Quelle est votre histoire préférée du Concours

mardi 18 décembre 2007

Torture de Noël

Elle le sors de la chambre froide et le jette sans ménagement. Il atterrit violemment sur une planche en bois qui ne semblait attendre que lui.

Elle s’empare de l’eau chaude qui attendait là, fumante, sur la droite. Et elle verse, lentement, afin qu’il puisse apprécier le liquide brûlant qui lui coule dessus. Le choc chaud-froid blanchi sa peau qui s’étire et se détend comme un élastique.

Elle saisi un couteau et défait les liens qui sciaient les bras de ce pauvre petit homme. Peut être songe-t-il alors à prendre la poudre d’escampette ? Qu’importe ! Il est loin d’être en état de s’enfuir. Voilà qu’elle lui écartèle les membres. Elle est folle ou quoi ? Raaah, mais c’est quoi ce truc qu’elle badigeonne sur sa peau ? C’est gras, étouffant. De l’huile par dessus… maigre consolation, cela apaise quelque peu ses brûlures. Un coup de couteau dans la chair, un autre… et c’est avec un malin plaisir qu’elle met ce produit gras dans ses plaies.

Quand cela va-t-il s’arrêter ? Il est presque à bout. Il a froid.

Voilà qu’elle met des gants, ouvre une petite porte et le met à l’intérieur. Tiens, il fait chaud se dit-il. Ouhlala… presque trop chaud… Sa peau commence à roussir. Il succombe.

Finalement, avec des frites ça passe plutôt bien un poulet fermier.

jeudi 13 décembre 2007

" Mais euh... On te l'enlève quand ? - Jamais, j'crèverais avant, connard... "

Je marchais d'un pas faussement décidé dans cette rue qui déjà dans l'air frais du soir s'endormait. Les voitures toujours coulaient en un flot incessant sur l'asphalte froid. Les esprits étaient ailleurs, fixés sur la route, et le domicile qui les attendaient, le repas, les occupations, toutes ces petites choses auxquelles on pense normalement quand la palpitation de notre vie s'éteint, nous prostrant à la solitude. Les esprits étaient ailleurs, ou plutôt non, il n'y avait plus d'esprit dans la rue froide, tous bien loin de ce trottoir que plus personne ne regardait.
Et moi, seul esprit survivant dans cet enfer hivernal, j'errais gauchement, brillant de la chaleur infernale de ma désillusion, les mains enfoncées jusqu'au fond de mes poches, la droite sur le portable, la gauche sur une chaîne. Les yeux affaissés vers le goudron mat que mes pied raclaient péniblement, j'observais les volutes qui s'échappaient de ma bouche infestée des morsures du froid. Mon esprit à moi se jetait violemment d'un côté à l'autre de ma tête, s'écorchant aux aspérités de ma boîte crânienne, à se demander quel paquet de merdes, quel enculure de castor ou quelle petite erreur commise certainement de mon propre chef m'avait amener là ce soir, alors que mon esprit aurait tant voulu se pavanner ailleurs. Dans un autre endroit, comme les autres, dans un autre corps... Ma tête tanguait un peu plus fort quand le fil de ma pensée s'attardait sur la journée de merde qui précédait ces fatidiques minutes du paroxysme d'une douzaine d'heures regrettables. La routine, encore. Le froid, encore. Cette douleur indicible qui jamais ne partait du creux du ventre, encore. Cette inlassable impression de perdre son temps, de rater des gens, des choses, des amis, encore. Cette nostalgie qui dégoulinait de chaque recoin du lycée sur lequel je posais un regard, encore. Il est intéressant de noter combien ce mal-être constant tire de sa monotonie l'originalité d'être toujours plus fort, plus profond.
La route se déroulait sous mes pas, tout près des magasins qui s'apprêtaient à fermer. Morne. Comme dernier espoir, cri plutôt que lueur, le refrain envoutant de Some People m'arrachait les tympans autant que les tripes, poussant les larmes vers ces yeux secs et désintéressés, aux sons stridant des débuts Deftoniens. Peut-être tout à l'heure tomberaient-elles...
Enfin, ma course erratique dans la nuit tombante et le froid mordant qui me brûlait depuis l'arrêt de bus m'amena jusqu'au but tant redouté de cette incartade à ma petite vie paisible. En retrait d'un parking à demi-éclairé par des réverbères qui me semblaient d'une blafarde lumière, une porte de verre entre ouverte laissait voir un sombre escalier carrelé qui montait dans l'ombre. Mon pied gauche, plus courageux que le droit, s'élança, l'autre fut bien forcé de le suivre et l'emboîta. Je montais, m'embrumais, arrivais enfin au sommet, faisais face à la porte, sonnais puis entrais.
Personne ? Et bien non, quelqu'un. Quelques-uns même.
Comme il semble amer de rencontrer quelqu'un quand la tristesse tire notre coeur vers la solitude, quand nous voudrions cacher ce mal qui nous ronge, mais qu'alors la société nous pousse dans nos retranchements et attise notre haine contre cette fraîcheur et ce soulagement que procure l'Humanité.
Une mère, dans la quarantaine. Le stéréotype des mères à la con de classe sociale moyenne relativement aisée quand même, avec ses fringues moches faites pour la quarantaine, celles qu'on leur dit qu'elles font plus jeunes, moins grosses, plus tendance. Et puis un sac à main, bien sûr. Bien gros, bien rempli. En cuir, tout le monde s'en fout de savoir si c'est du vrai, à part peut-être la propriétaire. Moi en tout cas, je m'en foutais. Je la regardais, debout face à la rangée de chaises de la salle d'attente, concentrant dans mes yeux toute l'arrogance et tout l'insolence que je renfermais au plus profond de moi. J'essayais de donner un semblant de contenance au tas de merde que je formais sur le carrelage, arrosant toute la pièce blanchâtre d'une haine adolescentesque sans fondement envers la société, la hiérarchie, l'adulte. La capuche relevée sur la moitié du visage, le pantalon trop large qui tombait sous les chaussures, la démarche traînante à l'excès, les bracelets protubérants qui cliquetaient de toute part, la bouche déformée en une expression démente, et enfin le riff abrasif des Deftones qui me déchirait toujours les oreilles d'une sombre puissance, inondant la pièce de bruits saturés qui s'échappaient de mes écouteurs, tout en moi concourrait à créer ce sentiment si délectable, la provoque. En cet instant, je considérais face à moi le symbole du stoïsme rigoureux et du sérieux bien comme il faut d'une société d'adulte détestable, visant à l'altérer, l'écorcher, la révulser de mon attitude. M'aggripant sans me l'avouer à ce sentiment de haine qu'a la jeunesse, me dissimulant sous l'étiquette des incompris d'un monde vieillissant, je m'appliquais avec soin à l'emmerder, glissé dans la peau de cet adolescent dégoulinant de mal-être. Peut-être qu'elle n'y prêtait pas attention, comme moi vis-à-vis de son sac à main. J'espérais tout au moins qu'elle ne m'aimait pas, qu'elle me jugeait. L'idée m'aurait soulagé, m'inscrivant dans une sorte de causalité universelle où ma tristesse ne dépendait pas de moi...
A côté d'elle, une fille. Sa fille. Une dizaine d'années, la mine décousue. Elle portait de ses dix petits doigts cette trousse bleue transparente que je haissais tant, qui me projettait dans un autre temps, de l'avoir eu, moi, à un âge où on n'en donnait plus, putain. Physiquement comme sa mère, en plus petit. Peut-être un peu plus à la mode aussi. Elle avait déjà des Converse coloriées au bout d'un affreux slim qu'un rat ne remplirait pas. Son petit frère de trois ans murmurait les si belles inepties de cet âge innocent, renversant encore et encore les jouets à moitié cassés dans un vacarme épouvantable. Dehors, la nuit toujours.
La porte du cabinet, en face de l'entrée, s'ouvrit à la volée à l'instant où je m'affalais sur une chaise en plastique. La secrétaire en blouse blanche de ce bon monsieur Carbonnelle se rua derrière son comptoir, tandis que de derrière la porte, le dentiste, à demi courbé sur une jeune patiente qui vivait l'enfer, me lança : "J'arrive Clément hein, un petit instant."
La porte se refermait. Va crever.
Enfin, mon tour vînt, je laissais derrière moi l'objet de ma haine inconsidérée et pénétrait dans l'arène.
"Alors Clément, ça va bien ?
- Hmmm."
Je lâchais pêle-mêle mon sac de cours, mon lecteur CD et mon manteau devant son bureau bien ordonné, et considérait cet homme qui me parraissait d'un seul coup si hyppocrite.
"D'accord, bon et bien on y va alors ! Qu'est-ce qu'on devait faire aujourd'hui Clément ? lâche-t-il conventionnellement en roulant jusqu'à son ordinateur.
Me barrer. Long silence. Qu'il aille se faire foutre, je ne répondrais pas.
"Ah oui, on pose les bagues en bas, c'est vrai. Installe toi.
- Hmm.
- Tu me prépares ça ? dit-il, s'adressant à la secrétaire."
Comme il a dit, je m'allonge en soupirant. Au dessus de moi, le quadrillage lumineux de l'éclairage me fait presque fermer les yeux. Nouveau roulement de fauteuil. Je ne vois plus la lumière, à la place, sa grosse tête se penche sur ma cavité buccale. Des cheveux bien peignés, gominés on dirait. Des naseaux pointus qui reniflent légèrement, des lèvres fines, des yeux froids. Calme toi. Ses petits pores de la peau, ces minuscules imperfections sur lequel chaque client s'attarde une seconde me saute aux yeux, à quelques centimètres. Tandis que ces mains gantées de plastique fourragent dans ma bouche. Et que je t'envoie de ces phrases à la con : sers les dents. Ouvre la bouche. Aligne tes dents du fond. Oh, c'est très bien pour le brossage de dents.
" Bon Clément, on y va ?
- Hmmm."
Nan connard, va te faire foutre toi et toute la merde que tu t'apprêtes à me coller sur les dents. J'en ai rien à faire de tes phrases incipides, de tes conseils de merde ! Si je pouvais, j'en aurais de la putain de conversation, mais j'écorcherais chaque mot qui sortirait de ma bouche, j'arriverais même pas à dire tout ce que j'ai, là, pour toi. C'est peut-être pas ta faute si ça tombe sur toi, t'es rien de plus que les autres, tu mérites peut-être pas ça, mais j'y peux plus rien.
" Ouais, on y va.
- Ok, alors rouvre la bouche."
Il fouille, ses mains font l'aller-retour entre ma bouche et sa petite tablette, là où tout se prépare. Sa face blafarde remue toujours au dessus de mon nez. La frustration sourde qui sommeille en moi s'éveille en soubresauts difficiles, et imperceptiblement, je soupire. Desespéré. Comme condamné à mort.
Et alors je me rappelle. Cette belle après-midi de fin d'été, quand le soleil encore lançait généreusement ces rayons rassurants sur chaque parcelle de la terre, quand la chaleur nous incommodait presque. Je me revois descendant ses marches d'où je viens, que j'emprunterais tout à l'heure. Je me revois, suivant ma mère qui n'ose plus parler, et moi qui retient les larmes. Je me remémore cette sensation de déshumanisation, de perte de repères, l'impression de rajeunir comme on ne le voudrait pas, l'impression injurieuse de n'être plus crédible. Monsieur m'avait alors déjà mis un pied dans la tombe, avec son appareillage inutile, et j'en suffocais de tous les sentiments les plus négatifs que le coeur de l'homme peut porter. Maintenant, je finissais de creuser mon caveau, pour descendre un peu plus bas dans la tombe. Pour deux ans seulement. Ben tiens. Les deux seules années de ma vie que j'aurais voulu vivre plus que n'importe qu'elle autre. Trop tard.
On se croirait dans un film. J'entends dans ma tête raisonner un de ces refrains de ballade déprimante qu'on entend toutes les trois minutes dans les séries américaines, puisque Deftones n'est plus là. Here come's a regular emplit ma tête, et l'autre connard de merde toujours m'observe avec ces yeux de loutre. Putain... Méticuleux. Sûr. Con. Pour lui, ce n'est rien d'autre qu'un petit acte du quotidien. Il a l'air de penser que tout est facile, voire que je suis content. Surtout con, maintenant le temps... C'est trop tard de toute façon. Les pinces coupent, la colle se prépare, la secrétaire pose les petits objets en céramique. Tout est prêt ca y'est. Toujours les néons au dessus de moi me frustrent. On dirait qu'il y a tout juste assez de lumière pour donner envie de fermer les yeux.
Et c'est parti.
La petite pince, avec un point rose au bout. Les mains qui font l'aller-retour, et hop, l'ensemble disparaît dans ma bouche. Hmmm, comme c'est désagréable.
" Et de une ! Normalement ça doit très bien coller hein, ne t'inquiètes pas."
J'aurais pu lui scander un de mes "hmmm" favori, mais non, je peus même pas sortir un son. Déjà parce que j'ai la gueule grande ouverte, ensuite parce que je suis suffoqué à nouveau. Je me rappelle les escaliers qui redescendent, là où tout est fini, ça y'est. Enfin non. Tout le bien est fini, il ne reste que la joie de vivre avec cette petite chose qui conforte le trou de la sécu. Les petits points noirs de sa peau, les petites rougeurs, chaque petit pore d'où partira cette nuit un poil qu'il coupera demain au fil de son rasoir, tout. J'exècre tout en lui.
Un feu virulent ravage tout mon être, je n'en puis plus, à mesure que ces mains pourrissent interminablement la moitié de mon sourire, il faut que je crie, il faut que j'explose, il faut que tout s'arrête. Mon coeur bat à tout rompre, toujours ce visage affreux me fixe, et moi dans ses yeux je vois tous les visages qui me croisent. Je les vois rire, je les vois me contempler là, tout seul dans le noir de la honte. Moqueries, déceptions. Je dois crier, je dois exploser, je dois tout arrêter...
Je crie. J'explose. Tout s'arrête.
Enfin non.
Pas vraiment.
Je crie, horriblement. Je m'égosille, alors que ces doigts sont en moi. Mais avant même qu'il n'esquisse un retour, ma bouche se referme.
Sur ses doigts.
M. Carbonnelle peut réagir maintenant. Il hurle de douleur quand, sous la pression de ma mâchoire, ses deux doigts condamnés craquent dans un bruit. Le sang chaud inonde ma bouche et une flamme démente s'allume dans mes yeux. Quant à lui, quant à ses yeux, ils paniquent. S'agitent. Le pauvre homme transpire et se débat comme un goret, voulant échapper à son sort.
Mais non Monsieur Carbonnelle, le choix est fait. C'est trop tard maintenant...
Je relâche mon emprise sur les doigts ensanglantés, il les retire aussitôt mais, entraîné par son recul, tombe à la renverse.
Assez de temps pour que je me lève de l'échaffaud, et que je me précipite vers lui les crocs en avant. Alors, dans une rage indicible agitée des soubresauts déchaînés de la haine, je le lacère de coups, de griffures, de morsures... Dardant sur lui mes yeux, qui ne sont plus que deux fentes rougeoyantes, il me semble voir, imprimées sur sa face violacée, les marques distinctes de mes bagues.
Indicible délectation.
Toute ma douleur fond sur lui sans que je n'y puis rien contrôler. Mon sourire sanguin l'observe se trémousser au sol en spasmes monstrueux. Tel un psychopathe je ne le quitte plus, je le regarde froidement souffrir. Le sang gicle en jeysers sur le carrelage et les murs. On ne retrouvera que vos belles dents bien blanches quand j'en aurai fini, Monsieur Carbonnelle.
La secrétaire reste figée au bureau, les yeux ouvertes. On la croirait morte, elle n'ose pas même bouger un cil. Tant mieux, le tableau n'en est que plus beau.
J'en prends tout mon saoul, je me rince l'oeil encore et encore. Je ronge ces membres meurtris, j'ampute chaque orteil, chaque doigt, toujours dans des flots de sang et de pus, dans des craquements sonores glaçants. Qu'elles sont solides mes dents, avec votre appareil !
Enfin, je m'arrête. Ma rage retombe, l'horreur plane encore sur la pièce. Dehors, la nuit toujours.
Il se traine au sol, implorant. Des râles pleurnichards se fraient un chemin dans sa bouche déchiquetée. Le tas de chair qu'il représente glisse dans la mare rougeâtre dès qu'il tente un mouvement.
Alors, tranquillement, j'essuie mes mains sur mon sweat, rabas la capuche et me saisit de mes affaires, près de la secrétaire. Quand je la regarde elle crie un peu, puis se tait aussitôt.
Je lui souris. Aux commissures de mes lèvres luisent encore des gouttes de ce sang qui est partout. Le sang de mon patient. Ma langue se trémousse dans le liquide qui stagne entre mes dents.
Plus jamais...
Je sors.
Les escaliers, presque sans pensées. Puis le trottoir de nouveau. Personne, cette fois-ci. Le froid à nouveau envahit, la torpeur, la nuit, la vie, la routine. Et je marche, de nouveau. Toujours un pas devant l'autre, à me demander ce que je fais là.


