Quelle est votre histoire préférée du Concours

vendredi 20 avril 2007

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Interrogatoire 19-[/trex] huitième session du sujet 412#-52H [UNIQUEMENT LA PREMIERE PARTIE] – rapporté le 27 décembre 1988 à 4h38 – professeur K.


Professeur K. : Vous allez regarder attentivement le feuillet que je vais vous présenter et me dire aussitôt ce à quoi les images qui y sont imprimées vous font penser.
Sujet 412#-52H : Vous… Avez tous…
Professeur K. : Regardez, vous avez 35 secondes.
Sujet 412#-52H : Oh oh ! Il n’y a pas de relief.
Professeur K. : Temps écoulé. Que pensez-vous en cet instant ?
Sujet 412#-52H : Inanition, abnégations… Chaque jour je croise et recroise sans cesse mes pensées aux vôtres. A ce temps moderne je dis en face les dures lois de mon incompréhension, elle flambe doucement au monde qui accepte et souffre en souriant. Vautrés, tous vautrés, voilà ce qui émane de ce dessin sans relief. Tous vautrés dans leur acceptation stupide, sordide, cupide, fétide, avide, perfide et… fade ! On rit au soleil de la vie, quand les autres font de même, noyés dans les rayons chaleureux de l’hypocrisie. Et quand la nuit vient en compagnie de la solitude, on pleure à chaudes larmes de notre ignorance, on se satisfait de nos souffrances et on met tout sur le dos de la définition universelle de la vie, clamant qu’elle est pourrie. Mais non… Il y a une chose. Une chose important ! Attendez… Oui ! La vie est belle quand on sait dire fuck off.
Professeur K. : Intéressant. En fin de compte, ce que vous appelez le temps moderne, et ce que vous définissez par le terme « on », c’est… Votre vision d’une société déclinante en perpétuelle souffrance et qui plutôt que de réagir se conforte dans sa misère de manière hypocrite plutôt que de rechercher le bonheur ?
Sujet 412#-52H : Marchant dans les rues et regardant toute cette merde, je suis rempli de haine, ne me fais pas chier. Marchant dans les rues et regardant toute cette merde, ouvre tes yeux et putain regarde ! Nous avons la tribu contre la société, nous devons nous battre contre le réel ennemi…
Professeur K. : J’en conclue que mes hypothèses sont fondées. Bien maintenant, j’aimerais que nous exploitions un petit peu toutes ces idées. D’où tirez-vous toutes ces conclusions, de quels motifs du dessin émane votre vision de la vie actuelle ?
Sujet 412#-52H : Ma tête me fait mal.
Professeur K. : C’est théoriquement normal, nous avons été forcé de vous donner vos médicaments tout à l’heure.
Sujet 412#-52H : Mes médicaments ?
Professeur K. : Oui, pour votre santé.
Sujet 412#-52H : J’suis pas malade. J’ai mal, plus qu’avant les médicaments !
Professeur K. : Allons Sujet 412#-52H cessez de vous égarer dans des considérations absurdes, tout ici est fait pour votre bien, c’est dans votre tête. Répondez moi plutôt.
Sujet 412#-52H : Non ! Je ne me rappelle plus l’image, je la veux monsieur.
Professeur K. : Bien… Voilà, regardez la à nouveau. D’où à votre avis vous sont venues vos récentes élucubrations ?
Sujet 412#-52H : Là ! La tâche, du… Rouge ! Du Sang… Aaaah du sang non ! Noon, non monsieur ! Plus votre bouche affreuse ! Plus votre blouse blanche et vos fils électriques… Son sourire dans la mort, et son sang.
Professeur K. : Calmez-vous Sujet 412#-52H, où je me verrais contraint de vous donner une sanction, vous le savez.
Sujet 412#-52H : Ah non monsieur, non ! Pas la sanction, plus les coups je vous en supplie…
Professeur K. : Nous verrons, concentrez vous sur cette tâche rouge. De quel sourire parlez-vous ?
Sujet 412#-52H : C’est… C’est…
Professeur K. : Et bien oui, répondez !
Sujet 412#-52H : La femme dans le rêve ! Oui, le rêve qui fait peur.
Professeur K. : Ah… Bien, vous avez à nouveau fais ce cauchemar ?
