. L’oiseau tomba au sol… La jeune femme était terrifiée alors elle continua de regarder l’oiseau resté dans le ciel. L’oiseau, tout en haut, tournait autour d’un autre oiseau. Ensuite, il amena cet oiseau sur une branche d’arbre et lui coupa les ailes aussi. Mais il s’occupa de ce nouvel oiseau. La femme ne comprenait rien à l’attitude de cet oiseau. Elle passa à côté de l’oiseau sans aile et partit avec sa sphère bleue. Elle s’avança dans le désert. Le ciel était d’un bleu intense et si beau qu’elle avançait les yeux rivés sur le ciel. Avançant mais ne sachant pas où elle allait, elle errait en suivant son instinct. Une force étrange la faisait marcher, elle en avait des frissons sous le soleil qui frappait le Sahara. Elle sentit un vent chaud et sec s’enroulant autour d’elle comme un serpent. C’était le sirocco, ce vent l’étouffait presque. A mesure qu’elle avançait, le sable devenait rouge. Rouge sang. Elle s’étonna. Dans aucun livre elle n’avait lu que le sable chaud du Sahara était rouge. C’était impressionnant ! Elle s’attarda sur la bulle bleue. Mais la sphère était devenue rouge elle aussi. Puis, la jeune femme ressentit comme une douleur froide. Comme des aiguilles qui lui transperçaient le cœur. Comme des lames plantées dans son corps. Elle réussissait pourtant à avancer. La bulle rouge devenait plus grosse, elle était prête à éclater. La jeune femme avait froid. La raison pour laquelle elle avait froid était que la nuit était tombée. La lune aussi froide qu’elle, était à côté d’elle pour l’aider.
Soudain, avec le froid, le bulle éclata et du sang tomba sur la dune de sable. A ce moment, la jeune femme n’avait plus aucun sentiment, elle était vide. Dénuée de toute sensation, de tout souvenir, elle ne souffrait plus, elle n’était pas pour autant heureuse, mais la paix l’envahissait.
Elle mourut au bout de quelques minutes.
Elle était morte le cœur gelé.
Tout le monde l’avait oubliée…
La solitude était le froid de sa vie.
Sur la dune de sable rouge sang, plus d’une jeune femme étaient mortes.
Et sous la lune… Une petite bulle bleue jaillit du sol et s’envola dans le ciel étoilé.
Bob ?
- Eh Bob ?!!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Oui ! Enfin, je dormais pourquoi ?
- Bob ! je crois que ton voisin Yan à bougé !
- Quoi ?!
- Bah ton voisin c’est bien Yan qu’il s’appelle ?
- Oui et alors ?
- Je suis sûr de l’avoir vu bouger, il se balançait de droite à gauche.
- Ah… et c’est sensé être un scoop ?
- Mais oui ! Tu vois je te l’avais dit qu’il était pas encore trop vieux.
- Tu veux bien parler moins fort il va nous entendre et c’est pas le genre de nouvelle qui lui remontera le moral ! et puis il y a des signes qui trompent pas, regarde sa peau commence à se flétrir c’est quand même un signe !
- Oui mais si il arrive à bouger c’est qu’il est encore un peu vif non ?
- Laisse tomber et rendors toi sinon tu vas vieillir trop vite.
- Eh ! Bob, tu trouves pas qu’il fait trop froid ?
- Bah si mais il parait que c’est bon pour nous, apparemment la chaleur nous ferait mourir prématurément.
- Oui mais là quand même c’est un peu pousser ! Tu te rappelles quand on était jeune ? Les journées qu’on passait au soleil c’était bon ! Yan aussi aimait ça !
- Oui c’est vrai que le soleil faisait du bien. Mais il faut bien grandir un jour et passer à autre chose non ?
- Mouais mais je préfèrerai encore être dehors et mourir vite que d’être ici à me geler.
- Arrête de raconter des bêtises et dors.
- Tu dois avoir raison. Bonne nuit
- Bonne nuit.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Hein ! Quoi ?... Tu es déjà réveillé ?
- Ouais. Je me demandais : c’est vrai que ceux qui habitent dans les étages plus haut ils on plus chaud ?
- Oui il parait pourquoi ?
- J’aimerai bien me retrouver là haut un jour juste pour voir.
- Et finir tout fripé comme Koude qui avait réussi à s’échapper avant qu’on entre ici et qui avait été rattrapé quelques jours après ? Il a pas fait long feu le pauvre, il arrivait même plus à parler !
- Et alors il a fini par partir définitivement non ?
- Tu trouves pas ça bizarre qu’ils nous gardent cette pièce blanche un certain temps et qu’après quelqu’un vienne nous chercher et que personne ne nous revoit plus ?
- Mais non je suis sûr qu’ils attendent qu’on se porte mieux avant de nous transférer dans un lieu plus accueillant. Sinon pourquoi ils nous mettraient dans un lieu aussi propre et, d’après toi, aussi propice à notre santé ? l’autre jour j’ai parlé avec le gars du fond, tu sais le grand tout blanc avec de cheveux tous verts. Lui était persuadé qu’ils attendent qu’il fasse moins chaud dehors avant de nous refaire sortir.
- Tu as peut-être raison. Mais quand même moi je suis pas tranquille. Tu devrais faire comme moi et parler doucement pour qu’ils croient qu’on dort tout le temps. Il ne faut pas qu’ils pensent qu’on s’est réveillés.
- Si tu veux on fait comme ça mais je pense que tu as tort, ils se donneraient pas autant de mal si c’était pour nous tuer tout simplement.
- Mouais
- Il avait l’air con quand même l’autre avec ses cheveux verts à son age !
- C’est clair !
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- D’après toi ?
- J’essayais de me rappeler tous les gars avec qui on a fait le voyage depuis l’Espagne. Tu t’en rappelles ?
- Un peu pourquoi ?
- Je me demandais ce qu’ils sont devenus ?
- En tout cas ils sont pas ici !
- J’avais remarqué merci de ton aide Tu crois qu’ils ont trouvés un petit coin tranquille à l’abri de la chaleur comme nous ? Je me rappel du voyage dans ce car, j’aime bien les transports en commun on rencontre toujours des gens super intéressant.
- Je te rappelle que c’est pas nous qui avons choisis de venir ici mais qu’on nous y a amenés.
- Oui mais avoues qu’on est chez des gens sympas ils prennent soin de nous, ils nous protègent de la chaleur, ils nous font même rencontrer des gens… différents. Comme l’autre en pyjama orange avec son chapeau vert qui se foutait de nous.
- Oui mais je te rappelle qu’il a disparu comme les autres.
- Oh t’es pessimiste ils ont pas forcément disparus ils sont peut-être juste autre part en train de s’éclater.
- Peut-être mais j’ai quand même un mauvais pressentiment. Allez c’est l’heure de dormir. Bonne nuit
- Bonne nuit.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Chhhuuuut tu entends pas du bruit ?
- Si justement c’est pour ça que je te réveille, ça se rapproche…
- Chut tais-toi ils vont nous entendre.
- Regarde la porte s’ouvre…
- Chut !!…
- …
- Eh Bob t’as vus y’a quelqu’un qui a emmené Yan.
- Ouais et maintenant y’a plus que nous.
- J’ai peur maintenant.
- Calme toi, tu as bien vu Yan était tout fripé c’est normal c’était son tour.
- Oui mais quand même qu’est-ce qui va se passer pour nous ? Normalement ils devraient choisir ceux qui vont bien pour s’aventurer dehors en plein été ? Pourquoi il nous a pas pris ? En plus je le sens en moi que je commence à vieillir sérieusement !
- Reste calme, tout va bien se passer. Tu te rappelle hier tu me disais qu’il y avait rien à craindre. T’inquiètes pas je suis sûr qu’il y a une explication.
- Oui mais Bob, hier on était trois maintenant le prochain ce sera toi ou moi !
- Et alors si c’est pour aller dehors et s’éclater, revoir les copains et le soleil ?
- Oui mais on en est pas sûr ! Bob reste avec moi je veux pas être tout seul. En plus j’aime pas quand ils viennent, toute cette lumière ça me fait super mal, je préfère le noir !
- T’inquiètes pas je reste là.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Non je réfléchis.
- Tu penses à quoi ?
- Je peux te demander quelque chose ?
- Oui quoi ?
- Il faut que tu me promettes de faire ce que je vais te demander.
- Arrêtes Bob tu me fais peur !
- Si quelqu’un viens me chercher
- Tait toi ! Je veux pas t’entendre dire ça !
- Ecoutes moi. Si quelqu’un viens me chercher je ne veux pas que tu protestes. Je veux que tu restes silencieux et que tu ne bouges pas. Il ne faut pas qu’ils sachent qu’on se parlait et qu’on se connaissait. C’est très important parce que si ils venaient à le découvrir ils nous emmèneraient tous les deux. Promets-moi.
- Mais Bob je peux pas te promettre ça ! on se connaît depuis le début ! tu es mon ami, mon seul véritable ami et tu voudrais que je te regarde partir sans rien dire ! Il n’en est pas question !
- Alors je vais arrêter de te parler et t’ignorer.
- Ça va pas Bob ?!
- …
- Eh mais tu plaisantes pas ?
- …
- Parles moi Bob ! Eh mais tu es un grand malade Bob!
- …
- Ok c’est promis je ferai rien si jamais ils t’emmènent. Mais parles moi tu me fais peur !
- Tu as promis. Tu as intérêt à tenir parole. Je ne veux vraiment pas qu’il t’arrive quelque chose !
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Mais tu vas te taire ! Tu n’entends pas les bruits dehors ? Y’a quelqu’un qui vient !
- Oh Non !
- Tais toi peut-être qu’ils nous remarqueront pas.
- Mais…
- Tais-toi ! la porte s’ouvre !
- …
- Eh Bob ?!
- …
- Eh Bob t’es là ?
- …
- Vas-y te fous pas de moi. Ils m’ont aveuglés en ouvrant la porte maintenant je vois plus rien !
- …
- Bob… t’es où.
- …
- Bob t’es là ?
- …
- Tu avais promis de pas me laisser…
- …
- Bob j’ai peur t’es où ! Me laisse pas tout seul ! En plus y’a plus personne pour me tenir compagnie… il fait froid… je veux pas rester tout seul… viens me chercher Bob… c’est quoi ce truc sur ma peau ? Oh mon Dieu ! Une ride ! Je suis vieux ! Je veux pas disparaître ! je veux sortir ! je veux revoir la lumière du jour ! Je veux pas être la dernière tomate dans le frigo !
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Oui ! Enfin, je dormais pourquoi ?
- Bob ! je crois que ton voisin Yan à bougé !
- Quoi ?!
- Bah ton voisin c’est bien Yan qu’il s’appelle ?
- Oui et alors ?
- Je suis sûr de l’avoir vu bouger, il se balançait de droite à gauche.
- Ah… et c’est sensé être un scoop ?
- Mais oui ! Tu vois je te l’avais dit qu’il était pas encore trop vieux.
- Tu veux bien parler moins fort il va nous entendre et c’est pas le genre de nouvelle qui lui remontera le moral ! et puis il y a des signes qui trompent pas, regarde sa peau commence à se flétrir c’est quand même un signe !
- Oui mais si il arrive à bouger c’est qu’il est encore un peu vif non ?
- Laisse tomber et rendors toi sinon tu vas vieillir trop vite.
- Eh ! Bob, tu trouves pas qu’il fait trop froid ?
- Bah si mais il parait que c’est bon pour nous, apparemment la chaleur nous ferait mourir prématurément.