RENDEZ-VOUS FIN JANVIER A SAINTE LUCE CHEZ MONSIEUR CARBONNELLE !

mardi 4 décembre 2007

Liste non-exhaustive

Se replonger dans un bouquin d'enfance, en reconnaître l'odeur et renouer avec cet enfant, retrouver ses impressions, son innocence;
les voyages en train;
ce début de mesure jouées par l'ensemble des cordes dans la Belle au bois dormant de Tchaïkovski;
l
a voix d'Ella;
t
rouver enfin LE mot, L'expression qui correspond parfaitement à ce bout de phrase en anglais après vous être trituré l'esprit pendant plusieurs jours;
l
es coïncidences toutes bêtes qui donnent l'impression d'être plus proche d'une personne que la secondes d'avant;
"Oh yes they fucking do";
le bruit de la fine couche de chocolat qui craque sous la dent lorsqu'on entame un Pim's à la noix de coco (ça marche aussi avec un Magnum);
c
ette délicieuse sensation lorsqu'on se rend compte pour la première fois qu'on est désiré, un mélange de surprise et de plaisir qui fait rougir;
s
e rendre compte grâce à un détail, un moment complètement anodin qu'on aime une personne;
observer le défilé de retrouvailles de la fontaine St Michel;
l
a musique de la conversation des British assis à côté de vous dans le métro;
l
a...grâce ? il n'y a pas de mot...d'Audrey Hepburn;
piquer un fou rire déclenché par un simple échange de regards avec une personne qui a pensé la même chose que vous au même moment;
ê
tre un peu pompette, juste comme il faut pour être désinhibé mais pas assez pour faire une déclaration d'amour à l'inconnu qui vient vous demander du feu;
p
orter le sweat d'un mec ;
rire aux éclats ou pleurer à chaudes larmes pendant toute la séance et ressortir en râlant parce que le film "était nuuuuuuuul !";
p
rendre un nouveau-né dans ses bras pour la première fois, le découvrir, le laisser s’habituer à votre odeur et sentir immédiatement une bouffée d’amour immense totalement incontrôlée et inattendue vous envahir : ouah, je suis tata ! ;
r
entrer chez soi après une longue balade dans le froid humide et boire un chocolat chaud emmitouflé dans une couverture;
r
egarder bien au chaud de sa fenêtre les gens se mettre à courir et les vélos accélérer pour se réfugier de la pluie lorsqu’une averse soudaine s’abat sur la ville;
h
abiter au rez-de-chaussée dans une ville encore inconnue et entendre ses habitants s’agiter, se presser, rire, discuter et cet homme qui siffle l’air de Kill Bill (avec un léger frisson dans le dos en se rappelant la scène du film);
boire un vin chaud et manger une crêpe chocolat-banane-noix de coco, sous la neige, au marché de Noël de Heidelberg;
déballer de son plastique un CD, ouvrir le lecteur et l’écouter en boucle pendant une semaine;
l
es milliers de frissons qui parcourent le corps à chaque seconde d'un concert;
d
écouvrir une ville en se perdant dans ses rues;
« What came first, the music or the misery?
People worry about kids playing with guns, or watching violent videos, that some sort of culture of violence will take them over. Nobody worries about kids listening to thousands, literally thousands of songs about heartbreak, rejection, pain, misery and loss. Did I listen to pop music because I was miserable? Or was I miserable because I listened to pop music? »*;
appuyer sur le bouton de l’appareil et avant même que l'image ne s'affiche sur le petit écran, savoir qu'on a réussi à saisir ce visage insaisissable à la fraction de seconde même où il était parfait...


And many more...

* High Fidelity, Nick Hornby


lundi 3 décembre 2007

premier jet

Bris de glace.

Sur l’étendue des eaux, une brume laiteuse se dissipe peu à peu. Pour seul phare le reflet des belvédères, autant de soleils enfouis sous la surface ondulante; pour seul esquif une frêle barque au bois vermoulu, seul sertissage digne du temps, qui, langoureusement, passe, s’étiole sous nos regards impuissants, s’effiloche entre nos doigts vieillissants. Les profondeurs insondables, nature obscurcie, obombrée par l’épanouissement de l’Homme, regorgeant de mystères inavouables, embaument d’une âcre amertume. Le long du serpent, vergeture grotesque tranchant l’urbanité en deux entités sécables, monstre bicéphale s’il en est, une verge impulse un mouvement lent, régulier, à une barque, comme un cœur moribond qui continue de battre, mais dont chaque battement semble s’arracher, à chaque fois davantage essoufflé, aux griffes acérées d’un vorace Kronos. Le père est mort. Aphrodite guette la chute de la semence originelle ; les Euménides et les Nymphes se débattent dans son sang.

Attentes.

