Interrogatoire 027-Z extraits de session du sujet 412#-52H -- raporté le 29 décembre 1988 de la salle de traitement psychologique à 02h01 -- Professeur K.
Professeur K. : Sujet 412#-52H, vous êtes maintenant en salle de traitement psychologique car vous avez présenté des troubles de comportement tout à l'heure. Etes-vous calmé ?
Sujet 412#-52H : Oui monsieur.
Professeur K. : Depuis quand vous estimez-vous calmé ?
Sujet 412#-52H : Depuis pilules rouges, monsieur. Depuis qu’on me les a donné.
Professeur K. : Bien. Comment vous sentez-vous ?
Sujet 412#-52H : Je... Je ne sais pas monsieur.
Professeur K. : A quoi pensez-vous en cet instant ?
Sujet 412#-52H : Est-ce que ma maman va venir me chercher ?
Professeur K. : Mais enfin sujet 412#-52H, de qui parlez-vous ? Vous vous rappelez que vous n’avez pas de parents, pas de vie ? Vous le savez n’est-ce pas ?
Sujet 412#-52H : Ah… Bon… Oui, c'est vrai. Les pilules rouges l'ont dit.
Professeur K. : A quoi pensez-vous, maintenant, en cet instant ? Comment vous sentez-vous ?
Sujet 412#-52H : Comme l'hérisson, lorsqu'il voit le portail lui arriver dessus, au moment même où il se dit qu'il ne pourra pas se retirer. Alors il a juste le temps de penser qu'il en a marre, même pas le temps de penser à sa routine quotidienne, juste le temps de se dire "merde, non, ne pars pas ma vie.".
Professeur K. : Hmmm... Et ?
Sujet 412#-52H : Et splatch.
Professeur K. : D'accord...
Sujet 412#-52H : Le pire, c'est qu'il voit le portail arriver. Alors que si c'est une voiture qui lui arrive dessus, il sent les vibrations qui lui parcourent son petit ventre chaud, il se recroqueville en se demandant si une roue va le tuer ou non. Mais il estime que ça ira, après tout la dernière fois il n'a rien eu. Et là encore, splatch.
Professeur K. : Continuez...
Sujet 412#-52H : C'est après qu'on distingue sa petite patte lancée vers l'avant, broyée dans le bitume, comme s'il avait essayé de se retenir, pour ne pas se faire emporter et étaler. On voit cette petite patte grisâtre complètement déchiquetée devant le corps éventré, juste derrière. Et alors on se dit qu'il a peut-être senti la mort, que peut-être il a essayé quelque chose en se disant "non s'il vous plaît je ne veux pas"...
Professeur K. : Et ?
Sujet 412#-52H : Et finalement il est toujours là, sur la route, mort, et tout le monde l'évite en se disant qu'il est dégueulasse à reposer là, qu'il vaut pas la peine d'être regarder, au contraire, qu'il retourne le ventre, qu'il fait peur. Pourtant lui, il n'y est pour rien, il est même plus là... Juste à espérer qu'il ne voit jamais comment on traite son corps, comme si c'était une merde pesteuse qu'il ne faut pas approcher. Pourtant, c'est le même qu'avant.
Professeur K. : C'est assez triste, somme toute.
Sujet 412#-52H : Pourtant, c'est le même... Avec le même air mignon quand il dort, Les mêmes poils doux, sous le ventre, mais tout au dehors... Mort contre son gré.
Professeur K. : Hmmm...
Sujet 412#-52H : C'est triste un animal mort je trouve, surtout dans ce genre de conditions.
Professeur K. : Oui, c'est possible.
Sujet 412#-52H : Oui et le plus triste, c'est que personne n'ose ensuite aller voir, pour comprendre comment peut-être ça s'est passé, et imaginer tout ça.
Professeur K. : Vous imaginez bien.
Sujet 412#-52H : Parce que moi je suis allé coller mon visage à dix centimètres du cadavre d'un hérisson écrasé sur la route. Généralement je leur donne des noms...
Professeur K. : Celui là en possédait-il un ?
Sujet 412#-52H : Je crois que sur le moment, il en avait un, mais je ne m'en souviens plus. Les pilules rouges...
Quelle est votre histoire préférée du Concours
lundi 9 avril 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
C'est triste aussi un lapin écrasé... avec sa petite fourrure et ses yeux tout vivants qui regardent les phares...
Enregistrer un commentaire