Interrogatoire 19-[/trex] huitième session du sujet 412#-52H [UNIQUEMENT LA PREMIERE PARTIE] – rapporté le 27 décembre 1988 à 4h38 – professeur K.
Professeur K. : Vous allez regarder attentivement le feuillet que je vais vous présenter et me dire aussitôt ce à quoi les images qui y sont imprimées vous font penser.
Sujet 412#-52H : Vous… Avez tous…
Professeur K. : Regardez, vous avez 35 secondes.
Sujet 412#-52H : Oh oh ! Il n’y a pas de relief.
Professeur K. : Temps écoulé. Que pensez-vous en cet instant ?
Sujet 412#-52H : Inanition, abnégations… Chaque jour je croise et recroise sans cesse mes pensées aux vôtres. A ce temps moderne je dis en face les dures lois de mon incompréhension, elle flambe doucement au monde qui accepte et souffre en souriant. Vautrés, tous vautrés, voilà ce qui émane de ce dessin sans relief. Tous vautrés dans leur acceptation stupide, sordide, cupide, fétide, avide, perfide et… fade ! On rit au soleil de la vie, quand les autres font de même, noyés dans les rayons chaleureux de l’hypocrisie. Et quand la nuit vient en compagnie de la solitude, on pleure à chaudes larmes de notre ignorance, on se satisfait de nos souffrances et on met tout sur le dos de la définition universelle de la vie, clamant qu’elle est pourrie. Mais non… Il y a une chose. Une chose important ! Attendez… Oui ! La vie est belle quand on sait dire fuck off.
Professeur K. : Intéressant. En fin de compte, ce que vous appelez le temps moderne, et ce que vous définissez par le terme « on », c’est… Votre vision d’une société déclinante en perpétuelle souffrance et qui plutôt que de réagir se conforte dans sa misère de manière hypocrite plutôt que de rechercher le bonheur ?
Sujet 412#-52H : Marchant dans les rues et regardant toute cette merde, je suis rempli de haine, ne me fais pas chier. Marchant dans les rues et regardant toute cette merde, ouvre tes yeux et putain regarde ! Nous avons la tribu contre la société, nous devons nous battre contre le réel ennemi…
Professeur K. : J’en conclue que mes hypothèses sont fondées. Bien maintenant, j’aimerais que nous exploitions un petit peu toutes ces idées. D’où tirez-vous toutes ces conclusions, de quels motifs du dessin émane votre vision de la vie actuelle ?
Sujet 412#-52H : Ma tête me fait mal.
Professeur K. : C’est théoriquement normal, nous avons été forcé de vous donner vos médicaments tout à l’heure.
Sujet 412#-52H : Mes médicaments ?
Professeur K. : Oui, pour votre santé.
Sujet 412#-52H : J’suis pas malade. J’ai mal, plus qu’avant les médicaments !
Professeur K. : Allons Sujet 412#-52H cessez de vous égarer dans des considérations absurdes, tout ici est fait pour votre bien, c’est dans votre tête. Répondez moi plutôt.
Sujet 412#-52H : Non ! Je ne me rappelle plus l’image, je la veux monsieur.
Professeur K. : Bien… Voilà, regardez la à nouveau. D’où à votre avis vous sont venues vos récentes élucubrations ?
Sujet 412#-52H : Là ! La tâche, du… Rouge ! Du Sang… Aaaah du sang non ! Noon, non monsieur ! Plus votre bouche affreuse ! Plus votre blouse blanche et vos fils électriques… Son sourire dans la mort, et son sang.
Professeur K. : Calmez-vous Sujet 412#-52H, où je me verrais contraint de vous donner une sanction, vous le savez.
Sujet 412#-52H : Ah non monsieur, non ! Pas la sanction, plus les coups je vous en supplie…
Professeur K. : Nous verrons, concentrez vous sur cette tâche rouge. De quel sourire parlez-vous ?
Sujet 412#-52H : C’est… C’est…
Professeur K. : Et bien oui, répondez !
Sujet 412#-52H : La femme dans le rêve ! Oui, le rêve qui fait peur.
Professeur K. : Ah… Bien, vous avez à nouveau fais ce cauchemar ?