Sous le pont au change, une grande figure encapuchonnée, recourbée sur elle-même, embryon ad mortem, passeur séculaire, venu reprendre ce qui lui avait échappé, chante l’hymne ad vitam (aeternam, faut-il qu’il m’en revienne, fuit à nos ébauches de définition).
Ce doux murmure envoûte. L’ébaudissement des animaux nocturnes s’affadit, disparaît, cédant à une macabre pression inarticulée, échappant aux sens, et pourtant bien présente dans les âmes encore éveillées. Frottement rauque de la barque qui accoste le quai, rive droite. Le spectre sort de sa besace un moineau, sans vie, le dépose en une pose marbrée.

Subitement, un souffle l’assaillit. Une dague le transperce. Le rideau de brumes, voile de Maya et sibyllines frontières du spirituel, s’effondre. La mort pâlit. Son vaisseau se désagrège, et, tel le parfum volatil s’envolant avec la première bise, disparaît. Le soleil gagne du terrain. Le moineau se dégourdit les ailes, sautille d’une joie à peine recouverte, se pâme devant la vie naissante ; il lui faudra la séduire une seconde fois- mais là est bien le tenant de la chose : une SECONDE fois. Car nous renaissons.

Crépitement du feu.

dimanche 2 décembre 2007

portrait d'un dimanche au crépuscule

Un dimanche pluvieux.
Le conflit harmonieux des éléments crée cette douce passivité dans l'âme humaine, que seule peut adoucir une tasse de thé fumant.
Mais...quelque chose détonne.
Quelque chose entrave le vibrant unisson de la nature.
Du haut du ciel, un murmure.
Du sol, rien.
D'où donc vient cette dissonance qui noircit ce tableau d'un doux après-midi de lassitude?
De la Seine, on entend déjà mieux.
De la rue des St-pères, le son se précise.
Approchons-nous de la rue du Pré-aux-Clercs.
Ah, qu'entends-je au numéro 16?
Grimpons subrepticement jusqu'au 6ème étage.
Ouvrons ce velux d'où jaillit une artificielle lumière et un cri, clair désormais:
PUTAIN DE BORDEL DE MERDE D'EXERCICES D'INTERPRETATION A LA CON! CHIER!

vendredi 23 novembre 2007

ça arrive

Madame, Monsieur

Suite à une opération de lavage de pantalon peu judicieuse, l’élément vital de ma rémunération a décidé, sans mon accord, de se faire oublier dans une des poches de ce même pantalon.


Bien mal lui en a pris car détérioré il en est sorti.

Il m’est donc impossible de rentrer l’E-Code incomplet sur mon compte en ligne (seules lettres lisibles : XCS PNN)

Cependant, à croire que la chance est de mon côté, le numéro du coupon lui est tout à fait lisible.

Votre très chère Elodie m’a donc, par téléphone, proposé de vous envoyer ce coupon et ce sous le bon conseil de votre service gestion.

Le voici donc ci-joint et, en espérant que son acte suicidaire ne me soit pas préjudiciable, je vous remercie de votre attention.

PS : comprenez que je préfère en sourire plutôt que de me lamenter.

lundi 19 novembre 2007

sur le sol

Aujourd’hui je me prends en main.

Cela fait plus de deux mois que je n’ai pas de travail, et bien que j’aie économisé les mois précédents, mes réserves commencent à s’épuiser.

Je n’ai jamais été vraiment sûr que s’installer à Paris serai une vraie bonne idée. Je ne sais même plus exactement ce qui a motivé ma décision sur le moment. Mais peu importe, j’ai maintenant cet appart’, mais il n’est pas gratuit. Ces factures s’accumulent et l’argent qui s’écoule…

Aujourd’hui je me prends en main.

J’ai tout prévu, j’ai mon CV sur une clé USB, je l’ai remis à jour et en plus j’ai mis une photo qui me ressemble. Je sais déjà où je vais le déposer, je vais même aller m’inscrire à l’ANPE. J’ai pris un rendez-vous la semaine dernière avec eux.

Il est 8h15, je sors de mon appart’, je descends les marches des cinq étages 4 à 4 tout en enfilant mon long manteau. J’ai l’air plus sérieux avec ce manteau, en tout cas c’est ce que disait mon ex copine, avant qu’elle ne me quitte le mois dernier… De toutes façons ça ne peut pas me faire de mal d’avoir quelques éléments de mon côté !

Premier rendez-vous, il me faut à peu près 15 min pour y aller, je devrais y être à temps !

Aujourd’hui je me prends en main !

Je traverse, je m’arrête. Je n’en crois pas mes yeux, j’ai souvent imaginé ce que je ferai dans ce genre de situations sans jamais avoir eu l’occasion de les vivre…elle est là étendue devant moi…je reste figé, l’homme de la voiture sort précipitamment et se penche vers le corps qui gît, là, devant moi.

Je suis pétrifié. Quelqu’un me demande d’appeler les secours, je n’ai plus de forfait sur mon portable, c’est tout ce que je trouve à répondre. J’enjambe le corps et avance, raide comme un piquet. J’avance, mais je ne sais plus trop vers où.

Un café sur ma gauche. J’y entre, je m’assois à une table disponible, je laisse tomber mon manteau à côté de moi. Je fixe ma table. Les clients tout autour de moi se sont agglutinés près des fenêtres pour contempler le triste spectacle.

Je commande un café. Noir. Serré.

vendredi 2 novembre 2007

Il s'enfuit

La rue s'étandait devant lui, pourtant il continuait à la parcourir en espérant arriver au bout un jour. L'obscurité l'empéchait de voir précisément où il mettait les pieds. Il devinait son chemin à mesure qu'il se dévoilait à ses pas.
La brume d'avant l'aube enbuait ses yeux. De temps à autres, la lumière d'un réverbère rappelait que ce quartier est habituellement plein de vie et d'histoires.
Il trainait là depuis un moment, porté par la mélancolie du noctambule, le silence paisible alourdissait son rythme.
Pourtant, au loin, en bas de ces escaliers, quelque chose détonait...curieux il s'avançait vers ce fol espoir de nouveauté.
Sans se décourager il s'approcha de ce batiment. Il y avait de la lumière, de la chaleur et le son de voix qui s'en échappaient. Intrigué il alla jusque dans l'immeuble. L'odeur de thé encore chaud le mena jusqu'au premier étage...Trois portes devant lui...
Un rire lui permis de deviner quelle porte à laquelle frapper.
Quelle suprise quand il entrait dans ce couloir. Toute cette lumière, cette vie et cette énergie.
Son étonnement fut tel qu'il en oublia sa propre existance, il se laissait aller comme au zénith du soleil, quand les hommes s'affairent à leurs activités, il se prenait au jeu et accompagnait dans son fol enthousiasme tout l'appartement.
Un peu plus tard, le temps décida qu'il en avait assez, il quitta l'appartement, et tout redevint calme.

La lumière s'est éteinte, le silence se fit pesant.
Pourtant, à quelques différents endroits dans le quartier, quelques lumières commencaient à s'allumer, quelques odeurs commencaient à s'élever dans l'air. La vie reprenait son cours normal. Au plus grand soulagement du temps.

[ oui chez nous, le temps est relatif, et il passe super vite...]

Brèves de train

« Bonjour et bienvenue dans le train numéro (je m’en souviens pas), Je m’excuse, ainsi que la SNCF, pour ce retard, on a eu un contre temps avec la mise en place de la locomotive, sincèrement désolé. »


Aujourd’hui j’ai eu la joie de partager mon voyage en train de Mulhouse à Paris en compagnie d’illustres inconnus. Je n’ai évidement pas pu m’empêcher de les observer tout le long du voyage.

Il faut dire que pour une rare fois je n’avais pas de musique sur mon lecteur mp3 et surtout aucune lecture sur moi, enfin si, mais s’agissant d’une BD sans texte, ça ne suffit pas pour tenir 5 heures de trajet.

Cependant, les trois personnes autour de moi avaient un point commun, futile peut-être, mais il m’a fait tilter. Ils lisaient…

Bah quoi ? Lire ? C’est pas l’activité la plus répandue dans les trains ? Oui, oui, certes, mais là c’était une situation bien originale, le premier, la trentaine bien tapée avec une calvitie prononcée, lèvres pincées, regard stricte, attitude réservée lisait le révolutionnaire mais bien pensant magazine Marianne. Une posture toujours droite dans son siège un regard concentré sur sa lecture linéaire, c’est à peu près tout ce que j’ai pu en voir dans un premier temps. M’enfin, il ne donne pas trop envie de lui adresser la parole, chacun de ses mouvements semblait se plaindre de sa situation. Parisien va !

Le second, la vingtaine, mal rasé, cheveux courts, changeait régulièrement de posture, un temps sur son côté gauche, un temps sur son côté droit, jambes croisées, allongées, recroquevillées, bref, une attitude beaucoup plus nerveuse que le premier. Cette attitude était d’autant plus flagrante lorsque qu’il se passait machinalement une main dans les cheveux une bonne dizaine de fois pour recommencer quelques minutes plus tard, ou sa manière de faire frotter les coins des pages avec son pouce. Regard aléatoire, régulièrement en train d’observer autour de lui, sa concentration semble fonctionner en sursauts. Sa lecture ? Tom Clancy’s Op Center, roman à suspens mettant en scène des unités spéciales d’intervention qui a vu la naissance d’un jeu vidéo d’action du même nom que l’auteur. A tous les coups celui là c’est un gros joueur de jeux vidéos, il doit avoir un PC surpuissant, et plein de DIVX sur son disque dur externe ! Yeah !


Le troisième, approchant la quarantaine, cheveux mi-long, une fâcheuse tendance à se frotter une mèche de cheveux entre son index et son pouce pendant sa lecture assidue de science et vie.

Son regard, parfois totalement acquis à la cause de son article, s’autorisait des incursions dans mon domaine de l’observation. Ses yeux globuleux et son regard fixe sur l’objet de sa curiosité laisse à penser qu’il ne ressent aucune gêne à observer les autres. D’ailleurs, le magazine de son voisin, Marianne (le magazine et pas le nom du voisin) l’a intéressé et il ne s’est pas privé de lire par-dessus l’épaule !

Son attitude, "j’en sais plus que toi", est assez agaçante, mais peut-être est-ce juste parce qu’il fait comme moi… j’aurais dû réserver le droit à l’observation des inconnus. Non mais !


Sont-ils tous complètement absorbés par leur lecture ? Pas tout à fait, en effet régulièrement et chacun leur tour, ils se sont furtivement endormis devant leurs pages !


Un peu plus loin devant, un couple et leurs deux enfants (un garçon et une fille) passent du bon temps, ils parlent discrètement, ne s’énervent pas, et les enfants ne se disputent pas, au contraire, ils s’amusent à des jeux dans une grande complicité. Le jeu préféré du garçon est de profiter de l’assoupissement des parents pour piquer plus ou moins discrètement des gâteaux ou autres confiseries. Mais l’intérêt du jeu est nul si les parents ne s’en rendent pas compte, alors les rires entre les deux enfants servent de signalement d’une bêtise gentillette aux parents.