- Oui mais là quand même c’est un peu pousser ! Tu te rappelles quand on était jeune ? Les journées qu’on passait au soleil c’était bon ! Yan aussi aimait ça !
- Oui c’est vrai que le soleil faisait du bien. Mais il faut bien grandir un jour et passer à autre chose non ?
- Mouais mais je préfèrerai encore être dehors et mourir vite que d’être ici à me geler.
- Arrête de raconter des bêtises et dors.
- Tu dois avoir raison. Bonne nuit
- Bonne nuit.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Hein ! Quoi ?... Tu es déjà réveillé ?
- Ouais. Je me demandais : c’est vrai que ceux qui habitent dans les étages plus haut ils on plus chaud ?
- Oui il parait pourquoi ?
- J’aimerai bien me retrouver là haut un jour juste pour voir.
- Et finir tout fripé comme Koude qui avait réussi à s’échapper avant qu’on entre ici et qui avait été rattrapé quelques jours après ? Il a pas fait long feu le pauvre, il arrivait même plus à parler !
- Et alors il a fini par partir définitivement non ?
- Tu trouves pas ça bizarre qu’ils nous gardent cette pièce blanche un certain temps et qu’après quelqu’un vienne nous chercher et que personne ne nous revoit plus ?
- Mais non je suis sûr qu’ils attendent qu’on se porte mieux avant de nous transférer dans un lieu plus accueillant. Sinon pourquoi ils nous mettraient dans un lieu aussi propre et, d’après toi, aussi propice à notre santé ? l’autre jour j’ai parlé avec le gars du fond, tu sais le grand tout blanc avec de cheveux tous verts. Lui était persuadé qu’ils attendent qu’il fasse moins chaud dehors avant de nous refaire sortir.
- Tu as peut-être raison. Mais quand même moi je suis pas tranquille. Tu devrais faire comme moi et parler doucement pour qu’ils croient qu’on dort tout le temps. Il ne faut pas qu’ils pensent qu’on s’est réveillés.
- Si tu veux on fait comme ça mais je pense que tu as tort, ils se donneraient pas autant de mal si c’était pour nous tuer tout simplement.
- Mouais
- Il avait l’air con quand même l’autre avec ses cheveux verts à son age !
- C’est clair !
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- D’après toi ?
- J’essayais de me rappeler tous les gars avec qui on a fait le voyage depuis l’Espagne. Tu t’en rappelles ?
- Un peu pourquoi ?
- Je me demandais ce qu’ils sont devenus ?
- En tout cas ils sont pas ici !
- J’avais remarqué merci de ton aide Tu crois qu’ils ont trouvés un petit coin tranquille à l’abri de la chaleur comme nous ? Je me rappel du voyage dans ce car, j’aime bien les transports en commun on rencontre toujours des gens super intéressant.
- Je te rappelle que c’est pas nous qui avons choisis de venir ici mais qu’on nous y a amenés.
- Oui mais avoues qu’on est chez des gens sympas ils prennent soin de nous, ils nous protègent de la chaleur, ils nous font même rencontrer des gens… différents. Comme l’autre en pyjama orange avec son chapeau vert qui se foutait de nous.
- Oui mais je te rappelle qu’il a disparu comme les autres.
- Oh t’es pessimiste ils ont pas forcément disparus ils sont peut-être juste autre part en train de s’éclater.
- Peut-être mais j’ai quand même un mauvais pressentiment. Allez c’est l’heure de dormir. Bonne nuit
- Bonne nuit.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Chhhuuuut tu entends pas du bruit ?
- Si justement c’est pour ça que je te réveille, ça se rapproche…
- Chut tais-toi ils vont nous entendre.
- Regarde la porte s’ouvre…
- Chut !!…
- …
- Eh Bob t’as vus y’a quelqu’un qui a emmené Yan.
- Ouais et maintenant y’a plus que nous.
- J’ai peur maintenant.
- Calme toi, tu as bien vu Yan était tout fripé c’est normal c’était son tour.
- Oui mais quand même qu’est-ce qui va se passer pour nous ? Normalement ils devraient choisir ceux qui vont bien pour s’aventurer dehors en plein été ? Pourquoi il nous a pas pris ? En plus je le sens en moi que je commence à vieillir sérieusement !
- Reste calme, tout va bien se passer. Tu te rappelle hier tu me disais qu’il y avait rien à craindre. T’inquiètes pas je suis sûr qu’il y a une explication.
- Oui mais Bob, hier on était trois maintenant le prochain ce sera toi ou moi !
- Et alors si c’est pour aller dehors et s’éclater, revoir les copains et le soleil ?
- Oui mais on en est pas sûr ! Bob reste avec moi je veux pas être tout seul. En plus j’aime pas quand ils viennent, toute cette lumière ça me fait super mal, je préfère le noir !
- T’inquiètes pas je reste là.
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Non je réfléchis.
- Tu penses à quoi ?
- Je peux te demander quelque chose ?
- Oui quoi ?
- Il faut que tu me promettes de faire ce que je vais te demander.
- Arrêtes Bob tu me fais peur !
- Si quelqu’un viens me chercher
- Tait toi ! Je veux pas t’entendre dire ça !
- Ecoutes moi. Si quelqu’un viens me chercher je ne veux pas que tu protestes. Je veux que tu restes silencieux et que tu ne bouges pas. Il ne faut pas qu’ils sachent qu’on se parlait et qu’on se connaissait. C’est très important parce que si ils venaient à le découvrir ils nous emmèneraient tous les deux. Promets-moi.
- Mais Bob je peux pas te promettre ça ! on se connaît depuis le début ! tu es mon ami, mon seul véritable ami et tu voudrais que je te regarde partir sans rien dire ! Il n’en est pas question !
- Alors je vais arrêter de te parler et t’ignorer.
- Ça va pas Bob ?!
- …
- Eh mais tu plaisantes pas ?
- …
- Parles moi Bob ! Eh mais tu es un grand malade Bob!
- …
- Ok c’est promis je ferai rien si jamais ils t’emmènent. Mais parles moi tu me fais peur !
- Tu as promis. Tu as intérêt à tenir parole. Je ne veux vraiment pas qu’il t’arrive quelque chose !
- Eh Bob ?!
- …
- Bob ! Tu dors ?
- …
- Hein Bob tu dors ?
- Mais tu vas te taire ! Tu n’entends pas les bruits dehors ? Y’a quelqu’un qui vient !
- Oh Non !
- Tais toi peut-être qu’ils nous remarqueront pas.
- Mais…
- Tais-toi ! la porte s’ouvre !
- …
- Eh Bob ?!
- …
- Eh Bob t’es là ?
- …
- Vas-y te fous pas de moi. Ils m’ont aveuglés en ouvrant la porte maintenant je vois plus rien !
- …
- Bob… t’es où.
- …
- Bob t’es là ?
- …
- Tu avais promis de pas me laisser…
- …
- Bob j’ai peur t’es où ! Me laisse pas tout seul ! En plus y’a plus personne pour me tenir compagnie… il fait froid… je veux pas rester tout seul… viens me chercher Bob… c’est quoi ce truc sur ma peau ? Oh mon Dieu ! Une ride ! Je suis vieux ! Je veux pas disparaître ! je veux sortir ! je veux revoir la lumière du jour ! Je veux pas être la dernière tomate dans le frigo !
Comme un frisson qui resurgit
Cette fille s’assoit à côté de moi, plus exactement à deux places à ma droite. Elle doit avoir à peu près 14 ans. Assise à cette sorte de banque face à cette grande baie vitrée qui donne sur l’avenue de la gare de l’est, elle ne peut pas avoir manqué le spectacle qui s’offre à mes yeux. Je mange lentement mon menu et laisse mon regard se fixer là où il le souhaite.
Juste devant nous, une bouche de métro et un SDF qui s’installe au pied du poteau qui porte l’enseigne ‘Métro’. Son petit caddie faisant office de siège, il dispose devant lui une petite coupelle avec quelques pièces de centimes, et ce petit panneau : ‘j’ai faim’. Il ouvre une bière qu’il boit doucement et discrètement. Cette fille ne peut pas ne pas voir ce que je vois. Cet homme m’intrigue, comme s’il avait quelque importance au milieu de toute cette agitation.
Un homme plus âgé, la quarantaine, s’assoit à côté de la jeune fille. Cet homme s’avère être le père de celle-ci. Cheveux rasés, une boucle d’oreille à l’oreille gauche, des vêtements simples et une voix douce, calme et pourtant roque. La fille lui parle de ce SDF.
« J’aimerai bien lui donner mon repas, ou même mon billet de train…. ».
Le père marque une courte pause et lui répond sur un ton neutre : »ce n’est pas de ça dont il a besoin à mon avis. »
« Enfin tout de même, ce ne doit pas être facile tous les jours, dans le froid et la pollution… »
« Non, c’est sûr. »
Quelques personnes passent dans la rue, certains s’arrêtent, passent un coup de téléphone, le va-et-vient dans la bouche de métro est incessant. Parfois une personne s’arrête et donne quelques centimes retrouvés au fond d’une poche du manteau ou du pantalon, elle gagne en retour un franc sourire du SDF.
Le père et sa fille continuent à manger. Je les sens, tout comme moi, absorbés pas la scène de ce SDF qui, d’habitude anonyme, concentre aujourd’hui l’attention de trois personnes.
Le père lâche quelques mots : « pas évident de manger au chaud face à un pauvre qui a une pancarte ‘j’ai faim’… »
Je crois saisir cette relation simple de ce père et de cette fille, elle écoute, ne se sent pas obligée de répondre et n’attend qu’une chose : que son père parle encore. Je m’imagine que les parents doivent être divorcés mais ne se détestent pas, et que leur fille éprouve un grand respect pour son père. Pas de haine, pas d’impatience, pas de signes de cette si souvent décriée crise d’adolescence…
De nouveau ce silence remplit de pensées diverses, ce qui silence qui n’est pas blanc, juste une sorte de pause, d’une suspension de temps.
« Au moins, ça me rappelle d’où je viens de le voir. »
La révélation est lâchée. La fille n’est pas bien sûre d’avoir compris.
« Comment ça ? »
« Avant j’ai été comme lui, là… »
L’étonnement de la fille est palpable, et sa réaction transpire pourtant de douceur.
« Tu veux dire que tu étais un SDF ? »
« Oui, comme lui, dans les rues, comme ça… »
« Maman ne me l’a jamais dit »
« Et pourtant, oui, j’ai été SDF »
« Maman ne m’a rien dit »
Cette distance entre l’ancienne situation du père et la référence ainsi faite de la mère me conforte dans mon hypothèse de couple séparé. Le ton de la fille est songeur.
« Tu as été SDF combien de temps ? »
« 3 ans »
« Et tu as rencontré maman après ? »
« Pas vraiment. C’est elle qui m’a sorti de là. Et c’est pour ça tu vois, que je l’ai épousé »
« Oh… »
La réflexion s’impose, aussi la fille prend un moment avant de continuer à parler. Le père lui, reste serein, et attend les prochaines questions de sa fille.