Sujet 412#-52H : Oh oui ! C’était un cauchemar, un cauchemar ! Oui, je m’en rappelle, cette nuit.
Professeur K. : Bien, racontez moi ce… rêve, ou cauchemar, comme vous voulez.
Sujet 412#-52H : Oh il faisait peur, ça c’est certain. Encore plus que l’autre fois mais…
Professeur K. : Quoi ?
Sujet 412#-52H : Monsieur je ne me souviens plus très bien de l’autre fois. Je…
Professeur K. : Allons ce n’est pas l’important, vous ne vous souveniez déjà pas exactement. Limitez vous à ce que vous avez rêvé cette nuit.
Sujet 412#-52H : Oui.
Professeur K. : Allez-y…
Sujet 412#-52H : Oui monsieur. Je… La société…
Professeur K. : N’oubliez pas que les sanctions peuvent tomber.
Sujet 412#-52H : Oh non ! S’il vous plaît monsieur non ! Je… Je vais vous raconter le rêve, oui ! Si vous voulez oui, je le raconte ! Tout de suite monsieur.
Professeur K. : Je vous écoute.
Sujet 412#-52H : Oui monsieur tout de suite. Ce… Aaah ouuuh… Ca se passait dans une ferme. C’est là que cela commença, là que cela finit. Le soleil brûlait la plaine de rayons mordants, de ceux qui vous frappent la peau déjà rouge de chaleur. De rares cailloux, quelques herbes, éparses. De grands arbres jaunes de sécheresse qui s’envolaient vers les cieux au milieu du vide ocre de poussière. L’impression paraissait magnifique, assurément, goûter à la vie ne serait-ce qu’un instant dans ces lieux paisibles transporte loin des aléas de notre réalité, plongeant dans un monde ampli de rêves à l’ambiance teintée d’or, et attirant à ses mille secrets les plus retors des cœurs endurcis par l’existence. Il y avait, au niveau de tout cela, la chétive maison. Faite d’associations de nombreux matériaux, elle semblait très solide et bâtie sur de grosses fondations. Je… C’est vraiment là que le rêve a commencé. Il… Très peu d’autres habitations autour en fait, juste une route cabossée qui courait vers l’horizon, accompagné d’une grande ligne de poteaux électriques qui s’arrêtaient à la maison. Au loin on apercevait les autres bicoques du village. Il n’y avait aucun bruit car il faisait chaud, et c’est alors qu’au milieu de la plaine surchauffée apparue une femme accompagnée d’une enfant de cinq ou six ans. Elles marchaient tranquillement en face d’elles, sur la route. La femme semblait assez jeune, jolie avec une longue tignasse de cheveux d’un noir de jais, elle portait un sac de voyages. Quand à la petite, deux couettes symétriques partaient de ses oreilles et flottaient dans l’air au fur et à mesure de ses enjambées minuscules. C’était comme si l’instant était arrêté, pourtant elles se déplaçaient et je les suivais avec une certaine omniscience. Très étrange. Rien ne se produisait, à part le paysage monotone qui défilait toujours dans un style identique. Finalement, la femme s’arrêta quand elles arrivèrent à un embranchement, elles venaient de croiser une autre route, perpendiculaire à la première. Alors un vieil autocar surgit dans l’horizon, souffle chaleureux de la vie qu’il apportait dans ces landes désertiques. En quelques instants qui me parurent être une demi seconde, le véhicule s’arrêtait à la hauteur des deux personnages. Elles s’échangèrent un regard, aucune parole, enfin… Leurs lèvres tremblotaient d’un amour filial qui dégoulinait dans les larmes de la jeune femme. Je ne sais pourquoi, sans entendre, je savais de quoi elles parlaient. Avec les troubles récents dans le pays, la jeune femme envoyait sa petite fille en vacances chez des amis de l’autre côté du territoire, pour quelques semaines. Elles s’embrassèrent pendant un temps infini, puis la femme laissa son enfant gravir les marches du car, qui roula bringuebalant vers l’infini…
Professeur K. : Mais… Ce n’est pas le même rêve que l’autre fois.
Sujet 412#-52H : C’est que…
Professeur K. : Il y a une suite ?
Sujet 412#-52H : Exactement.