Sur ma droite 4 personnes qui n’ont pas réservées de places, un couple d’origine indienne dans la soixantaine, une jeune fille dans les 25 ans, et une femme dans les 35 ans, leur sujet principal de conversation est celui des placements dans le train, l’étonnement face au manque de sièges disponibles, et l’interrogation sur l’attitude à prendre si quelqu’un vient pour réclamer sa place réservée…


Dans son micro, l’employé de la SNCF peine à faire ses annonces, le matériel certainement aussi vétuste que le train semble rendre l’âme, son message à presque toutes les gares se résume donc à « bonjour la SN….train….paris esss…billets doiv….mercie de votre attention et vous souhaites un agréable voyage ».

Une mère et son enfant en bas âge entre dans le wagon par la porte la plus éloignée de moi, elle a le regard fatigué, et elle ne tente pas de paraitre en pleine forme bien au contraire, c’est donc avec une gentillesse toute simple qu’une passagère lui laisse sa place à coté d’elle. 10 min plus tard, cette passagère a perdu son sourire de politesse et son plaisir d’avoir rendu service, en effet, l’enfant braille et la mère peut-être autant. Du coup, les lecteurs MP3 et leurs oreillettes apparaissent aux oreilles de la majorité des passagers de cette voiture. Pas pour moi, et oui, la musique n’a toujours pas voulu apparaitre comme par magie sur mon lecteur à moi…

Troyes, des scouts, beaucoup de scouts, trop de scouts, bruyants, joyeux, niais et fatigués, ils encombrent les voitures pour rester groupés…mauvaise idée, mais en fait ils n’ont pas le choix.

Comme je n’ai rien dans les oreilles j’en apprends beaucoup sur l’organisation des scouts, même si leur jargon m’est inconnu j’arrive plus ou moins à suivre leur conversation…pourquoi des shorts ? Mais parce que c’est bien plus pratique, 20 000 mille fois au moins, et puis quand il pleut tu gardes moins de tissus mouillé sur toi, et puis, quand il fait chaud, tu as moins chaud, et puis c plus vite fait à laver et puis… Non en fait ça doit juste être par tradition, puisque pour les filles, les pantalons sont autorisés. Mais les ceintures ? c’est pas obligatoire mais c'est pratique…le chapeau ? Pas obligatoire non plus, mais comme tout le monde en a, si tu en as pas, tu en achètes un. Et pis c’est pratique, quand il pleut ça te protège, et quand y’a du soleil, ça protège aussi. L’été dernier sous la canicule, ça nous a beaucoup aidé ! Génial !

Le micro du train a retrouvé ses esprits, moins sûr pour celui qui s’en sert. Assis les uns sur les autres, on écoute cet instant qui fait sourire.

« Bonjour bienvenue sur le train en direction de paris Est, direct à partir de maintenant, heu, hu hu, je voudrais vraiment m’excuser pour les conditions exécrables de voyage, et heu, c’est vraiment intolérable je vous invite donc tous à prendre contact avec le service client de la SNCF, et heu, qu’est-ce que je voulais dire ? Ah oui, bonne année quand même et meilleurs vœux. Encore désolé ! Hu hu hu »


Sans musique, le train, c’est passionnant.


Paris Nantes ?

J’ai de la musique, j’ai sorti mon ordinateur, j’ai rangé trois sacs lourds de trois inconnues, et je me suis décidé à taper ce que j’ai vu entre Mulhouse et Paris. Je me suis souvent demandé ce que ça ferait si je tournais mon ordinateur et que je demandais à la personne d’en face de lire ce que je viens d’écrire. Je l’ai fait, la fille en face me devait bien ça, je lui ai monté son sac !

Elle s’est pas mal débrouillée, ne s’est pas laissée démontée par cette singulière invitation. Elle a lu, n’a pas montré trop de réactions, mais a lu en entier pour finir avec un « intéressant ! ».

Pas très original comme conclusion ? En même temps c’est difficile de dire autre chose. « Ouha ! c’est naze ! » eut été vexant, un « excellent j’adore » aurait été entreprenant. Un intéressant finalement ça passe tout seul.

J’avais pas prévu de parler d’elle dans ce texte mais bon, elle l’aurait souhaité apparemment, excès de zèle je viens de m’appliquer à l’y intégrer.

Maintenant elle retourne à ses activités studieuses. C’est mieux, et ça occupe.

café ? thé ?

- Un café s’il vous plait.
- Avec ceci ?
- Juste un café merci.
- Juste un café ?
- Oui, oui, juste un café, merci.
- Pourquoi juste un café ?
- Eh bien, parce que je ne veux rien d’autre qu’un café !
- Au moins vous n’êtes pas difficile, mais vous allez vous ennuyer le reste de votre vie, un café c’est vite fait, pas terrible comme objectif.
- Mais ? Non ! Je veux un café maintenant, ce n’est pas tout ce que je veux !
- Eh bien il faut savoir, du lait peut-être ?
- Non, non, un café nature. Pour le moment.
- Et si le café vous plaît, vous y ajouterez du lait ?
- …non ! S’il me plaît je n’ai aucune raison d’y rajouter quoi que ce soit !
- Un café vous satisferais donc ?
- Oui, merci.
- Alors pourquoi dire un café « pour le moment » ?
- Enfin ! Parce qu’un café ce n’est pas tout dans la vie !
- Oui il y a le lait, le sucre, le chocolat…
- Mais, non, le café, c’est seulement parce que j’ai envi d’un café.
- Et si vous aviez envie d’un thé ?
- Je demanderai alors un thé…
- Votre envie peut changer ?
- Oui.
- Comment savez-vous alors que vous voulez aujourd’hui un café ? Etes vous sûr de ne pas être un jour à thé ?
- Eh bien vu que j’ai envie d’un café, je suppose que je suis un jour à café…
- Vous en avez envie parce que c’est un jour à café ? Ou est-ce que c’est un jour à café parce que vous voulez un café ?
- Je…j’en sais rien !
- Du coup vous savez vraiment ce que vous voulez ?
- Non, mais un café fera l’affaire !
- Et si ça ne fait pas l’affaire ?
- Ca ira.
- Comment être sûr ?
- En essayant.
- Donc vous voulez un café pour être sûr que c’est bien d’un café dont vous avez envie ?
- Non, j’ai envie d’un café parce que ça me donnera un peu de nerfs pour la journée qui s’annonce difficile !
- Alors ce n’est plus de l’envie, c’est un coup de pouce.
- Si vous voulez.
- Moi je ne veux rien.
- Moi je veux un café.
- Non, vous en avez besoin.
- D’accord : j’ai besoin d’un café.
- Pourquoi ? Pourquoi pas un thé ?
- Parce que je préfère le café.
- Comment être sûr ?
- Je ne peux pas être sûr, mais je sais que ça marche.
- Comment le savez-vous ?
- Parce qu’à chaque fois que je me sens fatigué et que j’ai besoin d’un peu de nerf, je prends un café.
- Et ça marche ?
- Oui.
- Si vous en prenez à chaque fois, vous ne savez pas ce que ça fait sans en prendre, peut être que ça marcherait mieux avec un thé.
- Mais je n’aime pas autant le thé que le café.
- Pourquoi ?
- Parce que,… je ne sais pas moi ! Je préfère simplement le café. J’en ai besoin pour la journée.
- Ah.
- Je sais ce que vous allez dire…
- Ah ? Moi pas…
- Si, si, vous allez dire que…non en fait je ne sais pas ce que vous alliez dire.
- Zut, ça avait attisé ma curiosité…
- Vous êtes curieux ? Je n’avais pas remarqué !
- Vous savez toujours ce que vous voulez ?
- Oui, un café.
- Tous les jours ?
- Tous les jours.
- Le même café ?
- Tout dépend, mais un café tous les jours oui.
- Rien d’autre ?
- Rien d’autre.
- Votre journée est vite pliée.
- Mais non évidement, il y a d’autres choses que je veux dans une journée !
- Comme quoi ?
- Je ne sais pas, plein de choses !
- Je ne vous trouve déjà pas très clair au sujet du café.
- Et alors ?
- Et alors je n’ose pas imaginer ce que doivent être vos autres choix de la journée.
- Je m’en sors pas mal merci.
- Sûr ?
- Sûr.
- Sûr comme vous êtes sûr d’aimer le café et de son efficacité pour votre journée…
- Je…
- Vous ?
- Vous ne me connaissez pas, vous ne pouvez pas savoir !
- Mais je connais le café, si on n’est pas clair avec un café je ne vois pas comment vous pouvez faire d’autres choix judicieux.
- Je fais au mieux.
- Je vois ça.
- Votre café vous est toujours d’une aussi grande utilité ?
- C'est-à-dire ?
- Vous en voulez peut-être un autre ?
- Pourquoi ?
- Parce que je pense que le votre est maintenant froid.
- Ah ! Effectivement, à force de vous parler…
- Votre premier choix de la journée n’est pas couronné d’un grand succès.
Un thé peut-être ?

Parlez, je vous lis très bien

Parfois, dans un voyage long de plusieurs heures, on peut s’ennuyer à mourir. Et à d’autres occasions, on peut faire de singulières rencontres !
L’air râleur, le manteau remontée jusqu’au menton, les cheveux mal coiffés, et sans même se retournée vers moi, continuant à scruter le panneau des horaires de Roscoff elle me demande « tu parles français ? ».
Pas de doute, c’est à moi qu’elle s’adresse, cette demoiselle à barbe. J’ai bien vérifié, dans la rue, un chat qui miaule en bas d’une fenêtre, un car qui attend devant la gare, des mouettes qui tournent au grès du vent, pas de doute c’est à moi qu’elle s’adresse.
Je lui réponds donc, et s’entame alors une conversation de courtoisie, après tout, on a deux heures d’attentes avant le prochain TER, et ni l’un ni l’autre n’a spécialement envie de les passer sans rien faire.
Rapidement, je me rends compte que cette femme d’environ 30 ans a bien plus de choses à dire que moi, je sens bien que je n’aurai qu’à prouver mon attention par intervalles réguliers pour alimenter son flot de paroles.
Je me laisse entraîner des les méandres de ses anecdotes, j’ai du mal à y croire, dans un premier temps, je réagis avec appréhension, pour qui elle me prend ? Croit-elle me duper ?
Et puis je me dis, si c’était vrai ? Et même si ce n’était pas vrai ? Ais-je un mouvement de recul face à un roman ?
Alors je la laisse faire, parfois même je l’encourage, dis m’en plus sur le père de ton mari ?
On est maintenant assis dans le café du coin autour d’une boisson chaude, les habitués du village sont là en cette matinée dominicale.
Certainement on doit être une petite attraction, moi et mes bagages, mes gros sacs, et elle, la femme à barbe qui ne cesse de parler.
On critique un temps la politique française, dont je ne suis plus tout à fait au courant depuis que je suis parti en Angleterre, mais qu’importe, depuis quand doit on en savoir pour critiquer des choses ? Alors on critique la politique anglaise. La conclusion est triste à dire, le monde va mal, anglais comme français, les politiques sont tous pourris ou presque. Je m’amuse à aller complètement dans son sens. La population devrait revenir à la terre, à des choses concrètes, l’autarcie c’est difficile mais c’est possible, toute cette société de consommation, toute cette perversion, tout ce mal entraîne un dessèchement spirituel…Les gens ne se parlent plus, les gens ont peur, et les gens qui ont peur sont agressifs…Le monde va mal.
Mais ces sujets ne m’aide pas à m’évader dans un monde inconnu, je l’invite à plus me parler de sa famille, de son mari…