« Je ne trouve pas ça étonnant, je veux dire de tomber amoureux en quelque sorte de son sauveur. J’imagine que ça arrive souvent. »
« Humm, peut-être. Mais je connaissais ta mère avant, c’est après que j’ai galéré. Mais elle m’a sorti de là… »
Je sens toujours cette distance entre père et mère et pourtant ce profond respect. Je suis complètement absorbé par cette situation qui s’offre à moi. J’observe toujours d’un œil ce SDF. La misère devant moi, la misère derrière ce père, cette fille qui se confronte à toute cette misère à laquelle elle étant sensible avant même de connaître le passé de sont père…Improbable situation…
« Je n’arrive pas à t’imaginer comme ça, quand je te vois maintenant, je n’y arrive pas. »
« Et pourtant, tu vois, n’importe qui peut l’être. N’importe qui… »
« Maman n’en a jamais parlé…Toi aussi tu faisais ça ? Devant un resto ?
« Pas devant un resto, mais oui, je faisais ça. »
Deux garçons de peut-être 9 et 6 ans s’arrêtent juste devant moi et observent le SDF. Ils sont gênés mais excités. Leur mère cachée par une affiche collée sur la vitre, apparait dans mon champ de vision, elle donne une pièce de 1 euro au plus grand pour qu’il aille la donner. Les enfants sont tout contents, Le SDF offre un grand sourire en retour accompagné de plusieurs timides ‘merci’. Les enfants repartent avec leur mère en direction de la gare.
« Tu vois, dit le père, Il va récupérer les grosses pièces pour ne laisser que les petites dans la coupelle. »
« Ah bon ? »
« Oui, normalement, il a un grand sac ailleurs dans lequel il met les plus grosses pièces, c’est un truc connu. »
« C’est marrant…ça me fait penser à cette histoire où une SDF qui avait oublié son sac à un refuge ou un truc du genre, et que quelqu’un avait trouvé 10 000 euros ! Heureusement elle les a récupérés. Mais c’est fou quand même ! 10 000 euros ! »
« Oui, c’est fou ! »
Un homme fume une cigarette avant de s’enfoncer dans la bouche de métro. Il fouille ses poches et donne un petit quelque chose et retourne finir sa clope. Un autre avec son sac ‘Virgin Mégastore’ fait de même. De grosses pièces sont tombées en peu de temps. Le SDF d’un geste rapide et discret prend les pièces de 50cents, 1 euro et 2 euros et les glisse dans sa poche de droite.
« Tu as vu ? lance le père ? »
« Oui ! Excellent, t’avais raison ! »
Le père semble avoir pris beaucoup de distance, pourtant revoir ce SDF et avouer son passé à sa fille a du lui demander beaucoup de courage. J’imagine que le froid des longues journées d’hiver l’a saisi de nouveau, j’imagine que ses muscles se sont crispés un instant, j’imagine que le quotidien de ce temps révolu l’a serré encore. Mais la réaction de sa fille l’a certainement réchauffé détendu et apaisé.
« En sortant, on lui donnera une pièce, d’accord ? »
« D’accord, dit la fille, d’accord »
Ils s’en vont, je reste. Je reste sans savoir quoi penser, je suis frappé par l’atmosphère paisible de cette discussion qui a eu lieu à une place de moi. Maintenant je dois prendre mon train. Je n’ai pas de monnaie, je ne donne rien au SDF. Tant pis, je marche, mais j’écrirai.
Juste devant nous, une bouche de métro et un SDF qui s’installe au pied du poteau qui porte l’enseigne ‘Métro’. Son petit caddie faisant office de siège, il dispose devant lui une petite coupelle avec quelques pièces de centimes, et ce petit panneau : ‘j’ai faim’. Il ouvre une bière qu’il boit doucement et discrètement. Cette fille ne peut pas ne pas voir ce que je vois. Cet homme m’intrigue, comme s’il avait quelque importance au milieu de toute cette agitation.
Un homme plus âgé, la quarantaine, s’assoit à côté de la jeune fille. Cet homme s’avère être le père de celle-ci. Cheveux rasés, une boucle d’oreille à l’oreille gauche, des vêtements simples et une voix douce, calme et pourtant roque. La fille lui parle de ce SDF.
« J’aimerai bien lui donner mon repas, ou même mon billet de train…. ».
Le père marque une courte pause et lui répond sur un ton neutre : »ce n’est pas de ça dont il a besoin à mon avis. »
« Enfin tout de même, ce ne doit pas être facile tous les jours, dans le froid et la pollution… »
« Non, c’est sûr. »
Quelques personnes passent dans la rue, certains s’arrêtent, passent un coup de téléphone, le va-et-vient dans la bouche de métro est incessant. Parfois une personne s’arrête et donne quelques centimes retrouvés au fond d’une poche du manteau ou du pantalon, elle gagne en retour un franc sourire du SDF.
Le père et sa fille continuent à manger. Je les sens, tout comme moi, absorbés pas la scène de ce SDF qui, d’habitude anonyme, concentre aujourd’hui l’attention de trois personnes.
Le père lâche quelques mots : « pas évident de manger au chaud face à un pauvre qui a une pancarte ‘j’ai faim’… »
Je crois saisir cette relation simple de ce père et de cette fille, elle écoute, ne se sent pas obligée de répondre et n’attend qu’une chose : que son père parle encore. Je m’imagine que les parents doivent être divorcés mais ne se détestent pas, et que leur fille éprouve un grand respect pour son père. Pas de haine, pas d’impatience, pas de signes de cette si souvent décriée crise d’adolescence…
De nouveau ce silence remplit de pensées diverses, ce qui silence qui n’est pas blanc, juste une sorte de pause, d’une suspension de temps.
« Au moins, ça me rappelle d’où je viens de le voir. »
La révélation est lâchée. La fille n’est pas bien sûre d’avoir compris.
« Comment ça ? »
« Avant j’ai été comme lui, là… »
L’étonnement de la fille est palpable, et sa réaction transpire pourtant de douceur.
« Tu veux dire que tu étais un SDF ? »
« Oui, comme lui, dans les rues, comme ça… »
« Maman ne me l’a jamais dit »
« Et pourtant, oui, j’ai été SDF »
« Maman ne m’a rien dit »
Cette distance entre l’ancienne situation du père et la référence ainsi faite de la mère me conforte dans mon hypothèse de couple séparé. Le ton de la fille est songeur.
« Tu as été SDF combien de temps ? »
« 3 ans »
« Et tu as rencontré maman après ? »
« Pas vraiment. C’est elle qui m’a sorti de là. Et c’est pour ça tu vois, que je l’ai épousé »
« Oh… »
La réflexion s’impose, aussi la fille prend un moment avant de continuer à parler. Le père lui, reste serein, et attend les prochaines questions de sa fille.
« Je ne trouve pas ça étonnant, je veux dire de tomber amoureux en quelque sorte de son sauveur. J’imagine que ça arrive souvent. »
« Humm, peut-être. Mais je connaissais ta mère avant, c’est après que j’ai galéré. Mais elle m’a sorti de là… »
Je sens toujours cette distance entre père et mère et pourtant ce profond respect. Je suis complètement absorbé par cette situation qui s’offre à moi. J’observe toujours d’un œil ce SDF. La misère devant moi, la misère derrière ce père, cette fille qui se confronte à toute cette misère à laquelle elle étant sensible avant même de connaître le passé de sont père…Improbable situation…
« Je n’arrive pas à t’imaginer comme ça, quand je te vois maintenant, je n’y arrive pas. »
« Et pourtant, tu vois, n’importe qui peut l’être. N’importe qui… »
« Maman n’en a jamais parlé…Toi aussi tu faisais ça ? Devant un resto ?
« Pas devant un resto, mais oui, je faisais ça. »
Deux garçons de peut-être 9 et 6 ans s’arrêtent juste devant moi et observent le SDF. Ils sont gênés mais excités. Leur mère cachée par une affiche collée sur la vitre, apparait dans mon champ de vision, elle donne une pièce de 1 euro au plus grand pour qu’il aille la donner. Les enfants sont tout contents, Le SDF offre un grand sourire en retour accompagné de plusieurs timides ‘merci’. Les enfants repartent avec leur mère en direction de la gare.
« Tu vois, dit le père, Il va récupérer les grosses pièces pour ne laisser que les petites dans la coupelle. »
« Ah bon ? »
« Oui, normalement, il a un grand sac ailleurs dans lequel il met les plus grosses pièces, c’est un truc connu. »
« C’est marrant…ça me fait penser à cette histoire où une SDF qui avait oublié son sac à un refuge ou un truc du genre, et que quelqu’un avait trouvé 10 000 euros ! Heureusement elle les a récupérés. Mais c’est fou quand même ! 10 000 euros ! »
« Oui, c’est fou ! »
Un homme fume une cigarette avant de s’enfoncer dans la bouche de métro. Il fouille ses poches et donne un petit quelque chose et retourne finir sa clope. Un autre avec son sac ‘Virgin Mégastore’ fait de même. De grosses pièces sont tombées en peu de temps. Le SDF d’un geste rapide et discret prend les pièces de 50cents, 1 euro et 2 euros et les glisse dans sa poche de droite.
« Tu as vu ? lance le père ? »
« Oui ! Excellent, t’avais raison ! »
Le père semble avoir pris beaucoup de distance, pourtant revoir ce SDF et avouer son passé à sa fille a du lui demander beaucoup de courage. J’imagine que le froid des longues journées d’hiver l’a saisi de nouveau, j’imagine que ses muscles se sont crispés un instant, j’imagine que le quotidien de ce temps révolu l’a serré encore. Mais la réaction de sa fille l’a certainement réchauffé détendu et apaisé.
« En sortant, on lui donnera une pièce, d’accord ? »
« D’accord, dit la fille, d’accord »
Ils s’en vont, je reste. Je reste sans savoir quoi penser, je suis frappé par l’atmosphère paisible de cette discussion qui a eu lieu à une place de moi. Maintenant je dois prendre mon train. Je n’ai pas de monnaie, je ne donne rien au SDF. Tant pis, je marche, mais j’écrirai.
Comme une grande vague, un flot d’écume grise,
qui passe sur la plage puis s’étire au loin,
coagulant le sable, ou l’éparpillant bien,
ainsi donc fait le froid, glissant comme la brise,
sur le cœur de ces hommes qu’il rassemble ou disperse
par ses multiples formes de joie ou de tristesse.
Boule de neige lancée, un rire enfantin
éclate ici puis là, en une mélodie
plus vive que le jour, plus claire que la vie,
resplendissante de joie, bannissant l’incertain.
Le vent léger soulève des tourbillons de neige,
une fugace buée s’échappe de chaque bouche,
on se presse en tout sens, fonçant dans les congères,
pour mieux se retrouver couvert d’un duvet blanc.
Un chant au loin s’élève, reprit ici et là,
passant entre les lèvres en un long fil de joie.
Et plus tard dans la nuit, rentré au coin du feu,
chacun racontera sa journée, ses exploits,
puis alors doucement le sommeil glissera,
sur ces familles rassemblées, fatiguées de joie.
Le blizzard siffle, la Terre gronde,
et l’on voit s’éloigner ces silhouettes au loin,
pauvres êtres perdus recherchant leur chemin,
ainsi que des oiseaux ayant plongés dans l’onde.
Les flocons les accablent, ralentissant leur pas,
et tous sont courbés, luttant avec effroi
contre ce géant de vent, cette conscience sans bras,
qui bleuit toute chair, sans même claquer des doigts.
Dans un recoin du monde, un homme réfléchit.
Il essaie de sortir des mots de son esprit
vainement. Pourtant il se croyait hors d’atteinte,
porté par un élan fulgurant de passion,
mais rabattu un jour, ramené à raison,
sans que rien n’ai changé sauf peut-être en son cœur
à présent traversé d’idée froides et sans vie,
lui montrant qu’en vérité il n’a rien appris,
de ses élans de joie et de malheur soudains,
le parsemant de marbre et gelant son esprit.