mercredi 11 avril 2007

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Interrogatoire 783-H, bilan psychologique n°1 du sujet 412#-52H, supervisé par le professeur K et l’officier médical Staffenbaum – rapporté le 25 décembre 1988 à 14h17.

Professeur K. : Le 25 décembre 1988, à 14h21, et en compagnie de l’officier médical Staffenbaum affecté spécialement à ce service, bilan psychologique n°1 du sujet 412#-52H, nous pouvons commencer.
O.M. Staffenbaum : Bien. Sujet 412#-52H donc. M’entendez-vous ?
Sujet 412#-52H : … [grognements]
Professeur K. : Il est encore sous l’emprise du traitement, théoriquement il ne peut s’exprimer convenablement.
O.M. Staffenbaum : A quand remonte le dernier traitement ?
Professeur K. : Il y a deux heures environ. Les effets des médicaments s’estomperont dans une dizaine d’heures.
O.M. Staffenbaum : Quel traitement ?
Professeur K. : HP5Z*. Ainsi que des ajouts de doses d’extéllium et des drogues mélangées spécialement au laboratoire.
O.M. Staffenbaum : Poids ? Age ?
Professeur K. : Vous n’avez pas consulté le dossier ?
O.M. Staffenbaum : Pas cette page non… Mais je vous prierai de m’éviter cette formalité. Votre homme est une loque écervelée pour de nombreuses heures avec ce qu’il a subit et tout de qu’il a dans le sang. J’estime donc que nous pouvons nous exprimer sans risques.
Professeur K. : Oui… Il a 47 ans et pèse 94 kg.
O.M. Staffenbaum : Bien, il doit souffrir atrocement avec ce genre de traitement.
Professeur K. : Oui, je ne conseille à personne d’être dans sa tête en ces instants. Autant psychologiquement que physiquement, la douleur est intense, et… Et à son paroxysme pendant toute la durée des effets du traitement. Heureusement les somnifères le calment, et à défaut d’atténuer la souffrance, ils évitent des… des plaintes et…
O.M. Staffenbaum : …et d’horribles cris. Bien…
Sujet 412#-52H : Des reliefs… La tapisserie en relief. Comme jaune, comme beige, mais seulement au départ. Autour, le relief en blanc, on dirait presque des nuages. On s’y jetterait, oh oui on tomberait bien, mais non. Le relief enferme, entre quatre murs on reste là coincé, tout est fermé. Pas d’espoir, pas de peur…
O.M. Staffenbaum : Son organisme tient le traitement ?
Professeur K. : Difficile à dire, oui et non. Il me semble que…
Sujet 412#-52H : Hmmm… Relief, rose…
Professeur K. : Je… Tout porte à croire que son organisme supporte le traitement. Physiquement, il tient le coup. Mais… J’ai l’impression qu’il lutte constamment pour résister aux effets et rester conscient, pour palier au traitement afin de garder en mémoire des souvenirs, ou en tout cas ne pas sombrer dans l’abrutissement total.
O.M. Staffenbaum : Le rêve ?
Professeur K. : Entre autres. Disons que pour certains éléments c’est normal, tout ne peut être effacé, et surtout dans la folie, si on peut dire.
O.M. Staffenbaum : Augmentez le traitement.
Professeur K. : Il est très fort, il tient bon malgré le combat perpétuel qu’il livre aux drogues, mais justement cela l’épuise. Et je crains que…
O.M. Staffenbaum : Oui ?
Professeur K. : Si on passe à un traitement spécial supérieur, je ne lui donne pas deux semaines.
O.M. Staffenbaum : Nous verrons… Augmentez le traitement vous dis-je. Accumulez aussi les sanctions pour écarts de comportement. Faites en tomber n’importe quand, sans raisons. N’hésitez pas à faire une pression psychologique plus forte aussi. S’il le faut réveillez-le toutes les nuits à trois heures du matin. Augmentez surtout les électrochocs lors des traitements. Il faut rectifier ce défaut de notre sujet au plus vite. Si jamais il lâche, nous verrons.
Professeur K. : Bien, je commence dès ce soir.
O.M. Staffenbaum : Quant à ce cauchemar dont il vous parlait lors de l’interrogatoire 039-D, j’imagine qu’il n’en a pas refait allusion ?
Professeur K. : Non, c’était déjà très flou lorsqu’il me l’a raconté. Je pense que ce ne sont que des idées très vagues dans sa tête…
O.M. Staffenbaum : Plausible, après le choc. Si jamais cela se reproduit, prévenez moi.
Sujet 412#-52H : Vous avez tous…
Professeur K. : Il ne sait même pas que nous somme là.
O.M. Staffenbaum : Ses pensées s’enflamment, son cerveau se consume, et il le sent sans ne rien contrôler, ni ne rien comprendre… C’est magnifique l’homme qui souffre, lorsque nous atteignons la plus belle exactitude qui soit dans les limites entre la vie et la mort. Bientôt nous saurons enfin si l’organisme peut vivre l’âme ballottée, percée, puis tuée… Toutes les expériences progressent. Aucun dialogue ne semble envisageable aujourd’hui, nous pouvons clore cette session. Appliquez ce que je vous ai dit, et nous en verrons les résultats ensemble lors du prochain bilan psychologique.
Sujet 412#-52H : …des têtes de… Vous…

lundi 9 avril 2007

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Interrogatoire 027-Z extraits de session du sujet 412#-52H -- raporté le 29 décembre 1988 de la salle de traitement psychologique à 02h01 -- Professeur K.