Il est indien, il n’a jamais vraiment été accepté dans la famille. Il en a vécu des choses, un jour qu’il venait avec son fils en Irlande, il a été appréhendé par un policier du coin qui patrouillait dans sa voiture avec son collègue. Certainement son look avec sa grande barbe, son teint basané et ses vêtements ont fait échos dans la tête de l’officier de police…Mieux vaut lui demander ce qu’il fait ici, et vérifier ses papiers.
Sait-on jamais, peut-être a-t-il oublié de vérifier quelque chose, qu’à cela ne tienne, 10m plus loin il le contrôle de nouveau. Rien à faire, le doute persiste, et la situation se répète plusieurs fois. Finalement le père et le fils arrivent dans un petit café, magasin d’appoint. Le père sent bien que sa présence fait tache dans ce décor Irlandais.
La caissière semble gênée, et ne sait trop comment réagir. Rien de spécial ne se passe, cet homme n’est pas un terroriste. Le policier rentre dans le magasin et demande à la caissière si cet homme la gêne…la caissière ne sait pas trop quoi dire, l’homme n’a rien fait de spécial, mais si un policier vient lui demander ça, peut-être est-ce parce qu’il a fait quelque chose de mal. L’homme se lève alors avec son fils et propose alors gentiment à la caissière de quitter le magasin afin de ne plus la déranger, ainsi les deux indiens sortent du magasin dans un souci de paix.
Le policier les suit, et semble enclin à re-goutter aux joies de contrôles de papiers répétés…
L’homme commence à perdre patience, et somme le policier de soit le laisser tranquille puisqu’il n’a rien fait, soit simplement l’embarquer au poste de police une bonne fois pour toute.
Le collègue du policier sort donc pour aider le premier à embarquer l’étranger. Mais ils décident de ne pas prendre l’enfant.
Aberration évidente pour les deux infortunés, sûr de son bon droit, l’enfant réclame à être embarqué avec son père, puisqu’il lui semble qu’il devrait être coupable des mêmes soupçons que son père. Rien n’y fera, le père sera embarqué, mais pas le fils.
Le père se retrouve au poste de police où il doit répondre à toutes sortes de questions. Le policier trouve avec une grande joie un sachet d’herbes dans les affaires de l’étranger, manque de chance il s’agit d’herbes médicinales qui aident à dégager les sinus par infusion.
Que faire de lui ? Aucune raison de le garder en cellule… Rien de plus simple, il suffit d’appeler l’hôpital psychiatrique du coin pour l’envoyer là bas. Et voilà comment l’homme se retrouve en situation d’internés en centre psychiatrique…clamant sa santé mentale saine, il n’est évidement pas pris au sérieux. Quand les médecins lui demandent ce qu’il a exercé comme travail, innocemment l’homme répond la vérité. Il a fondé sa propre entreprise il y a plusieurs années, il a eu des centaines d’employés sous ses ordres, président directeur général d’une entreprise d’agriculture il a décidé de se tourner vers une association dont il est le président qui vient en aide aux pays défavoriser.
FOU ! Cet homme est fou, symptômes évident de mégalomanie aggravée. Cet homme soucieux de sa santé avait fait enlevé quelques veines dans ses jambes pour cause de varices, une telle opération a laissé des traces. Ces traces seront interprétées comme autant de signes de négligence du corps par le patient. FOU ! Cet homme est fou ! Les responsables décident de lui donner des médicaments, chose que le patient refuse de faire. Surtout parce que plus jeune il a eu une maladie spécifique, qui n’a jamais été totalement guérie, et certains médicaments, la plupart d’ailleurs, sont complètement interdits. Pour prouver sa bonne foi, l’homme explique qu’il a été traité dans l’hôpital (dont je ne me souviens plus le nom) en Pays de Galles. Ni une ni deux, le médecin appelle l’hôpital psychiatrique de cette ville. Double erreur, l’hôpital dont notre indien parlait n’était nullement psychiatrique, et surtout l’hôpital contacté a refusé catégoriquement l’ouverture de dossier privé de patient.
Echec total pour notre pauvre homme, qui se retrouve à manger des médicaments contre-indiqués coincé dans un hôpital psychiatrique.
Après plusieurs jours, le fils a réussi à prendre contact avec l’ex femme de son père, mais cette horrible personne profitera de cette occasion inespérée pour enfoncer un peu plus son ex-conjoint, visitant l’hôpital et notifiant les responsables de comportements violents et dangereux de son ex-mari.
Que de misère pour cet homme sans défense. Heureusement il finira par s’en sortir, grâce à l’aide de sa nouvelle compagne, mais cette longue traversée du désert laissera quelques traces puisque les doses régulières de médicaments néfastes ont réduits les capacités physiques de l’homme.


Voilà un extrait de ce roman à rebondissement dans lequel le grand père a participé à la première guerre mondial, il a été le premier « Brown » à s’engager dans l’aviation, il a créer une industrie fructueuse de jouets en bois, a permis à des milliers d’enfants de se passionner pour des plaisirs simples. Des plus humbles jusqu’au enfants de la famille royale.
Lady Diana se souviendrait-elle encore, si elle était vivante, d’avoir acheté ces simples jouets de bois ? Cette success-story d’un indien en Angleterre sera-t-elle un jour romancée ?
Les histoires des personnes avec qui on peut partager nos voyages peuvent être passionnantes, une lecture à haute voix des aventures les plus improbables qu’il soit donné d’exister. Et pourtant on se laisse porter à croire, que dans un coin d’Irlande et une ville Galloise, toute cette histoire est plus que vraie. Le décor, les personnages et les dialogues s’animent au même rythme que le paysage se déroule devant vous, dans le train ou le bus, les minutes deviennent des pages, les heures des chapitres ! Mais tout a une fin. Arrivée à Rennes, fin de l’histoire, chacun reprend sa vie, moi dans mon histoire simple et elle peut-être dans son histoire incroyable.
Avant que l’on se quitte, pourriez vous me dédicacer mon exemplaire ?

L'elfe qui dit tout le temps Truie

On a beau être une elfe, appartenir à la race la plus noble qui existe, frôler la perfection au niveau de la beauté et de l’intelligence, chacun a ses défauts…
Cette elfe, si belle, intelligente soit elle, ne peut s’empêcher de dire truie à tout va…
Fille de roi, héritière d’un royaume qui s’étend au-delà de l’horizon, l’elfe souffre de ce mal inconnu jusqu’alors.
En effet, qui a déjà entendu parler d’une elfe qui dit tout le temps truie ? Personne !
On sait fort bien que les nains y sont accoutumés pour appeler leurs femmes, que les humains se prêtent à ce genre de petits surnoms également. Mais une elfe ? Qu’a-t-il bien pu arriver à cette elfe pour qu’elle en arrive là ?
Tout a commencé à sa naissance, parce qu’avant, elle n’existait pas…À sa naissance donc, un être s’est approché de l’enfant, l’air préoccupé. Cet être est un envoyé très spécial de l’association de coordination des vestiges de la civilisation elfe, elle s’occupe en gros de maintenir la civilisation elfe dans un ordre satisfaisant.
Revenons à l’enfant elfe, bien que les elfes soit majoritairement beaux, il s’avère qu’il y a parfois quelques exceptions et que certains soient horriblement laids. C’était le cas de l’enfant elfe.
Fille de roi, héritière d’un royaume qui s’étend au-delà de l’horizon, il était difficile d’imaginer cette enfant à l’avenir glorieux rester aussi moche !
Alors cette étrange créature proposa un accord avec le roi et la reine, il existe un moyen de la rendre jolie, mais il est inévitable qu’une séquelle persiste à cette opération…La magie n’agissant que par équilibre, il y aura forcément compensation !
Pendant la première année de l’enfant elfe, aucune séquelle n’est apparue, le couple régnant s’en félicitait et se trouvaient dans la joie et l’allégresse. Mais la magie n’oublie pas, l’enfant assez vif commença à parler clairement à la fin de sa première année…et quelle fut la surprise pour ses parents lorsqu’elle prononça très distinctement sont premier mot… : « TRUIE ! »
Depuis, l’elfe ne cesse de ponctuer ses phrases avec ce mot qui en plus de désigner un animal peu noble, sonne horriblement moche.
Cette elfe, belle, intelligente, héritière d’un royaume qui s’étend au-delà de l’horizon, est handicapée depuis par ce mal mystérieux dont elle n’a jamais connu l’origine.
Alors que l’elfe a grandi, elle commence à ressentir de plus en plus un malheur et une tristesse grandir en elle. Cet handicap singulier l’empêche de garder ses amis et encore plus de se trouver un bel elfe avec qui partager sa vie !
Déprimée et pâle comme un spectre, ses parents décidèrent de lui expliquer. Ils lui expliquèrent que c’était pour son bien, qu’ils avaient pensé bien faire.
Après mûre réflexion, l’elfe conclus que son mal entraînait hélas exactement les mêmes maux que la laideur. Moqueries, honte, isolation et désolation. Elle partie alors à la recherche de l’étrange créature qui lui avait lancé ce sort…il aurait été facile de la suivre, tant dans son excitation et son nouvel espoir elle lançait des « truie ! ».
Elle arriva alors à cette étrange créature qui, elle l’espérait, trouverai une solution ou tout au moins, la conseillerai.
Après s’être présenté et avoir exposé sa situation, la créature se souvint de cette histoire.
Elle se retira alors dans son étrange demeure pour certainement chercher une solution.
Deux jours et demi plus tard, alors que l’elfe n’avait pas mangé ni bu, l’étrange créature sortie et lui annonça qu’elle avait trouvé la solution. La créature lui tendit une liste d’elfes masculins qui étaient nés moches mais à qui elle avait jeté un sort, tout comme pour cette malheureuse elfe.
Avant de s’en aller, la créature donna un dernier conseil à l’elfe : « Si d’amant sur cette liste point tu ne trouve, ferme ta gueule. »
Nul ne sait ce que devint cette elfe…

vendredi 14 septembre 2007

Paru dans la presse 4

De Gérard Ico, journaliste stagiaire dans notre section Sports et Religion
Jeudi 13 septembre s’est tenue à Paris la finale du championnat national de combat inter-mamies. L’événement, s’il n’a guère suscité l’engouement de la nation ou la passion des politiques (bien que Michel Alliot-Marie, ancienne entraîneuse de l’équipe française de CIM, ait déjà voici quelques années franchi la porte du gouvernement, laquelle devrait également s’ouvrir pour Laporte- si bien sûr ce dernier est ouvert à son tour aux propositions du Président. Réjouissons-nous ensemble mes frères de l’ouverture de tant de portes !) a néanmoins attiré une foule nombreuse, agitée, exaltée même à l’idée de voir s’opposer en duels les plus farouches prétendants au titre de Miss Mamie 2007.