Un trait chauffé de rouge le traverse d’un coup,
il attrape un crayon, et raconte sans fin.
Froid
Froid
Froid, sur mon coeur enfermé de glace.
Cristaux magnifiques, larme de tristesse,
Figée. Dans ce monde de solitude,
S'envoler, de ces grandes ailes blanches;
Au feu réchauffer.
Passer de bleu glacé à lumière jaune et douce du soleil,
Sentir. Les fortes couleurs réchauffer mon être assoiffé,
Désséché par les magnifiques lueurs froides et élégantes
Du silence.
Si forte dans sa tour aux reflets somptueux,
Si froide dans sa beauté sans âge,
Fragile...
Princesse retenue captive par sa force,
Son âme de bleu et de blanc sculptée
Soupire.
Aux grands froids habituée si longtemps
Les fleurs de glace pour tout onguent,
La lumière en elle s'étiole ; enfermée
Cette main tendue, à se rompre, vers le ciel
Cent appels cherche un geste, un éclat, une chaleur.
Briser l'enchantement funeste,
Vivre aussi bien dans froid que dans chaleur.
Être, humain capable de joie que de froid,
Âme vivante. Barrière de glace. Fissurée ;
Liberté trouvée
Une main tendue, des doigts enlacés.
P
Froid, sur mon coeur enfermé de glace.
Cristaux magnifiques, larme de tristesse,
Figée. Dans ce monde de solitude,
S'envoler, de ces grandes ailes blanches;
Au feu réchauffer.
Passer de bleu glacé à lumière jaune et douce du soleil,
Sentir. Les fortes couleurs réchauffer mon être assoiffé,
Désséché par les magnifiques lueurs froides et élégantes
Du silence.
Si forte dans sa tour aux reflets somptueux,
Si froide dans sa beauté sans âge,
Fragile...
Princesse retenue captive par sa force,
Son âme de bleu et de blanc sculptée
Soupire.
Aux grands froids habituée si longtemps
Les fleurs de glace pour tout onguent,
La lumière en elle s'étiole ; enfermée
Cette main tendue, à se rompre, vers le ciel
Cent appels cherche un geste, un éclat, une chaleur.
Briser l'enchantement funeste,
Vivre aussi bien dans froid que dans chaleur.
Être, humain capable de joie que de froid,
Âme vivante. Barrière de glace. Fissurée ;
Liberté trouvée
Une main tendue, des doigts enlacés.
P
24 boulevard du Montparnasse
Dehors, il fait froid. Du vent aussi. Il fait meilleur dedans. 24, boulevard du Montparnasse, Paris 6e. Double interphone, tapis rouge dans l’escalier, rampe dorée. Premier étage : la porte est entr’ouverte. Un intérieur parisien bourgeois, typique, et très classique - évidemment. Le hall de l’appartement donne sur un couloir et sur un salon. Seul le salon est allumé. La lumière est tamisée, la pièce est éclairée par des abat-jours : ceux avec des pieds imitant des chandeliers, un peu kitch. On voit l’ombre des tringles à rideau projetée sur les murs. Moulures au plafond, grand miroir fin 19e, trois petits bustes sur la cheminée, des cadres aux murs, une bibliothèque bien remplie… Mais ça manque d’âme. Un peu comme chez quelqu’un et comme chez personne à la fois. Confortable mais pas réellement accueillant. Et puis, radio classique, agressive :
« C’était un extrait de Don Giovanni, l’air de Leporello dans lequel Mozart reprend un extrait de son opéra « Le Nozze di Figaro » intitulé « Non più andrai / tu n’iras plus papillonner » pour rendre hommage à son publique fidèle de Prague, qui avait accueilli favorablement son précédent opéra à la surprise de la critique Viennoise … »
Sous la cheminée, des jouets aux couleurs Fisher Price, bien rangés dans des boîtes Ikéa en plastique. Sur la table basse centrale, quatre piles symétriques de « Madame Figaro » et « Elle », de l’année passée. Même pas un FHM. De toute façon, personne ne lit. Il y a celle qui dort dans son fauteuil : elle a l’air vraiment malade, elle tremble, elle renifle, elle a froid. Il y a celui qui ferme les yeux, mais qui ne dort pas c’est évident, un peu comme les usagés du RER le matin à 7h30. Il est assis sur le bord du canapé, le dos très droit, raide, coincé, crispé. Il y a celle qui s’endort et se réveille toutes les cinq minutes parce que sa tête la porte en avant et qu’elle a des sursauts. Tous pimpants, tous pincés. On entendrait les mouches voler s’il y avait des mouches, mais il n’y en a pas ici. Donc pas un bruit. Sauf radio classique.
« Détendez vous, vous êtes sur Radio Classique »
Une castafiore sort de la chaine hifi, volume 20 au minimum. Tout sauf détendant, merci radio classique. Tout le monde fait semblant de ne pas être dérangé. Puis c’est l’interphone qui sonne avec une tonalité d’alerte à la bombe. Quelques minutes plus tard, un homme entre, il a des baskets aux pieds, un jean, une casquette, et il sent le dehors, il sent le froid, il sent le vent, il sent bon. La sonnerie de son téléphone vient troubler l’atmosphère faussement paisible de radio classique. Il s’excuse… mais répond : grandiose ! Il détonne un peu de tout ce petit monde. Non, il a simplement l’air vrai.
« Et maintenant, la superbe musique du film Mission, composée par le grand Ennio Morricone, dirigeant ici lui-même l’orchestre philharmonique de Rome »
Quelqu’un marche dans le couloir derrière le salon. L’homme raide du canapé se lève brusquement et se tient debout, sa mallette et son manteau à la main, tout aussi raide que quand il était assis. Peut être même encore plus si c’est possible.
C’est à son tour il le sait. Il attend, debout, raide… Tout le monde le regarde. Il ne regarde personne, juste la porte qui donne sur la pièce voisine. Il attend.
Tout le monde attend. C’est long. Alors il hésite à se rasseoir. Il repose manteau et mallette. Il reste debout, emprunté. On dirait un passager Easy jet britannique, prêt à l’embarquement une demi-heure trop tôt. Un sourire serait à propos, mais personne ne sourit. C’est dommage. Un grand éclat de rire serait encore mieux. Tant pis. La porte donnant sur l’autre pièce s’ouvre, il est soulagé, libéré, il entre à grands pas sans regarder personne. On l’entend parler puis tousser à travers la porte. Il a du prendre froid
Temps mort. Le temps est arrêté, il ne se passe rien. Sauf radio classique, toujours.
L’interphone, encore, suivi de près par l’entrée à petits pas d’une mamie pimpante, laquée, emmitouflé, style « foulard Hermès », qui balaye du regard la pièce avec un « mesdames, messieurs » et un petit signe de la tête. Elle enlève son manteau en vison « il fait bien meilleur ici, quel froid de canard ». Pourquoi parle-t-elle, elle ? Elle se dirige vers un fauteuil libre, s’assied, et par la même occasion déboite les deux accoudoirs du fauteuil. Mais elle n’est pas confuse, ce n’est pas son genre : confuse ? Elle ? Pourquoi? L’homme qui sent le froid propose de l’aider et passe dix minutes à essayer de reconstituer le fauteuil cassé, sans perdre son sang froid.
C’est un défilé. Voilà une quadra au regard indifférent et froid. Son parfum : « Allure » de Chanel, c’est sûr. Elle regarde tous les « Elle » et « Madame Figaro » de la table basse mais n’en prend aucun : elle les a tous déjà lus…
« Radio classique 101.1 à Paris, il est 16h »
Finalement on s’y fait à radio classique.
La porte d’entrée s’ouvre brusquement et rebondit contre le mur avec fracas. Dans le petit salon, on sursaute, on se regarde en faisant semblant de ne pas se regarder (sauf la mamie pomponnée qui elle, dévisage tous ses voisins), on ne parle pas. Toujours pas. Ca jette un froid dans la pièce bien rangée à lumière tamisée. La porte d’entrée est restée ouverte, ça crée un courant d’air. L’air s’engouffre et fait le tour du petit salon en prenant soin de faire frissonner chaque personne, chacune à son tour. Enfin la cause de tout ce remue-ménage apparait sous cinq paires d’yeux ébahis et respectivement vitreux, fatigués, curieux, courtois et inintéressés : des cheveux poivre et sel décoiffés, des pantoufles de Pépé aux pieds mais en bon état, un grand imperméable vite enfilé et noué par-dessus ce qui pourrait bien être un pyjama. A première vue un homme fatigué, le visage marqué par la vie, habitant peut être dans la rue, à deuxième vue un homme fatigué, le visage marqué par les traces du drap sur la joue, qui vient de se réveiller et de sortir de son lit pour ne pas avoir à appeler un médecin à domicile.
« À suivre le concerto pour piano et orchestre opus 54 de Robert Schumann composé en 1845 pour sa femme Clara, pianiste émérite, qui était la première interprète des œuvres de son mari et qui a fait connaître et apprécier sa musique. Clara est elle-même l'auteur d'une quarantaine d'œuvres, mais elle a en partie négligé la compositrice au profit de l'inspiratrice et de la pianiste »
Merci Clara. Quelle femme. Merci radio classique pour ce moment de culture et de féminisme.
La porte donnant sur la pièce voisine s’ouvre de nouveau.
Dommage c’est la fin de ce spectacle, c’était bien distrayant pourtant, on aurait presque dit une scène de théâtre créant cette atmosphère particulière pour l’occasion. Comment ces quelques personnes ont-elles créé une ambiance unique, malgré elles ? Peut être ne l’ont-elles même pas remarqué. Certainement, même.
Il fait bon dans la petite pièce voisine au salon, l’atmosphère est paisible et sécurisante. Ça doit venir des grands rideaux sombres et tombants, encadrant la fenêtre. Tout est là, le bureau au centre, le lavabo dans le coin, le lit contre le mur, la balance par terre, la toise au mur. « C’est vrai que cette année les grippes sont nombreuses et surtout virulentes. Etant donné le froid qu’il fait, ça n’améliore pas les choses avec les chocs thermiques chaud-froid répétés, du métro et des magasins. Et puis les appartements sont trop chauffés» me dit la femme médecin après m’avoir demandé ma carte vitale, mon adresse, les coordonnées de mon médecin traitant, et ma raison pour ma présence dans son cabinet. Elle a l’air à la fois compétent et humain : un bon équilibre, ce à quoi on devrait aspirer. Elle m’ausculte rapidement, pour la forme - respirez profondément – toussez – encore – vous avez une petite tension – euh, oui, toujours – il faut dormir – vous mangez bien ? – ouvrez la bouche et tirez la langue – dites « ah » - vous avez encore un peu de fièvre - de toute façon le meilleur remède est le repos. Oh oui, je suis d’accord ! Elle me demande où j’habite, ce que je fais dans la vie. Elle a même l’air sincère et intéressée. De la chimie ? Ah, très bien, dans quel domaine ? Juste de la chimie, ou vous faites de la biochimie aussi ? … Oui oui, bien bien, euh, en fait il me faudrait juste un arrêt de travail – pour combien de jours ? – deux jours ça devrait aller- il faut bien ça – je vous le date d’hier, c’est bien ça ? - 24 euros s’il vous plait – oh, ne vous en faites pas pour ça, je mettrai l’ordre moi même - merci – reposez vous bien – ça, ne t’en fait pas, j’y compte bien ! - au revoir. Elle me raccompagne à la porte d’entrée de l’appartement en passant par le long couloir, et me serre la main. J’aime bien son odeur. Pas juste son parfum, vraiment son odeur. Tout ça pour ça. J’ai donné pour cette année, je vais me recoucher.