Professeur K. : Sujet 412#-52H, vous êtes maintenant en salle de traitement psychologique car vous avez présenté des troubles de comportement tout à l'heure. Etes-vous calmé ?
Sujet 412#-52H : Oui monsieur.
Professeur K. : Depuis quand vous estimez-vous calmé ?
Sujet 412#-52H : Depuis pilules rouges, monsieur. Depuis qu’on me les a donné.
Professeur K. : Bien. Comment vous sentez-vous ?
Sujet 412#-52H : Je... Je ne sais pas monsieur.
Professeur K. : A quoi pensez-vous en cet instant ?
Sujet 412#-52H : Est-ce que ma maman va venir me chercher ?
Professeur K. : Mais enfin sujet 412#-52H, de qui parlez-vous ? Vous vous rappelez que vous n’avez pas de parents, pas de vie ? Vous le savez n’est-ce pas ?
Sujet 412#-52H : Ah… Bon… Oui, c'est vrai. Les pilules rouges l'ont dit.
Professeur K. : A quoi pensez-vous, maintenant, en cet instant ? Comment vous sentez-vous ?
Sujet 412#-52H : Comme l'hérisson, lorsqu'il voit le portail lui arriver dessus, au moment même où il se dit qu'il ne pourra pas se retirer. Alors il a juste le temps de penser qu'il en a marre, même pas le temps de penser à sa routine quotidienne, juste le temps de se dire "merde, non, ne pars pas ma vie.".
Professeur K. : Hmmm... Et ?
Sujet 412#-52H : Et splatch.
Professeur K. : D'accord...
Sujet 412#-52H : Le pire, c'est qu'il voit le portail arriver. Alors que si c'est une voiture qui lui arrive dessus, il sent les vibrations qui lui parcourent son petit ventre chaud, il se recroqueville en se demandant si une roue va le tuer ou non. Mais il estime que ça ira, après tout la dernière fois il n'a rien eu. Et là encore, splatch.
Professeur K. : Continuez...
Sujet 412#-52H : C'est après qu'on distingue sa petite patte lancée vers l'avant, broyée dans le bitume, comme s'il avait essayé de se retenir, pour ne pas se faire emporter et étaler. On voit cette petite patte grisâtre complètement déchiquetée devant le corps éventré, juste derrière. Et alors on se dit qu'il a peut-être senti la mort, que peut-être il a essayé quelque chose en se disant "non s'il vous plaît je ne veux pas"...
Professeur K. : Et ?
Sujet 412#-52H : Et finalement il est toujours là, sur la route, mort, et tout le monde l'évite en se disant qu'il est dégueulasse à reposer là, qu'il vaut pas la peine d'être regarder, au contraire, qu'il retourne le ventre, qu'il fait peur. Pourtant lui, il n'y est pour rien, il est même plus là... Juste à espérer qu'il ne voit jamais comment on traite son corps, comme si c'était une merde pesteuse qu'il ne faut pas approcher. Pourtant, c'est le même qu'avant.
Professeur K. : C'est assez triste, somme toute.
Sujet 412#-52H : Pourtant, c'est le même... Avec le même air mignon quand il dort, Les mêmes poils doux, sous le ventre, mais tout au dehors... Mort contre son gré.
Professeur K. : Hmmm...
Sujet 412#-52H : C'est triste un animal mort je trouve, surtout dans ce genre de conditions.
Professeur K. : Oui, c'est possible.
Sujet 412#-52H : Oui et le plus triste, c'est que personne n'ose ensuite aller voir, pour comprendre comment peut-être ça s'est passé, et imaginer tout ça.
Professeur K. : Vous imaginez bien.
Sujet 412#-52H : Parce que moi je suis allé coller mon visage à dix centimètres du cadavre d'un hérisson écrasé sur la route. Généralement je leur donne des noms...
Professeur K. : Celui là en possédait-il un ?
Sujet 412#-52H : Je crois que sur le moment, il en avait un, mais je ne m'en souviens plus. Les pilules rouges...