Autour des locaux du Monoprix, rue de Rennes, véritable cœur de la Mamilie (à droite de l’Ovalie sur les cartes) et lieu saint de la religion bobo-aristrocrate parisienne (entre raëlisme et shiisme dans le dictionnaire des religions), les masses confuses de fans s’égaillaient lentement, mais non sans pester, après l’annonce par les services de sécurité que le terrain, déjà plein à craquer, ne pouvait accueillir un supporter de plus. (Le phénomène d’implosion des stades par le supporter surnuméraire est amplement documenté dans l’ouvrage de référence de Jean-Loup Igane « Boire ou choisir, il faut conduire ».)

Le match opposait la tenante du titre, Simone-Thérèse de la Motte-Jaycquard, 73 ans pour 54 kilos, à la challenger, Louise Madeleine de la Cartière-Bonsoir, passe le bonjour à Albert, 69 ans pour 60 kilos. Le premier coup est porté par la Motte-Jaycquard, qui fait comprendre sèchement à son adversaire qu’elle ne lui cédera pas sa place dans la queue, quoiqu’elle ait une cinquantaine d’objets à faire passer et son adversaire qu’une seule. La Cartière-Bonsoir, n’étant pas en reste, réplique d’un archaïque mais efficace « O Madame, votre politesse est digne d’un mahométan ». Suit alors cinquante minutes de lutte acharnée entre nos deux vieilles biques- cinquante minutes de joute verbale, parfois égrillarde, grossière et même aux limites de la culture classique ! La crêpe de chignon (à distinguer des crêpes de Chinon-comestibles) finale est remportée par Simone-Thérèse de la Motte-Jaycquard, qui parvient donc à garder son titre pour la troisième année d’affilée.

La Motte-Jaycquard a repris dès aujourd’hui sa place de tyran des caisses dans les supermarchés du 6ème arrondissement, assistée bien sûr de son terrible chien-moquette Fifi. Prochain rendez-vous le 17 octobre pour le lancement de la coupe du monde de CIM.

samedi 16 juin 2007

[...]

Interrogatoire 42 treizième session du sujet 412#-52H – rapporté le 2 janvier 1989 à 00h19 – professeur K.

Professeur K. : A quoi pensez-vous en cet instant ?
Sujet 412#-52H : Avez-vous déjà regardé quelque chose attentivement ?
Professeur K. : Expliquez-vous.
Sujet 412#-52H : Et bien…
Professeur K. : Oui ?
Sujet 412#-52H : Je ne sais pas. Ce mur là au fond par exemple. Vous passez devant très souvent n’est-ce pas ? Très très souvent ?
Professeur K. : Bien entendu, mais je ne saisis pas.
Sujet 412#-52H : Avez-vous déjà fixé un point quelconque de ce mur, une fine excavation, une rainure, je ne sais pas quelque chose de ce mur ?
Professeur K. : Ce que je ne saisis pas, c’est le sens de cette question.
Sujet 412#-52H : Mais répondez-y.
Professeur K. : Eh bien… Je n’en sais rien.
Sujet 412#-52H : Voilà ! C’est ça ! Le monde est comme ça, et il l’a certainement toujours été. On vit sans voir… On ne regarde plus les choses réellement. Monde de profiteurs pour une terre profitée.
Professeur K. : Bien, mais qu’est-ce que cela changerait au monde que d’observer avec plus d’attention des détails futiles ?
Sujet 412#-52H : Rien, si ce n’est une sorte de… Une sorte de prise de conscience des choses qui entourent. Une fantaisie toute particulière aussi, une sorte d’attache sur le monde terrestre, et non le monde humain. Car on souffre dans le monde humain, mais si chaleureux, si accueillant reste le monde terrestre… C’est presque comme une ouverture sur l’espoir, une façon de se dire que là, juste sur ces quelques centimètres de matière que tout le monde fréquente sans vraiment voir, il y a un autre univers, quelque chose de simple mais très complexe, quelque chose de calme mais agité aux aléas du monde humain qui profite. On reste là fixé, bien, sans réfléchir, ou justement en réfléchissant trop sur tout ce que cela comporte.
Professeur K. : Et l’âme ? Il n’y a pas d’âme en ses choses…
Sujet 412#-52H : Il y a quelque chose. Cette symbiose incroyable des choses, des objets, tout ça semble agité d’un souffle de création mystérieux incroyable…
Professeur K. : Je ne crois pas.
Sujet 412#-52H : Comment alors tant de complexités ? Comment tant de calme étrange, tant de parfaites synchronisations vitales à l’existence humaine. Nous sommes les acteurs d’un décor absolument fantastique.
Professeur K. : C’est possible. Mais les objets n’ont qu’une chose, c’est l’utilité que l’Homme leur porte, rien d’autre. Il est donc inutile de s’attarder sur ce genre de détails. Les objets sont là, utilisons les. Ceux qui ne sont pas là, mais dont le besoin se fait sentir, l’Homme les invente. Et la réflexion s’arrête là.
Sujet 412#-52H : Acceptation… Aucune reconnaissance au monde, hein ?
Professeur K. : Que voulez-vous dire ?
Sujet 412#-52H : Je ne sais pas, je ne sais plus. Je n’arrive pas à… A comprendre ce que je pense… Tout est flou dans ma tête vous comprenez ? C’est comme si les choses s’entrechoquaient, sans vraiment envoyer les informations où il faut.
Professeur K. : Je vois. Cela fait longtemps que vous n’avez pas eu de médicaments, c’est certainement dû à ça.
Sujet 412#-52H : Je ne sais pas, des fois je vous vois flou. Des médicaments vous dites ? Des médicaments… Des… Non ! Pas des médicaments ! Pas le… Le traitement !
Professeur K. : Allons bon, calmez-vous, vous savez ce qu’il se passe sinon. N’ayez crainte tout ce que nous faisons, c’est pour vous aider, vous guérir.
Sujet 412#-52H : Mais je ne me souviens même plus d’où je viens et pourquoi je suis ici… J’ai l’impression d’oublier, d’être sous l’emprise de produits.
Professeur K. : Ne réfléchissez pas, tout ce que vous dites est déjà très intéressant et… Nous, nous savons ce que vous faites là.
Sujet 412#-52H : Vous ? Je… Je peux vous faire confiance alors ?
Professeur K. : Bien entendu… Nous allons prendre le traitement maintenant…

samedi 2 juin 2007

[...]

Interrogatoire 78-F douzième session du sujet 412#-52H – rapporté le 31 décembre 1988 à 14h12 – professeur K.

Professeur K. : Nous nous apprêtons à faire un test psychologique post-traitement. Il y a 15 minutes je vous aie administré un traitement aux bases médicales supérieures que celui de d’habitude, le HP12Z*. Premièrement, sujet 412#-52H, m’entendez-vous ?
Sujet 412#-52H : Noir. Je suis noir dedans, vide, j’ai mal. Je vous en supplie laissez moi, arrêtez tout ça j’ai mal…
Professeur K. : Sujet 412#-52H, me comprenez-vous ? Répondez par oui ou par non.
Sujet 412#-52H : Monsieur je veux la revoir, elle doit être quelque part là-bas, et seule… J’ai mal. Noir.
Professeur K. : Bien, à priori non. Continuons les tests. Sujet 412#-52H ? Parlez.
Sujet 412#-52H : Noir. Noir et vide…
Professeur K. : Je vais répéter une phrase deux fois de suite, et vous allez ensuite la prononcer à votre tour. La petite fille joue à la balle devant l’arbre. Je répète. La petite fille joue à la balle devant l’arbre.
Sujet 412#-52H : Petite fille !! Aaaaah non la petite fille ! Je la sens elle a peur elle souffre s’il vous plait. Seule… Elle pleure, elle l’appelle elle, mais elle ne sait pas. Aaaaah j’ai mal ça ne peut plus durer, j’ai mal. Aaaaaaaah ! Aaaaaaah ! AAAAaaaah !
Professeur K. : Arrêtez calmez-vous ! Arrêtez de vous agiter bon sang !
Sujet 412#-52H : Aaaaah ! Vous ne savez rien ! Aaaah !!!
Professeur K. : Vos bras sont sanglés, ainsi que votre buste et vos jambes, cessez donc de vous agiter pour rien, où j’appelle la sécurité, et vous aurez de graves sanctions. Arrêtez ! Arrêtez bon sang.
Sujet 412#-52H : Non aaaah ! Ma bouche me fait mal, ça aussi ça me fait mal. Pitié, pitié faites quelque chose.
Professeur K. : Bon, très bien nous allons régler ça immédiatement. Seringue d’extéllium, vous voulez vous agiter hein ? Vous souffrez, n’est-ce pas ? Ce n’est que le début !
Sujet 412#-52H : Non pas la piqûre s’il vous plait… Non, noooon !!! Aaaah ! Je vous en supplie, je… j’ai mal… Je… C’est que… Je…
Professeur K. : Voilà, 3 grammes dans le sang, vous allez vite être calmé maintenant. Voilà c’est terminé.
Sujet 412#-52H : Je… Ah. Tout… J’arrive plus. Quoi ? Je… C’est vous…
Professeur K. : Regardez moi bien dans les yeux sujet 412#-52H, vous ne comprenez plus un seul mot de ce que je vous dit, à cause de ce que je viens de vous injecté. Votre cerveau ne peut plus analysé quoi que ce soit.
Sujet 412#-52H : Heeeey bioubou ! Gnouboulouktéslop…
Professeur K. : Ecoutez bien, vous ne comprenez pas mais écoutez, au moins pour mon bon plaisir. Vous allez souffrir maintenant, pour plusieurs heures, et ce soir, je reviendrais pour la sanction. Maintenant la session est terminée.

jeudi 24 mai 2007

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Interrogatoire 19-[/trex] huitième session du sujet 412#-52H [UNIQUEMENT LA SECONDE PARTIE] – rapporté le 27 décembre 1988 à 4h47 – professeur K.