« C’était un extrait de Don Giovanni, l’air de Leporello dans lequel Mozart reprend un extrait de son opéra « Le Nozze di Figaro » intitulé « Non più andrai / tu n’iras plus papillonner » pour rendre hommage à son publique fidèle de Prague, qui avait accueilli favorablement son précédent opéra à la surprise de la critique Viennoise … »
Sous la cheminée, des jouets aux couleurs Fisher Price, bien rangés dans des boîtes Ikéa en plastique. Sur la table basse centrale, quatre piles symétriques de « Madame Figaro » et « Elle », de l’année passée. Même pas un FHM. De toute façon, personne ne lit. Il y a celle qui dort dans son fauteuil : elle a l’air vraiment malade, elle tremble, elle renifle, elle a froid. Il y a celui qui ferme les yeux, mais qui ne dort pas c’est évident, un peu comme les usagés du RER le matin à 7h30. Il est assis sur le bord du canapé, le dos très droit, raide, coincé, crispé. Il y a celle qui s’endort et se réveille toutes les cinq minutes parce que sa tête la porte en avant et qu’elle a des sursauts. Tous pimpants, tous pincés. On entendrait les mouches voler s’il y avait des mouches, mais il n’y en a pas ici. Donc pas un bruit. Sauf radio classique.
« Détendez vous, vous êtes sur Radio Classique »
Une castafiore sort de la chaine hifi, volume 20 au minimum. Tout sauf détendant, merci radio classique. Tout le monde fait semblant de ne pas être dérangé. Puis c’est l’interphone qui sonne avec une tonalité d’alerte à la bombe. Quelques minutes plus tard, un homme entre, il a des baskets aux pieds, un jean, une casquette, et il sent le dehors, il sent le froid, il sent le vent, il sent bon. La sonnerie de son téléphone vient troubler l’atmosphère faussement paisible de radio classique. Il s’excuse… mais répond : grandiose ! Il détonne un peu de tout ce petit monde. Non, il a simplement l’air vrai.
« Et maintenant, la superbe musique du film Mission, composée par le grand Ennio Morricone, dirigeant ici lui-même l’orchestre philharmonique de Rome »
Quelqu’un marche dans le couloir derrière le salon. L’homme raide du canapé se lève brusquement et se tient debout, sa mallette et son manteau à la main, tout aussi raide que quand il était assis. Peut être même encore plus si c’est possible.
C’est à son tour il le sait. Il attend, debout, raide… Tout le monde le regarde. Il ne regarde personne, juste la porte qui donne sur la pièce voisine. Il attend.
Tout le monde attend. C’est long. Alors il hésite à se rasseoir. Il repose manteau et mallette. Il reste debout, emprunté. On dirait un passager Easy jet britannique, prêt à l’embarquement une demi-heure trop tôt. Un sourire serait à propos, mais personne ne sourit. C’est dommage. Un grand éclat de rire serait encore mieux. Tant pis. La porte donnant sur l’autre pièce s’ouvre, il est soulagé, libéré, il entre à grands pas sans regarder personne. On l’entend parler puis tousser à travers la porte. Il a du prendre froid
Temps mort. Le temps est arrêté, il ne se passe rien. Sauf radio classique, toujours.
L’interphone, encore, suivi de près par l’entrée à petits pas d’une mamie pimpante, laquée, emmitouflé, style « foulard Hermès », qui balaye du regard la pièce avec un « mesdames, messieurs » et un petit signe de la tête. Elle enlève son manteau en vison « il fait bien meilleur ici, quel froid de canard ». Pourquoi parle-t-elle, elle ? Elle se dirige vers un fauteuil libre, s’assied, et par la même occasion déboite les deux accoudoirs du fauteuil. Mais elle n’est pas confuse, ce n’est pas son genre : confuse ? Elle ? Pourquoi? L’homme qui sent le froid propose de l’aider et passe dix minutes à essayer de reconstituer le fauteuil cassé, sans perdre son sang froid.
C’est un défilé. Voilà une quadra au regard indifférent et froid. Son parfum : « Allure » de Chanel, c’est sûr. Elle regarde tous les « Elle » et « Madame Figaro » de la table basse mais n’en prend aucun : elle les a tous déjà lus…
« Radio classique 101.1 à Paris, il est 16h »
Finalement on s’y fait à radio classique.
La porte d’entrée s’ouvre brusquement et rebondit contre le mur avec fracas. Dans le petit salon, on sursaute, on se regarde en faisant semblant de ne pas se regarder (sauf la mamie pomponnée qui elle, dévisage tous ses voisins), on ne parle pas. Toujours pas. Ca jette un froid dans la pièce bien rangée à lumière tamisée. La porte d’entrée est restée ouverte, ça crée un courant d’air. L’air s’engouffre et fait le tour du petit salon en prenant soin de faire frissonner chaque personne, chacune à son tour. Enfin la cause de tout ce remue-ménage apparait sous cinq paires d’yeux ébahis et respectivement vitreux, fatigués, curieux, courtois et inintéressés : des cheveux poivre et sel décoiffés, des pantoufles de Pépé aux pieds mais en bon état, un grand imperméable vite enfilé et noué par-dessus ce qui pourrait bien être un pyjama. A première vue un homme fatigué, le visage marqué par la vie, habitant peut être dans la rue, à deuxième vue un homme fatigué, le visage marqué par les traces du drap sur la joue, qui vient de se réveiller et de sortir de son lit pour ne pas avoir à appeler un médecin à domicile.
« À suivre le concerto pour piano et orchestre opus 54 de Robert Schumann composé en 1845 pour sa femme Clara, pianiste émérite, qui était la première interprète des œuvres de son mari et qui a fait connaître et apprécier sa musique. Clara est elle-même l'auteur d'une quarantaine d'œuvres, mais elle a en partie négligé la compositrice au profit de l'inspiratrice et de la pianiste »
Merci Clara. Quelle femme. Merci radio classique pour ce moment de culture et de féminisme.
La porte donnant sur la pièce voisine s’ouvre de nouveau.
Dommage c’est la fin de ce spectacle, c’était bien distrayant pourtant, on aurait presque dit une scène de théâtre créant cette atmosphère particulière pour l’occasion. Comment ces quelques personnes ont-elles créé une ambiance unique, malgré elles ? Peut être ne l’ont-elles même pas remarqué. Certainement, même.
Il fait bon dans la petite pièce voisine au salon, l’atmosphère est paisible et sécurisante. Ça doit venir des grands rideaux sombres et tombants, encadrant la fenêtre. Tout est là, le bureau au centre, le lavabo dans le coin, le lit contre le mur, la balance par terre, la toise au mur. « C’est vrai que cette année les grippes sont nombreuses et surtout virulentes. Etant donné le froid qu’il fait, ça n’améliore pas les choses avec les chocs thermiques chaud-froid répétés, du métro et des magasins. Et puis les appartements sont trop chauffés» me dit la femme médecin après m’avoir demandé ma carte vitale, mon adresse, les coordonnées de mon médecin traitant, et ma raison pour ma présence dans son cabinet. Elle a l’air à la fois compétent et humain : un bon équilibre, ce à quoi on devrait aspirer. Elle m’ausculte rapidement, pour la forme - respirez profondément – toussez – encore – vous avez une petite tension – euh, oui, toujours – il faut dormir – vous mangez bien ? – ouvrez la bouche et tirez la langue – dites « ah » - vous avez encore un peu de fièvre - de toute façon le meilleur remède est le repos. Oh oui, je suis d’accord ! Elle me demande où j’habite, ce que je fais dans la vie. Elle a même l’air sincère et intéressée. De la chimie ? Ah, très bien, dans quel domaine ? Juste de la chimie, ou vous faites de la biochimie aussi ? … Oui oui, bien bien, euh, en fait il me faudrait juste un arrêt de travail – pour combien de jours ? – deux jours ça devrait aller- il faut bien ça – je vous le date d’hier, c’est bien ça ? - 24 euros s’il vous plait – oh, ne vous en faites pas pour ça, je mettrai l’ordre moi même - merci – reposez vous bien – ça, ne t’en fait pas, j’y compte bien ! - au revoir. Elle me raccompagne à la porte d’entrée de l’appartement en passant par le long couloir, et me serre la main. J’aime bien son odeur. Pas juste son parfum, vraiment son odeur. Tout ça pour ça. J’ai donné pour cette année, je vais me recoucher.
Partie 2/2 de 'oil for the lamp'
2.
Hale looked up at the tower despairingly. “The darkness is up there, you know.”
Trek spoke sharply, trying to imitate the confidence of his vanished former leaders. “The tower is safe. We’ve seen it plenty of times from below and the only thing up there is gas. We know there is...” But then he paused, uncomfortable with his own words. Yet how else could he explain? “We know there is... deep dark in the sheds on the other side – but we’re not going near there.” He pointed to the lower part of the tower where each floor was bounded by waist high railings. “There are gas cylinders on the second, third and fourth floors. We’ll take one each. The floors themselves are grated so the light should get through pretty well. I’ll go up to the fourth floor. Hale, you’ll take the lamp in between us on the third. Will can take the second. Remember, the tanks will take a good twenty seconds to fill.”
Hale and Will nodded slowly at Trek’s pale figure, but their eyes were locked on the shadow of the tower beyond. Trek handed Hale the lamp, who gripped it tightly. It was part of the plan, but still, Trek hated to give up the light.
“Keep this beside you at all costs.”
“I will guard the light,” said Hale slowly, like he was swearing an oath.
“Good.” Trek motioned to the tower. “Let’s go.”
Will made a tentative movement toward the tower but Hale remained unmoved. He was trembling slightly.
“We’ve got it covered, Hale. There is only one way up the tower and that’s the staircase. If there’s any trouble, we’ll have plenty of warning. Will is going to keep watch below you. We can do this.” Trek pointed Hale to the external staircase. “Just focus on the light.” It was foolish advice, of course. Looking directly at the lamp light practically blinded you to anything else. But Hale needed confidence, not vision. Finally, Hale started towards the tower, looking up from the lamp in only fleeting glances.
The three slinked warily up the tower’s grated staircase. The darkness that so greedily swallowed the lamplight seemed to amplify their clanging footsteps. Trek winced with each footfall. He didn’t like making noise. Not when the deep dark was so near. Leading the way, Hale was so focused on the lamp’s yellow globe that he stumbled when the flight to the second floor ended. But he hadn’t screamed, or fled. Some had. Trek admired the determination of this first time runner.
Will stepped past wordlessly, moving directly to a large horizontal gas cylinder a few feet from the stairwell. The cylinder had a small tap at the end which could be fitted to their canisters via a thick plastic tube. Trek prodded Hale, and motioned upward to the next floor. The two ascended the second flight, leaving Will crouched next to the first tap in the shifting lamplight. Reaching the third floor, Hale hesitated at the threshold. But after a moment he spotted his cylinder, and headed towards the tap. Trek breathed a sigh of relief and continued up to the fourth floor. He had been right: the lamplight shone in bright shafts through the grating below, illuminating the fourth floor well enough to make out the final cylinder.