Sujet 412#-52H : Oh oui ! C’était un cauchemar, un cauchemar ! Oui, je m’en rappelle, cette nuit.
Professeur K. : Bien, racontez moi ce… rêve, ou cauchemar, comme vous voulez.
Sujet 412#-52H : Oh il faisait peur, ça c’est certain. Encore plus que l’autre fois mais…
Professeur K. : Quoi ?
Sujet 412#-52H : Monsieur je ne me souviens plus très bien de l’autre fois. Je…
Professeur K. : Allons ce n’est pas l’important, vous ne vous souveniez déjà pas exactement. Limitez vous à ce que vous avez rêvé cette nuit.
Sujet 412#-52H : Oui.
Professeur K. : Allez-y…
Sujet 412#-52H : Oui monsieur. Je… La société…
Professeur K. : N’oubliez pas que les sanctions peuvent tomber.
Sujet 412#-52H : Oh non ! S’il vous plaît monsieur non ! Je… Je vais vous raconter le rêve, oui ! Si vous voulez oui, je le raconte ! Tout de suite monsieur.
Professeur K. : Je vous écoute.
Sujet 412#-52H : Oui monsieur tout de suite. Ce… Aaah ouuuh… Ca se passait dans une ferme. C’est là que cela commença, là que cela finit. Le soleil brûlait la plaine de rayons mordants, de ceux qui vous frappent la peau déjà rouge de chaleur. De rares cailloux, quelques herbes, éparses. De grands arbres jaunes de sécheresse qui s’envolaient vers les cieux au milieu du vide ocre de poussière. L’impression paraissait magnifique, assurément, goûter à la vie ne serait-ce qu’un instant dans ces lieux paisibles transporte loin des aléas de notre réalité, plongeant dans un monde ampli de rêves à l’ambiance teintée d’or, et attirant à ses mille secrets les plus retors des cœurs endurcis par l’existence. Il y avait, au niveau de tout cela, la chétive maison. Faite d’associations de nombreux matériaux, elle semblait très solide et bâtie sur de grosses fondations. Je… C’est vraiment là que le rêve a commencé. Il… Très peu d’autres habitations autour en fait, juste une route cabossée qui courait vers l’horizon, accompagné d’une grande ligne de poteaux électriques qui s’arrêtaient à la maison. Au loin on apercevait les autres bicoques du village. Il n’y avait aucun bruit car il faisait chaud, et c’est alors qu’au milieu de la plaine surchauffée apparue une femme accompagnée d’une enfant de cinq ou six ans. Elles marchaient tranquillement en face d’elles, sur la route. La femme semblait assez jeune, jolie avec une longue tignasse de cheveux d’un noir de jais, elle portait un sac de voyages. Quand à la petite, deux couettes symétriques partaient de ses oreilles et flottaient dans l’air au fur et à mesure de ses enjambées minuscules. C’était comme si l’instant était arrêté, pourtant elles se déplaçaient et je les suivais avec une certaine omniscience. Très étrange. Rien ne se produisait, à part le paysage monotone qui défilait toujours dans un style identique. Finalement, la femme s’arrêta quand elles arrivèrent à un embranchement, elles venaient de croiser une autre route, perpendiculaire à la première. Alors un vieil autocar surgit dans l’horizon, souffle chaleureux de la vie qu’il apportait dans ces landes désertiques. En quelques instants qui me parurent être une demi seconde, le véhicule s’arrêtait à la hauteur des deux personnages. Elles s’échangèrent un regard, aucune parole, enfin… Leurs lèvres tremblotaient d’un amour filial qui dégoulinait dans les larmes de la jeune femme. Je ne sais pourquoi, sans entendre, je savais de quoi elles parlaient. Avec les troubles récents dans le pays, la jeune femme envoyait sa petite fille en vacances chez des amis de l’autre côté du territoire, pour quelques semaines. Elles s’embrassèrent pendant un temps infini, puis la femme laissa son enfant gravir les marches du car, qui roula bringuebalant vers l’infini…
Professeur K. : Mais… Ce n’est pas le même rêve que l’autre fois.
Sujet 412#-52H : C’est que…
Professeur K. : Il y a une suite ?
Sujet 412#-52H : Exactement.
1 commentaire:
la suite! la suite!
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