Professeur K. : Bien dans ce cas continuez.
Sujet 412#-52H : Il y a eu une période de flou, je ne voyais plus rien et tout semblait danser autour de moi, des milliards d’étincelles jaillissaient de l’ombre et semblaient arrêter leur traits incisifs dans la profondeur même de mes yeux. Je tentais en vain de les fermer, mais rien n’y faisait, inlassablement mes paupières restaient figées. Finalement des vertiges intenses me prirent, et de toute ma masse je plongeais dans des profondeurs infinies, comme tiré par une force invisible, qui me prenait juste sous les aisselles…
Professeur K. : Bien, hallucinations donc, le subconscient du rêve. Continuez…
Sujet 412#-52H : Vous prenez des notes de ce que je dis ?
Professeur K. : Bien sûr.
Sujet 412#-52H : La petite boîte prend déjà ma voix n’est-ce pas ?
Professeur K. : Le magnétophone, mais je vous ai maintes fois répété de ne pas vous arrêter à ce genre de détails lors de nos sessions. Je vous prierai donc de continuer…
Sujet 412#-52H : Je… Oui, monsieur. A un moment les étincelles s’arrêtèrent de danser autour de moi et… Petit à petit la ferme réapparu. L’atmosphère était beaucoup plus lourde vous savez. L’épisode précédent, c’était le matin je pense. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais sûr que cette deuxième vision se déroulait durant la même journée, plus tard, sûrement au milieu de l’après-midi. L’astre du jour crachait sa lumière, serré de près par des nuages noirs menaçants qui emplissaient le ciel de leur nappe brumeuse. J’avais peur, on aurait dit qu’un orage se préparait. Oh oui ! J’avais peur… C’est… Pensez-vous qu’il y aura un jour de l’orage ici ?
Professeur K. : Calmez-vous.
Sujet 412#-52H : De l’orage monsieur ! J’ai eu peur, je ne me suis pas réveillé pourtant. C’est curieux. Mais… En fait, je crois que j’aurais préféré me réveiller.
Professeur K. : Vous voyiez donc de nouveau la plaine aride, et la maison de la jeune femme ?
Sujet 412#-52H : Ah ! Oui. L’atmosphère était plus lourde, un peu humide et pesant, comme avant les grondements déchaînés de la foudre. Et… A ce moment là, un bruit assez violent déchira tout cet ensemble… Mais ! Je voulais vous dire…
Professeur K. : Oui ?
Sujet 412#-52H : Ce bruit. Ce n’était pas l’orage ! Non, en fait, le son venait d’un des pylônes électriques tout près de la maison. Tout en haut, il y avait un vieux haut-parleur fatigué par le temps qui était suspendu assez grossièrement. De sa bouche béante s’échappait un grésillement nasillard, un son aigu, comme une alarme d’alerte ! Et alors, la jeune femme est sortie de la maison en courant, laissant derrière ses cheveux voleter. Un homme la suivait. Il était un peu gros, calme. Il était beaucoup plus vieux aussi, un visage un peu rond et rouge. Des cheveux courts et gris. De profondes rides du sourire. Qu’il n’honorait pas pour l’heure… Ils sont tous deux aller jusqu’au pylône, et là, l’ont fixé en s’étreignant l’un l’autre, l’air inquiet. Oh, ils s’aimaient plus que tout cela se voyait. Leur visage collé l’un à l’autre, dans une expression toute particulière de grande complicité, ils faisaient un. Il semblait tellement ouvert l’un à l’autre, tout passait par ce regard qu’ils s’échangeaient, cette façon douce et agréable de s’étreindre dans la lumière du jour. De tout cela résultait une symbiose parfaite, aux relents paisibles. C’était beau… L’alarme s’arrêta enfin et une voix grave se fit entendre dans le haut-parleur. Les paroles entrecoupées tombaient abruptement sur le couple qui en buvait le sens en tressaillant. C’était un militaire du recensement qui parlait. L’annonce était brève, mais lourde de conséquence… Je ne me souviens pas des mots exacts, pourtant je les ai entendu ça c’est certain ! Cela disait… Attendez… Cela disait que la guerre était déclarée avec le pays d’à côté depuis quelques heures, et que chaque homme de plus de quinze ans devait se rendre dans les deux heures qui suivaient dans la caserne la plus proche, pour être affecté à l’armée gouvernementale. Les troupes partiraient en campagne. Toute insubordination à cet ordre national serait très durement sanctionné, et cela dans les plus brefs délais. Sur ces mots s’arrêtait le message. Le temps du rêve m’a paru très long à partir de ce moment là. Le couple s’est regardé, la jeune femme s’est mise à pleurer et l’homme l’a serré plus fort dans ses bras. Il n’allait pas partir à la guerre, il y était décidé. Leurs lèvres se joignirent, dans une union parfaite, éternelle. Je ne me souviens plus de ce moment, je crois qu’ils s’embrassaient toujours, mais quand tout redevint clair pour la troisième fois, la nuit était tombée presque.
Professeur K. : Oui, nous en arrivons à peu près à ce que vous m’avez raconté l’autre fois. Continuez je vous prie, jusqu’au moment où vous êtes réveillé.
Sujet 412#-52H : Oui. Il faisait presque tout noir donc, et il me semblait que l’homme et sa femme était toujours devant leur maison. Je ne sais pas ce qu’il faisait… Peut-être bien s’étreignaient-ils toujours. A ce moment là, j’ai eu peur, la tension est montée d’un cran de plus encore. Tout au bout de la longue route qui partait de la maison, des phares pointaient en direction de la ferme. C’était des camions qui arrivaient. Des… Des camions de militaires. Le couple s’échangea encore une série de regards chargés de tristesse, de déception aussi. Très grave. J’avais peur, c’était une scène horrible, et là encore ce rêve affreux ne m’avait mené jusqu’au fondement de son atrocité. Plus les phares se rapprochaient, plus la jeune femme gémissait dans les bras de son mari. Finalement les moteurs cahotants se firent entendre plus pressants, accompagnés de voix de militaires survoltés postés à l’arrière des véhicules. Ils se garèrent en alcôve devant la maison. Les mitraillettes pendaient aux épaules de tous ces soldats qui criaient tous ensemble en descendant des camions, l’air furieux, autoritaire. Ils entourèrent rapidement le couple qui ne bougea pas d’un pouce. L’un d’eux pris la parole, et désignant l’homme, il lui dit avec des mots très durs de le suivre immédiatement. Il ne s’était pas présenté à la caserne et devait aussitôt les accompagner pour rejoindre une compagnie disciplinaire sur le front déjà mis en place. Ce n’était pas discutable. Il répondit qu’il ne les suivrait pas. Le militaire a ergoté, juré, répété son ordre, en disant qu’une telle désobéissance à son pays lui coûterait très cher. Il a regardé sa femme qui pleurait et a dit non. Les soldats le regardaient avec une haine considérable, mais il restait fier de lui-même, fort, il ne chancelait point. Le supérieur a fait un signe aux hommes qui l’accompagnaient. Ils se remirent tous en branle, hurlant de tous les diables. Plusieurs d’entre eux se saisirent de l’homme qui vainement résistait, la jeune femme fut jetée à terre. Le supérieur s’approcha d’elle en dégainant une longue machette, il cracha sur elle, insulta l’homme que les soldats maintenaient. Il attrapa dédaigneusement la longue chevelure de la femme, levant son beau visage vers le sien rempli de haine. Alors, il leva son couteau, et d’un geste désinvolte lui trancha la gorge, juste sous les yeux de l’homme retenu par les militaires qui se débattait pour sauver son amour… Il hurlait de douleur, de pitié, mais rien n’y faisait. Un autre soldat s’approcha de la maison une grenade à la main. Il la dégoupilla et la jeta à travers la porte ouverte. Tous retournèrent aux camions avec l’homme sous bonne escorte, tandis que la maison explosait dans un retentissement infernal. Toute une vie partie en fumée dans les écumes de la folie humaine, juste… Comme ça. Juste pour une guerre… Encore une fois des cœurs déchirés. Mais il est si utile à l’Humanité de clamer les besoins de leurs actes, et les tristes conséquences qu’ils engendraient. Après tout, c’est nécessaire n’est-ce pas ? Mais qui donc s’attardera sur le sourire perdu de la jeune femme, sur sa peau mate qu’on laisse pourrir dans son sang au pied des décombres de sa vie mise à mal ? Et sa chevelure, trempant négligemment dans le flot rouge. Et les larmes, à peine séchés dans ses yeux rouges d’amour désespéré… Qui ? Puisque la guerre est utile… Tous ces prévoyants ont certainement planifié cette reconnaissance de l’âme des victimes, vous ne croyez pas ? Je crois que… Je crois que non. Je me suis réveillé dans les yeux de la jeune femme, où s’était éteinte la flamme de la vie.
Professeur K. : Bien. C’est très intéressant, nous avons bien avancé ce soir. Je pense que cela suffira.
Sujet 412#-52H : Non laissez moi parler encore un peu, je me sens penser. Je… Tout est brume en moi.
Professeur K. : J’ai dit que cette session s’achève, n’oubliez pas les sanctions. Nous allons passer à un traitement supérieur à présent pour vous guérir…
Sujet 412#-52H : Non, non je vous en supplie ! Je ne sais pas qui vous êtes, non pitié ! Je ne veux plus souffrir.
Professeur K. : Cette session est terminée, et vous aurez la pire de toutes les sanctions ce soir.
Sujet 412#-52H : Non !! Arrêtez. Mais qu’aie-je fait ? Pourquoi, je n’ai rien fait ! Non, nooon…

mercredi 9 mai 2007

Newsletter Liberbidurousteinienne [ édition exeptionnelle autorisée par le ministère Liberbidurousteinien ]

Numéro Exeptionnel de la Newsletter Liberbidurousteinienne
(publication interdite depuis l'article du 14 novembre 2006 de la charte internationale sur la presse pamphletaire, autorisée exeptionnellement par le gouvernement Liberbidurousteinien)

Le 9 mai 2007, à Sylvania, propos de Gnouffy Von Gnoufwiller recueillis par Franck Delgado en rapport avec les accusations proférées par l'AFP le 5 mai.

" Je serais bref, on m'attend pour de nombreuses entrevues parlementaires. J'ai tenu à m'exprimer dans cette triste affaire seulement à présent pour que la critique se calme, nous connaissons la virulence de ces gens là quand on les pique trop vite au vif.
Je tiens tout d'abord à remercier la Newsletter Liberbidurousteinienne de me léguer ces quelques lignes pour clarifier ce qui doit l'être aujourd'hui dans les plus brefs délais. Je ne tiens pas à faire état des élucubrations mensongères qu'a proféré en la journée de samedi 5 mai de cette année un certain journal dont je ne citerai pas le nom, et qui ne se prive pas de polémiquer ouvertement sur histoiresbreves.blogspot.com. Je tiens plus longuement à excuser tous les lecteurs de cette grave méprise.
Naturellement, moi et ma sublissime bonne foi ne tenons pas à nous libérer aussi simplement des pâles accusations retransmises ici par un certain Anodos. J'avoue au nom de tous les écrivains liberbidurousteiniens et au nom des koalas sibériens (qui n'en ont absolument rien à foutre) que certains des textes publiés récemment sur histoiresbreves sous le pseudonyme gnouffiste étaient parfois un peu long, et la publication était dominée par les gnouffistes, tout cela est vrai. Mais n'allez pas croire que ces textes se donnaient la prétention d'obtenir un monopole quelconque, au contraire, c'était trop attristé de voir la désertion massive des écrivains de ce site que les gnouffistes ont décidé de combler les vides pour que l'opinion publique ne manque pas de textes à lire et critiquer, pour que les milliers de lecteurs qui chaque jour visite histoirsebreves ne soient pas jetés devant un fait accompli : certains ici semblent avoir bien plutôt laisser leur place que de se l'être fait prendre à force de violence par les gnouffistes !
A propos des dites violences dont on m'a accusé, je vous encourage à prendre au plus vite contact avec le comité principal de sécurité d'histoiresbreves, ainsi que les dirigeants, qui vous confirmeront qu'aucune menace n'a été faite dans les rouages du site internet pour privilégier tel ou tel écrivain !
Mais, sans vouloir bien sûr créer de conflits, car bien entendu je suis très ouvert, très sympathique, et que j'ai déjà pardonné leurs erreurs aux auteurs des accusations, j'ai de fortes raisons de penser que le pamphlet qui m'a été adressé, à moi ainsi qu'à tout un pays, était motivé par une certaine somme d'argent probablement offerte d'un de ces jaseurs à un autre fait du même bois.
En attendant lecteurs, je continuerais à publier pour les plus fidèles, et promet de travailler plus (pour gagner plus), et pour votre occupation de lecteur.
Et comme on dit au Liberbiduroustein, la baignoire est pleine avant de se renverser, mais il y a des arbres dans la forêt..."

dimanche 6 mai 2007

Trouver l'intrus

Les deux textes suivants sont des adaptations d'un seul et même poème. L'une d'elles a été rédigée par Van der Houtenberg, écrivain, vous me croirez bien sûr, anglophone; l'autre par l'acteur M. Van Damne. Saurez-vous les distinguer?