Trek heard a loud hiss of gas under pressure from far below. Will had started to fill his canister. With silence now impossible, Trek nearly jumped the remaining steps to his cylinder. Crouching beside the tap, he hastily fitted his canister’s plastic tube to the nozzle. The hissing noise increased in intensity. Hale had got his gas siphon working as well. Trek fumbled for a moment with his tap and finally he, too, had his canister filling. Peering through the grate below, he could make out Hale tapping his hand impatiently against the large cylinder. The lamp rested on the floor beside him. Hale looked up and said something which Trek couldn’t make out for the overpowering hiss. Trek nodded reassuringly and gave a thumbs-up before returning his attention to his own floor.
For the first time, he observed the small interior of the tower. A few metres beyond the gas cylinder, a massive circular beam formed the centre of the structure. Little else but a few tracks of rusted pipes scattered the rest of the floor. He almost didn’t notice the missing section of guardrail on the far side of the tower. Trek jumped to his feet. With rising horror, his eyes distinguished the beginnings of a narrow walkway extending out from the gap. It was a catwalk coming from the sheds... the deep dark.
Another way up.
In a panic he started shouting down through the grate. “Hale! Get your canister off! We’ve got to get off the tower!” There wasn’t a hope of being heard above the hiss. He stamped his boot on the grate, shaking the entire floor. If Hale felt the vibrations, he showed no sign, continuing his absentminded tapping. Trek was turning to descend the staircase when he caught a shudder of movement on the catwalk. It was too late.
Trek spun his tap off and wrenched the canister and tube free. Resecuring the canister to his back harness took only another moment. But already something was emerging from the blackness. It was a man, it seemed to Trek, or what had once been one. He had never seen such a thing before, but knew, with a chill, what it must be. The voice and the body of the deep dark. Its skin had paled beyond mere whiteness, taking on a grey pallor which looked almost dead upon the body. What seemed to be clothes were unrecognizable rags. But Trek caught his breath at the starkly bald head. It was as if the bitter dark itself had been imprinted on the thing’s face. The corners of the mouth were drawn into the beginnings of a snarl. A thin nose protruded between... between what? The face around the eye sockets was horribly sunken, leaving two shadowy hollows where eyes might be hidden.
Trek reached down for a bit of loose pipe to wield as a club. But the creature had no interest in him yet. Jumping fearlessly over the guard rail, it swung itself by the platform edge down onto the third floor. Feeling the jolt behind him, Hale spun wide-eyed to find himself only inches from the sunken eyes. The creature paid little heed to the horrified Hale. Instead, Trek saw through the grating, it kicked the lamp at Hale’s feet, sending the light over the edge of the tower. Hale didn’t even hesitate. He ran full speed after the lamp, crashing through the flimsy guardrail. His figure seemed to hang for a moment in space, flailing hopelessly in the dark air. Then he was plunging downwards with a low scream. Hale hit the ground with a dull thud. Rushing to his own railing, Trek saw Hale’s crumpled body a few metres out from the tower, lying still beside the fallen lamp. The glass of the lamp had shattered with the impact. But it was still burning.
The hiss of gas siphoning had stopped completely now. Trek continued to watch Hale’s fallen body. With disturbing suddenness, a half-circle of shadowy figures emerged around Hale and the lamp. There was about ten of them, each completely bald and with the eye-hollows like the first. Some had strange gashes criss-crossing their bare scalps. One advanced quickly towards the lamp. It was going to extinguish it. Trek ran away from the guardrail, toward the catwalk side of the tower. Imitating the movements of the first creature as best he could, he swung down onto the third floor. But the one which had kicked the lamp was nowhere to be seen. Meanwhile, the creature on the ground had snatched up the lamp and was shaking it violently. Trek picked up Hale’s fallen canister and hefted it onto his shoulder. Running to the platform edge, he heaved the canister over the railing with all his strength. The canister plunged silently to its target, crashing hard into the shoulder of the creature which held the lamp. With a howl it dropped the light and fell writhing onto the gravel. Trek felt a moment of elation at his success. But now the other creatures turned from the lamp towards the source of the projectile. Almost instantly, they started towards the tower stairs, their sunken eyes looking up to where Trek stood. He backed away from the rail.
There was a clanging noise to his right. Something was coming up the stairwell from the second floor. Trek looked frantically for anything to use as a weapon. There was nothing this time, not even a scrap of metal. He tried to remember something an older runner had said about fighting but the pervasive darkness suffocated his thoughts. His mind raced hopelessly. What was this darkness? How was he supposed to fight it? But he could only recall the cryptic, useless sayings of the camp: “avoid the deep dark”, “darkness fears the light.”
The sight of a familiar tuft of brown hair in the stairway brought a moment of calm. It was Will.
“One of those things came at me from above,” he stammered. “I think… I think I threw it over the edge. Where the hell did it come from?”
Trek glanced upwards. “There’s a catwalk from the sheds on the next floor. But they’re coming up the stairs now.”
“I saw. Can we get off this thing?”
“Well, the stairs are blocked. And the catwalk leads to the deep dark.” It wasn’t an option. Trek leaned over the railing. “We need to get to the lamp.”
There was a flurry of footsteps below.
“They’re almost at the second floor now.”
They both looked down miserably at the three storey drop to the lamp.
Trek made his decision.
“Will, this is going to hurt.”
“What? Jump?” Will was incredulous. “You saw what happened to Hale from this height.”
“No.” Trek had pulled out the cigarette-lighter. “This.”
He pressed the lighter against one of the thickest oil stains on his overalls and flicked it once. The oil patch ignited instantly. Will watched dumbfounded as Trek reached across and set his own overalls alight.
“GO!”
The two sprinted down the stairwell, the rush of air fanning the flames. Trek screamed uncontrollably as he ran, spurred on by searing pain and adrenaline. Hurtling onto the second floor, they were now a pair of fiery demons in the gloom. The darkness fled before them. Some of the creatures rammed headlong into the tower’s centre beam; others leapt heedlessly over the guardrails, crashing into distorted heaps far below. Trek and Will charged helter-skelter down the final flight, leaping several steps at a time. They could hardly see when they finally burst out on to the refinery gravel, burning flames swirling wildly in their vision.
Next to Hale’s body and the lamp, the two clawed desperately at their flaming clothing. Their hands burned badly as they struggled free from the charring rags. Still able to put off the intense pain, Trek picked up the lamp and took a final look at what was clearly Hale’s corpse. His frame was doubled over awkwardly, his back clearly broken in the impact. Another “disappearance”. Will scooped up Hale’s gas canister and stood panting beside the body. There was nothing to be done.
Will spoke first. “Get us out of the dark.”
Trek led the way, holding the lamp tenderly with burned fingers. The filled gas canisters were heavier now, but the extra burden gave them hope. They ran with what energy they had left. Trek could no longer think steadily, his numbed mind navigating by intuition. As he ran, Trek glimpsed a flash of metal off to his left at the limit of the lamplight. A broken sign, he thought, catching a glimpse of text. “SOLWAY”, it could have said, but it was too far away to be sure. He thought of stopping to take a closer look, but already he had lost the metallic reflection in the darkness. He focused again on the painful run.
Trek’s direction held true, and they soon came upon the fence hole. They moved quickly through the gap, left breathless by the pain of bending. The uneven path sapped their failing strength. Unconsciousness beckoned to Trek with every step now. Pools of blackness welled up in his peripheral vision, merging with the darkness around him.
Trek’s muscles were numb with strain when at last his failing sight made out the dim glow of the camp. As he took the final unsteady steps, the glow took shape into a tight cluster of canvas tents. A figure standing at one edge of the cluster was waving and pointing. It was the lookout, and he was shouting ecstatically: “They’re back! They’re here!” An anxious crowd had formed when Trek finally stumbled into the cluster. He looked around for a moment and thought to speak, but no words came into his weary mind. Instead, he reached to unhook his gas canister, but even this proved too much. Exhaustion overtook him, and there on the camp’s threshold he collapsed into unconsciousness.
Hale looked up at the tower despairingly. “The darkness is up there, you know.”
Trek spoke sharply, trying to imitate the confidence of his vanished former leaders. “The tower is safe. We’ve seen it plenty of times from below and the only thing up there is gas. We know there is...” But then he paused, uncomfortable with his own words. Yet how else could he explain? “We know there is... deep dark in the sheds on the other side – but we’re not going near there.” He pointed to the lower part of the tower where each floor was bounded by waist high railings. “There are gas cylinders on the second, third and fourth floors. We’ll take one each. The floors themselves are grated so the light should get through pretty well. I’ll go up to the fourth floor. Hale, you’ll take the lamp in between us on the third. Will can take the second. Remember, the tanks will take a good twenty seconds to fill.”
Hale and Will nodded slowly at Trek’s pale figure, but their eyes were locked on the shadow of the tower beyond. Trek handed Hale the lamp, who gripped it tightly. It was part of the plan, but still, Trek hated to give up the light.
“Keep this beside you at all costs.”
“I will guard the light,” said Hale slowly, like he was swearing an oath.
“Good.” Trek motioned to the tower. “Let’s go.”
Will made a tentative movement toward the tower but Hale remained unmoved. He was trembling slightly.
“We’ve got it covered, Hale. There is only one way up the tower and that’s the staircase. If there’s any trouble, we’ll have plenty of warning. Will is going to keep watch below you. We can do this.” Trek pointed Hale to the external staircase. “Just focus on the light.” It was foolish advice, of course. Looking directly at the lamp light practically blinded you to anything else. But Hale needed confidence, not vision. Finally, Hale started towards the tower, looking up from the lamp in only fleeting glances.
The three slinked warily up the tower’s grated staircase. The darkness that so greedily swallowed the lamplight seemed to amplify their clanging footsteps. Trek winced with each footfall. He didn’t like making noise. Not when the deep dark was so near. Leading the way, Hale was so focused on the lamp’s yellow globe that he stumbled when the flight to the second floor ended. But he hadn’t screamed, or fled. Some had. Trek admired the determination of this first time runner.
Will stepped past wordlessly, moving directly to a large horizontal gas cylinder a few feet from the stairwell. The cylinder had a small tap at the end which could be fitted to their canisters via a thick plastic tube. Trek prodded Hale, and motioned upward to the next floor. The two ascended the second flight, leaving Will crouched next to the first tap in the shifting lamplight. Reaching the third floor, Hale hesitated at the threshold. But after a moment he spotted his cylinder, and headed towards the tap. Trek breathed a sigh of relief and continued up to the fourth floor. He had been right: the lamplight shone in bright shafts through the grating below, illuminating the fourth floor well enough to make out the final cylinder.
Trek heard a loud hiss of gas under pressure from far below. Will had started to fill his canister. With silence now impossible, Trek nearly jumped the remaining steps to his cylinder. Crouching beside the tap, he hastily fitted his canister’s plastic tube to the nozzle. The hissing noise increased in intensity. Hale had got his gas siphon working as well. Trek fumbled for a moment with his tap and finally he, too, had his canister filling. Peering through the grate below, he could make out Hale tapping his hand impatiently against the large cylinder. The lamp rested on the floor beside him. Hale looked up and said something which Trek couldn’t make out for the overpowering hiss. Trek nodded reassuringly and gave a thumbs-up before returning his attention to his own floor.
For the first time, he observed the small interior of the tower. A few metres beyond the gas cylinder, a massive circular beam formed the centre of the structure. Little else but a few tracks of rusted pipes scattered the rest of the floor. He almost didn’t notice the missing section of guardrail on the far side of the tower. Trek jumped to his feet. With rising horror, his eyes distinguished the beginnings of a narrow walkway extending out from the gap. It was a catwalk coming from the sheds... the deep dark.
Another way up.
In a panic he started shouting down through the grate. “Hale! Get your canister off! We’ve got to get off the tower!” There wasn’t a hope of being heard above the hiss. He stamped his boot on the grate, shaking the entire floor. If Hale felt the vibrations, he showed no sign, continuing his absentminded tapping. Trek was turning to descend the staircase when he caught a shudder of movement on the catwalk. It was too late.
Trek spun his tap off and wrenched the canister and tube free. Resecuring the canister to his back harness took only another moment. But already something was emerging from the blackness. It was a man, it seemed to Trek, or what had once been one. He had never seen such a thing before, but knew, with a chill, what it must be. The voice and the body of the deep dark. Its skin had paled beyond mere whiteness, taking on a grey pallor which looked almost dead upon the body. What seemed to be clothes were unrecognizable rags. But Trek caught his breath at the starkly bald head. It was as if the bitter dark itself had been imprinted on the thing’s face. The corners of the mouth were drawn into the beginnings of a snarl. A thin nose protruded between... between what? The face around the eye sockets was horribly sunken, leaving two shadowy hollows where eyes might be hidden.
Trek reached down for a bit of loose pipe to wield as a club. But the creature had no interest in him yet. Jumping fearlessly over the guard rail, it swung itself by the platform edge down onto the third floor. Feeling the jolt behind him, Hale spun wide-eyed to find himself only inches from the sunken eyes. The creature paid little heed to the horrified Hale. Instead, Trek saw through the grating, it kicked the lamp at Hale’s feet, sending the light over the edge of the tower. Hale didn’t even hesitate. He ran full speed after the lamp, crashing through the flimsy guardrail. His figure seemed to hang for a moment in space, flailing hopelessly in the dark air. Then he was plunging downwards with a low scream. Hale hit the ground with a dull thud. Rushing to his own railing, Trek saw Hale’s crumpled body a few metres out from the tower, lying still beside the fallen lamp. The glass of the lamp had shattered with the impact. But it was still burning.
The hiss of gas siphoning had stopped completely now. Trek continued to watch Hale’s fallen body. With disturbing suddenness, a half-circle of shadowy figures emerged around Hale and the lamp. There was about ten of them, each completely bald and with the eye-hollows like the first. Some had strange gashes criss-crossing their bare scalps. One advanced quickly towards the lamp. It was going to extinguish it. Trek ran away from the guardrail, toward the catwalk side of the tower. Imitating the movements of the first creature as best he could, he swung down onto the third floor. But the one which had kicked the lamp was nowhere to be seen. Meanwhile, the creature on the ground had snatched up the lamp and was shaking it violently. Trek picked up Hale’s fallen canister and hefted it onto his shoulder. Running to the platform edge, he heaved the canister over the railing with all his strength. The canister plunged silently to its target, crashing hard into the shoulder of the creature which held the lamp. With a howl it dropped the light and fell writhing onto the gravel. Trek felt a moment of elation at his success. But now the other creatures turned from the lamp towards the source of the projectile. Almost instantly, they started towards the tower stairs, their sunken eyes looking up to where Trek stood. He backed away from the rail.
There was a clanging noise to his right. Something was coming up the stairwell from the second floor. Trek looked frantically for anything to use as a weapon. There was nothing this time, not even a scrap of metal. He tried to remember something an older runner had said about fighting but the pervasive darkness suffocated his thoughts. His mind raced hopelessly. What was this darkness? How was he supposed to fight it? But he could only recall the cryptic, useless sayings of the camp: “avoid the deep dark”, “darkness fears the light.”
The sight of a familiar tuft of brown hair in the stairway brought a moment of calm. It was Will.
“One of those things came at me from above,” he stammered. “I think… I think I threw it over the edge. Where the hell did it come from?”
Trek glanced upwards. “There’s a catwalk from the sheds on the next floor. But they’re coming up the stairs now.”
“I saw. Can we get off this thing?”
“Well, the stairs are blocked. And the catwalk leads to the deep dark.” It wasn’t an option. Trek leaned over the railing. “We need to get to the lamp.”
There was a flurry of footsteps below.
“They’re almost at the second floor now.”
They both looked down miserably at the three storey drop to the lamp.
Trek made his decision.
“Will, this is going to hurt.”
“What? Jump?” Will was incredulous. “You saw what happened to Hale from this height.”
“No.” Trek had pulled out the cigarette-lighter. “This.”
He pressed the lighter against one of the thickest oil stains on his overalls and flicked it once. The oil patch ignited instantly. Will watched dumbfounded as Trek reached across and set his own overalls alight.
“GO!”
The two sprinted down the stairwell, the rush of air fanning the flames. Trek screamed uncontrollably as he ran, spurred on by searing pain and adrenaline. Hurtling onto the second floor, they were now a pair of fiery demons in the gloom. The darkness fled before them. Some of the creatures rammed headlong into the tower’s centre beam; others leapt heedlessly over the guardrails, crashing into distorted heaps far below. Trek and Will charged helter-skelter down the final flight, leaping several steps at a time. They could hardly see when they finally burst out on to the refinery gravel, burning flames swirling wildly in their vision.
Next to Hale’s body and the lamp, the two clawed desperately at their flaming clothing. Their hands burned badly as they struggled free from the charring rags. Still able to put off the intense pain, Trek picked up the lamp and took a final look at what was clearly Hale’s corpse. His frame was doubled over awkwardly, his back clearly broken in the impact. Another “disappearance”. Will scooped up Hale’s gas canister and stood panting beside the body. There was nothing to be done.
Will spoke first. “Get us out of the dark.”
Trek led the way, holding the lamp tenderly with burned fingers. The filled gas canisters were heavier now, but the extra burden gave them hope. They ran with what energy they had left. Trek could no longer think steadily, his numbed mind navigating by intuition. As he ran, Trek glimpsed a flash of metal off to his left at the limit of the lamplight. A broken sign, he thought, catching a glimpse of text. “SOLWAY”, it could have said, but it was too far away to be sure. He thought of stopping to take a closer look, but already he had lost the metallic reflection in the darkness. He focused again on the painful run.
Trek’s direction held true, and they soon came upon the fence hole. They moved quickly through the gap, left breathless by the pain of bending. The uneven path sapped their failing strength. Unconsciousness beckoned to Trek with every step now. Pools of blackness welled up in his peripheral vision, merging with the darkness around him.
Trek’s muscles were numb with strain when at last his failing sight made out the dim glow of the camp. As he took the final unsteady steps, the glow took shape into a tight cluster of canvas tents. A figure standing at one edge of the cluster was waving and pointing. It was the lookout, and he was shouting ecstatically: “They’re back! They’re here!” An anxious crowd had formed when Trek finally stumbled into the cluster. He looked around for a moment and thought to speak, but no words came into his weary mind. Instead, he reached to unhook his gas canister, but even this proved too much. Exhaustion overtook him, and there on the camp’s threshold he collapsed into unconsciousness.
Oil for the lamp 1/2
1.
The darkness threatened to consume them. Yet Trek ran quickly, holding his lamp high where it best illuminated the broken path. The lamp’s wire handle swung loosely as he jogged, casting a silent dance of shadows all around. Trek’s shoulders ached with the weight of an empty gas canister strapped to his back. He shot an anxious glance back at his two running companions. They were dressed as he was: shabby overalls, stretched and worn by heavy use and stained in thick oily patches. Each carried their own gas canister. Behind and on the right was Hale. His pale, youthful face was contorted with exertion. Hale was fitter than most—that was why he had been chosen. Still, he was gasping now in an uneven rhythm. Trek knew he had set the pace fast, but it was better this way. He remembered his own first run—gruelling and uncertain, never having any sense of when the end would come. But he had been thankful for the exertion of a quick pace. It kept his mind off the black void that surrounded on every side. And the young Hale would need all the distractions he could get. He had never made a run like this.
To Hale’s left was Will, a runner of Trek’s own age – about mid twenties, though one could never be sure. He felt reassured at the sight of Will’s confident stride. They had made countless runs together and had seen some of the best and worst. But no, they had never seen the worst. Trek caught his breath at the thought. Black out. Left in the cold. Taken by the darkness. It was a death sentence. But Trek had checked the lamp again just before they left. No, he wouldn’t be taken. Not on this run. He forced the thought out of his mind and turned his attention back to the path in front.
It was strange to have no one before him, no jolting glow up ahead to follow at all costs. He was the leader this time; he guarded the precious light for the journey. Hale and Will were counting on him, he knew, as were the others back at camp. The camp deacons had said, and there was no doubt: it would take three canisters of gas to last the week. Gas was the lifeblood of the camp. Gas powered the lamps: the only thing between them and the relentless, permanent, darkness. The trickle of gas brought in on the weekly runs now barely sustained the settlement. It hadn’t always been so desperate. There used to be reserves—and backups, and contingency plans. But there were no longer the runners to maintain anything but the barest supply line.
Perhaps ten minutes passed as the gas runners weaved through the looming shapes in the darkness towards their destination, the old Solway gas refinery. Trek doubted that was its real name. He recalled trying one day to find out how it came to be called Solway. His questioning had led him to an older runner who claimed to have once seen a sign with the name. No one else had seen it. But now even that old runner was gone, lost in the disappearances of the previous month. Trek didn’t care about the name itself. But he had wanted to get to the truth, wanted, for once, to cut through the webs of rumour and faded memory that draped his world on every side. As always, he had only uncovered another layer of doubt.
Trek wondered if Hale shared his frustration. But no, how could he? Hale was too young. The shifting shadows of doubt were all he knew. He had forgotten the time before the darkness came with its slow suffocation of truth. But Trek remembered still the last days; the dim streaked orange sky; sunlight gasping through the dust before the last fade. Trek wiped a trail of sweat from his forehead. How long had it been now? Months, years…? Why couldn’t they remember anymore? What had happened to all the people, so confident in their plans? No one could say, now, Trek knew. The darkness stifled everything. Simply the absence of light, they said. It had been a long time since anyone really believed that.
Twenty feet ahead, the rusted metal of a vast chain link fence took shape before Trek’s lamp light. He slowed to a brisk walk, finally stopping an arm’s length from the barrier. Squinting in the darkness, he looked left and then right along the fence, searching for the hole they had been making for. The barrier stretched unbroken into darkness in both directions. Hale and Will came to a stop just behind, taking in the obstacle exposed in the light. Despite the growing rust, the thick-wired fence did not betray any points of weakness. Dual lines of razor wire were strung tightly atop the three metre fence. An unfortunate relic, Trek reflected sourly, of a time when there were still those able to guard the refinery’s precious gas.
“This is what we expected, right?” Hale asked nervously. He was breathing heavily from the run.
“Yes.” Trek was concentrating on the twisted wire before him. “There’s a hole cut. It should be right here. We’ve been using it since...” But his voice trailed off in puzzlement. Hale noticed the uncertainty in his leader, and looked beside him to Will for reassurance. But Will was also hesitant.
“Trek, you sure we took the right angle off the path?” asked Will. “The quarter-pace left on the last turn seemed a little wide—”
“It wasn’t wide,” Trek cut him off, still staring at the fence. Will accepted the correction. This might be Trek’s first time as leader, but there was no doubting his accuracy as a dark navigator.
“Then what is this?” Will motioned to the unbroken fence before them.
“I don’t know.”
After a pause, Trek bent down on one knee and leaned in close to the fence. The rusted links were all intact. There was some wear on the lower wire… but no sign of even a single broken link—wait. There was a fine groove across one of the links. Trek twisted it in his fingers and it came apart cleanly. To the left there was another groove on the next link. And above right, another. Applying pressure near each groove, Trek soon had pushed out a man-sized hole.
“Someone fixed the hole?” asked Will.
“Hidden, more like,” Trek responded.
Hale shook his head in dismay. “Who would hide the way through?”
“The darkness might,” said Will solemnly.
Trek disliked the mystical phrasing of the deacons: “the darkness”, “deep dark”, “followers of light”. But like the other superstitions of their world, he suspected they were distant echoes of truth.
“But it couldn’t,” Hale protested anxiously. “The darkness couldn’t... it can’t think, can it? It just takes those who don’t guard the light.”
There was an awkward pause in the flickering lamplight. Trek shot Will a hard look: whatever the darkness was, it was no good tantalising poor Hale with its spectre.
Will seemed to catch Trek’s meaning and nodded to Hale. “Right.” But he looked around quickly, as if expecting a response from the surrounding gloom.
“Come on.” Trek nodded towards the fence, then stooped low and ducked through the hole. Will and Hale followed hastily, neither wanting to be left alone on the dark side of the barrier.
Using the fence’s line as a reference angle, Trek stepped again into the void. An uncanny ability to judge angles and distances had made him an invaluable navigator in the dark. He wasn’t just better at it; his talent was unique, freakish even – he could plot a course in darkness as surely as he walked in the lighted camp. And so he had been brought on gas runs since the beginning. But he had never been trusted as leader – with the lamp – until now. It was an honour he suspected was less due to his abilities than to the lack of an alternative. Penten, the last of the able-bodied older runners, had disappeared a week previously. In the eyes of the deacons, Trek hadn’t seen enough of the light years to be fully trusted. He had always resented it, but couldn’t help feeling the same mistrust of Hale and the other younger ones. Whatever their misgivings, there was little choice now.
After four hundred carefully measured paces, Trek brought the trio to a halt. First he checked for the small cigarette-lighter in his side pocket. It was the only way to reignite the lamp if something went wrong. Like all of their lights, the lamp was gas-powered – fed by a small cylinder at the base. They would need more light for what was next. Trek turned a knob to increase the gas flow. The dim light waxed suddenly into a bright globe, sending yellow light piercing far into the gloom.
Almost instantly, a chorus of shrieks leapt out from the darkness in front. It was loud in the stillness and yet hollow, as an echo escaping from the depths of a great building. It could have been a groan of pain, Trek thought. But it was harsher, more focused. There was fury in it. Trek fought a sudden urge to turn and run as the screams persisted. Hale, stricken, turned away, his hands pressed to his ears. After several moments the shrieks died out of their own accord.
“It’s over,” said Trek to no one in particular. Hale dropped his hands slowly, but did not turn back around. Trek put a hand on his shoulder. “It’s OK. It’s like we say, the darkness fears the light.”
And it hates what it fears, he didn’t add.
He hadn’t warned Hale about the screams. One did not speak plainly of such things in the camp. The shrieks always seemed to come from indoors, or other concealed places where their light never shone directly. It was what they called the deep dark. There, it was said, the darkness grew so thick it took form – assuming a voice and a body with which it groped blindly. It might be nonsense. But Trek knew there was a voice, at least.
In the direction of the screams, the increased light had revealed the imposing figure of their objective: the refinery tower. The open-air structure could be seen in the new light to be composed of a towering mass of interlocking girders, pipes and grates. They had noted the tower’s gas cylinders on previous trips, though no one had yet climbed it. The gas teams could usually siphon what they needed from cylinders at ground level – but those had been exhausted on the last trip. They had to climb this time.
The darkness threatened to consume them. Yet Trek ran quickly, holding his lamp high where it best illuminated the broken path. The lamp’s wire handle swung loosely as he jogged, casting a silent dance of shadows all around. Trek’s shoulders ached with the weight of an empty gas canister strapped to his back. He shot an anxious glance back at his two running companions. They were dressed as he was: shabby overalls, stretched and worn by heavy use and stained in thick oily patches. Each carried their own gas canister. Behind and on the right was Hale. His pale, youthful face was contorted with exertion. Hale was fitter than most—that was why he had been chosen. Still, he was gasping now in an uneven rhythm. Trek knew he had set the pace fast, but it was better this way. He remembered his own first run—gruelling and uncertain, never having any sense of when the end would come. But he had been thankful for the exertion of a quick pace. It kept his mind off the black void that surrounded on every side. And the young Hale would need all the distractions he could get. He had never made a run like this.
To Hale’s left was Will, a runner of Trek’s own age – about mid twenties, though one could never be sure. He felt reassured at the sight of Will’s confident stride. They had made countless runs together and had seen some of the best and worst. But no, they had never seen the worst. Trek caught his breath at the thought. Black out. Left in the cold. Taken by the darkness. It was a death sentence. But Trek had checked the lamp again just before they left. No, he wouldn’t be taken. Not on this run. He forced the thought out of his mind and turned his attention back to the path in front.
It was strange to have no one before him, no jolting glow up ahead to follow at all costs. He was the leader this time; he guarded the precious light for the journey. Hale and Will were counting on him, he knew, as were the others back at camp. The camp deacons had said, and there was no doubt: it would take three canisters of gas to last the week. Gas was the lifeblood of the camp. Gas powered the lamps: the only thing between them and the relentless, permanent, darkness. The trickle of gas brought in on the weekly runs now barely sustained the settlement. It hadn’t always been so desperate. There used to be reserves—and backups, and contingency plans. But there were no longer the runners to maintain anything but the barest supply line.
Perhaps ten minutes passed as the gas runners weaved through the looming shapes in the darkness towards their destination, the old Solway gas refinery. Trek doubted that was its real name. He recalled trying one day to find out how it came to be called Solway. His questioning had led him to an older runner who claimed to have once seen a sign with the name. No one else had seen it. But now even that old runner was gone, lost in the disappearances of the previous month. Trek didn’t care about the name itself. But he had wanted to get to the truth, wanted, for once, to cut through the webs of rumour and faded memory that draped his world on every side. As always, he had only uncovered another layer of doubt.
Trek wondered if Hale shared his frustration. But no, how could he? Hale was too young. The shifting shadows of doubt were all he knew. He had forgotten the time before the darkness came with its slow suffocation of truth. But Trek remembered still the last days; the dim streaked orange sky; sunlight gasping through the dust before the last fade. Trek wiped a trail of sweat from his forehead. How long had it been now? Months, years…? Why couldn’t they remember anymore? What had happened to all the people, so confident in their plans? No one could say, now, Trek knew. The darkness stifled everything. Simply the absence of light, they said. It had been a long time since anyone really believed that.
Twenty feet ahead, the rusted metal of a vast chain link fence took shape before Trek’s lamp light. He slowed to a brisk walk, finally stopping an arm’s length from the barrier. Squinting in the darkness, he looked left and then right along the fence, searching for the hole they had been making for. The barrier stretched unbroken into darkness in both directions. Hale and Will came to a stop just behind, taking in the obstacle exposed in the light. Despite the growing rust, the thick-wired fence did not betray any points of weakness. Dual lines of razor wire were strung tightly atop the three metre fence. An unfortunate relic, Trek reflected sourly, of a time when there were still those able to guard the refinery’s precious gas.
“This is what we expected, right?” Hale asked nervously. He was breathing heavily from the run.
“Yes.” Trek was concentrating on the twisted wire before him. “There’s a hole cut. It should be right here. We’ve been using it since...” But his voice trailed off in puzzlement. Hale noticed the uncertainty in his leader, and looked beside him to Will for reassurance. But Will was also hesitant.
“Trek, you sure we took the right angle off the path?” asked Will. “The quarter-pace left on the last turn seemed a little wide—”
“It wasn’t wide,” Trek cut him off, still staring at the fence. Will accepted the correction. This might be Trek’s first time as leader, but there was no doubting his accuracy as a dark navigator.
“Then what is this?” Will motioned to the unbroken fence before them.
“I don’t know.”
After a pause, Trek bent down on one knee and leaned in close to the fence. The rusted links were all intact. There was some wear on the lower wire… but no sign of even a single broken link—wait. There was a fine groove across one of the links. Trek twisted it in his fingers and it came apart cleanly. To the left there was another groove on the next link. And above right, another. Applying pressure near each groove, Trek soon had pushed out a man-sized hole.
“Someone fixed the hole?” asked Will.
“Hidden, more like,” Trek responded.
Hale shook his head in dismay. “Who would hide the way through?”
“The darkness might,” said Will solemnly.
Trek disliked the mystical phrasing of the deacons: “the darkness”, “deep dark”, “followers of light”. But like the other superstitions of their world, he suspected they were distant echoes of truth.
“But it couldn’t,” Hale protested anxiously. “The darkness couldn’t... it can’t think, can it? It just takes those who don’t guard the light.”
There was an awkward pause in the flickering lamplight. Trek shot Will a hard look: whatever the darkness was, it was no good tantalising poor Hale with its spectre.
Will seemed to catch Trek’s meaning and nodded to Hale. “Right.” But he looked around quickly, as if expecting a response from the surrounding gloom.
“Come on.” Trek nodded towards the fence, then stooped low and ducked through the hole. Will and Hale followed hastily, neither wanting to be left alone on the dark side of the barrier.
Using the fence’s line as a reference angle, Trek stepped again into the void. An uncanny ability to judge angles and distances had made him an invaluable navigator in the dark. He wasn’t just better at it; his talent was unique, freakish even – he could plot a course in darkness as surely as he walked in the lighted camp. And so he had been brought on gas runs since the beginning. But he had never been trusted as leader – with the lamp – until now. It was an honour he suspected was less due to his abilities than to the lack of an alternative. Penten, the last of the able-bodied older runners, had disappeared a week previously. In the eyes of the deacons, Trek hadn’t seen enough of the light years to be fully trusted. He had always resented it, but couldn’t help feeling the same mistrust of Hale and the other younger ones. Whatever their misgivings, there was little choice now.
After four hundred carefully measured paces, Trek brought the trio to a halt. First he checked for the small cigarette-lighter in his side pocket. It was the only way to reignite the lamp if something went wrong. Like all of their lights, the lamp was gas-powered – fed by a small cylinder at the base. They would need more light for what was next. Trek turned a knob to increase the gas flow. The dim light waxed suddenly into a bright globe, sending yellow light piercing far into the gloom.
Almost instantly, a chorus of shrieks leapt out from the darkness in front. It was loud in the stillness and yet hollow, as an echo escaping from the depths of a great building. It could have been a groan of pain, Trek thought. But it was harsher, more focused. There was fury in it. Trek fought a sudden urge to turn and run as the screams persisted. Hale, stricken, turned away, his hands pressed to his ears. After several moments the shrieks died out of their own accord.
“It’s over,” said Trek to no one in particular. Hale dropped his hands slowly, but did not turn back around. Trek put a hand on his shoulder. “It’s OK. It’s like we say, the darkness fears the light.”
And it hates what it fears, he didn’t add.
He hadn’t warned Hale about the screams. One did not speak plainly of such things in the camp. The shrieks always seemed to come from indoors, or other concealed places where their light never shone directly. It was what they called the deep dark. There, it was said, the darkness grew so thick it took form – assuming a voice and a body with which it groped blindly. It might be nonsense. But Trek knew there was a voice, at least.
In the direction of the screams, the increased light had revealed the imposing figure of their objective: the refinery tower. The open-air structure could be seen in the new light to be composed of a towering mass of interlocking girders, pipes and grates. They had noted the tower’s gas cylinders on previous trips, though no one had yet climbed it. The gas teams could usually siphon what they needed from cylinders at ground level – but those had been exhausted on the last trip. They had to climb this time.
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