Version 1:
The dimming blue darkening of the falling sky
The green of once brown and still to come
The arching flight of the fellow fowl
Predicting the brewing storm soon to be unleashed

The waivering courage of him who says bye
The rebirth of one once too much sought as home
The fright of life-threatening or -bearing growl
Remembering the future as he has it already reached

Version 2:
La blue vaporeux qui se darken tu vois du ciel qui fall
Le green de trucs une fois brown et encore qui vient
Le vol archingEEE de l'ami faoul
qui prédit le storm qui se prépare et qui bientôt se déleashera

La courEIge waiveringEE de lui qui dit BYE
le wenaissance d'un truc qu'à une époque on cherchait trop comme un HAOME
La peur du Graoul qui menace ou même tu vois ptet même qui porte la vie
Et y's'souvient du futur qu'il a déjà atteint tu vois

samedi 5 mai 2007

Paru dans la presse 3

AFP- Samedi 5 mai
De notre correspondant à Athènes
A onze heures ce matin, une foule compacte s’était déjà rassemblée sur la place du Parthénon, à Athènes ; mélange coloré de Grecques de tous horizons venus exprimer leur mécontentement face aux dérives récentes du site http://histoiresbreves.blogspot.com. 150 000 manifestants selon les organisateurs, 50 000 selon la police.

Pour comprendre leurs revendications, il suffisait de tendre l’oreille et d’écouter le slogan inlassablement scandé par les manifestants : « Gnouffistes dehors ! Vive la liberté d’expression ! ». Derrière ce spectacle certes alarmant de dizaines de milliers de manifestants appelant à la chute d’un parti littéraire- est-ce là la démocratie ?- se cache une réalité encore plus sombre.

Ces derniers mois, un parti littéraire représentant le mouvement gnouffiste (du nom de leur fondateur, le guru Gnouffy von Gnoufwiller) a subrepticement pris en main toutes les opérations d’écriture du désormais célèbre histoiresbrèves.blogspot.com, véritable plateforme pour les futures fines plumes et perles rares de la littérature grecque.

Selon Mme Roya Segopopoulos du quotidien El Mondopopos, les agents gnouffistes auraient progressivement évincé les écrivains des autres mouvements littéraires en submergeant le site de textes bien plus longs que la norme conseillée par le personnel d’édition : « Les textes publiés ne doivent pas dépassé le stade 3. Or, les gnouffistes ont régulièrement et impunément présenté des textes de stade 4. »

Selon le journaliste Nicos Sarkopopopoulos du Canard déchaîné, des agents gnouffistes auraient même pris d’assaut le quartier général de la section Europe orientale d’histoiresbrèves, brutalisant le personnel d’édition et assassinant le président exécutif, M. Stéphane Inipopos : « En effet, le problème n’est pas que les textes gnouffistes étaient de stade 4, car cela est faux, Madame, ils étaient de stade 3. Cependant, il est vrai que les gnouffistes ont eu recours à la violence pour prendre directement en charge les opérations d’histoiresbrèves.blogspot.com, violant ainsi les règles fondamentales de notre démocratie. »

Ces allégations restent cependant invérifiées, et selon le chef de la police athénienne, M. Ipsos Flicopoulos, « tous les textes gnouffistes, à une exception près, étaient de stade 3, mais la théorie du complot avancée par M. Sarkopopopoulos n’est fondée sur aucune donnée fiable ».

Gnouffy von Gnoufwiller, interrogé cette semaine sur ces faits, a déclaré : « Lorsqu’on me mît au courant des accusations à mon égard selon lesquelles j’aurais violemment brutalisé le personnel d’une institution littéraire aussi respectable que histoiresbreves.blogspot.com, j’entrai dans une colère saine et justifiée. Je ne peux faire les frais du manque de créativité des autres écrivains. Ce n’est pas parce que les écrivains de mon parti son plus prolifiques que les autres que nous devons être accusés à tort et à travers de tous les maux de la terre. »

A la suite des mouvements populaires massifs, les autorités de régulation devraient rapidement émettre un communiqué pour éclaircir la situation. D’ici là, les gnouffistes gnouffent toujours, à défaut d’un écrivain désirant s’y frotter pour y mettre un peu de concurrence.

mardi 1 mai 2007

Ne lisez pas !! Cette Histoire Brève est trop longue !!

Ecriture d'invention, une nouvelle fantastique, à rendre demain en cours de francais...

- I -


Le jeune homme posa son mince bagage sur les pavés de la place à demi éclairée, les yeux captivés par l’agitation qui régnait autour de lui. En bouffées spasmodiques, l’effroi montait jusque dans son ventre, aussitôt remplacé par l’émerveillement et une sorte d’euphorie qu’il ne se connaissait point. On lui avait déjà parlé d’elle dans des récits passionnés, de toute sa magnificence dévoilée au jour sous les éclairs divins des cieux, lorsqu’elle se présentait aux admirateurs dans les atours somptueux d’une douce demoiselle emplie d’autant de mystères que d’insondables beautés. Elle semblait être de ces douces femmes qu’on ose ne regarder qu’en coin, tellement éberlué de toute la poésie qui émane de leurs traits, de leur robe ensoleillée. Et depuis de longues années déjà, notre jeune homme se prenait à rêver de tant de poésie réunie là-bas quelque part, derrière les frontières de son pays. Dans son imagination enflammée par les écrivains romantiques dont les ouvrages annotés recouvraient son chevet, il voyait l’absolu, le but de toute vie dans la recherche d’une beauté suprême sur terre. En elle, on pensait, on comprenait. On la lui avait décrite comme la Vie, fourmillant dans ses tempes, chaudes du sang qui y circulait. Et dans ses accueillantes fossettes semblait naître la réconciliation dans l’art du monde, pour l’art de l’Humanité…
Paris.
C’est cette ville fabuleuse dont on ne lui avait conté qu’un piètre échantillon des merveilles qu’elle exhalait. Mais au jour seulement. En cette année de 1831, et dans ses premiers instants d’étranger dans une ville inconnue, le jeune homme restait figé de toute la splendeur qui se montrait à lui, l’âme nue, et le cœur incandescent, devant cette vision de la nuit parisienne. Il suffoquait presque d’intenses émotions, confronté à cette face nouvelle de la ville qu’il avait jusqu’alors ignorée. En effet, de part et d’autre de la rue, s’enchaînaient d’irréelles luminosités et de sombres porches où on devinait les remuements d’innombrables créatures de la nuit. Les lumières troubles se frayaient un passage par les vitres crasseuses des débits de boisson bondés. La nuit, Paris s’enfonçait dans les racines du vice et de la débauche, l’argent du jeu et des femmes faciles dictant alors les lois de ce milieu ingrat, en chaque instant. Ca et là des gens de tout âge déambulaient sous l’emprise de l’alcool aux bras de compagnes d’une nuit, qui riaient avec force de tout, écaillant leur couche protubérante de maquillage. Dans cet univers d’obscénités putrides et de glauques immoralités, notre jeune romantique se sentait transporté dans des illusions dantesques, enflammant son désir d’orgies dégoulinantes de boissons et de femmes. Lui qui avait si longtemps vécu dans le calme et la sérénité familiale, toutes ces questions lui étaient bien étrangères. Certainement qu’en ces instants de la découverte de Paris et gagné par son euphorie grandissante, il ressentait le besoin de laisser s’exprimer les plus sombres de ses sentiments tout au long de cette nuit d’enfer… Se chargeant à nouveau de sa modeste valise, il s’engagea dans une ruelle éclairée par un réverbère mourant, le visage animé d’une expression nouvelle. A mesure qu’il évoluait, il observait chaque vitrine endormie des échoppes et des bazars, et s’arrêta finalement devant « le comptoir des illusions » qui faisait salle comble. Une profonde bouffée de chaleur vint à son visage lorsqu’il ouvrit la porte, les cris et les rires se mêlaient au brouhaha ambiant qui allait se perdre dans les plafonds. Une nappe de fumée flottait à hauteur de tête, si bien qu’on distinguait assez mal les visages dans tout cet air vicié de tabac. La pièce surprenait par sa grandeur qu’on ne pouvait supposer de l’extérieur. Il y avait un grand espace à gauche de la porte où s’amassaient des tables recouvertes de bouteilles vides, et où s’attroupaient en bandes les clients. Par endroits, l’agitation semblait atteindre son paroxysme à cause de jeux de cartes ou de dés. Tout au fond de l’endroit se trouvait une petite scène de planches masquée d’un rideau ocre. Les coulisses donnaient certainement sur une rue annexe, car on ne distinguait point de portes dans la salle. Le jeune homme se délecta des plaisirs du jeu pour ceux de la boisson, et s’approcha d’un pas décidé vers le traditionnel comptoir, juste à droite. Une rangée de coudes occupait presque toute la longueur déjà, mais il finit par trouver un petit espace entre deux hommes. Le premier, de forte carrure, lui tournait le dos, l’autre par contre attira rapidement son attention. Il était relativement grand, vêtu simplement, mais son élégance traduisait une certaine importance. De petits yeux noirs dardaient dans tous les sens des regards furibonds, humectés de boisson, au milieu d’une tête rondelette où s’écrasait un énorme nez surmonté d’une bosse osseuse. Des cheveux filasse et trempés de transpiration tombaient sur des joues rebondies. Quant à l’extrémité de la face rougeaude, un double menton tombait sous des lèvres ratatinées pour aller se perdre dans un large cou. Dès le premier abord, on sentait chez lui une profonde maîtrise de soi, une parfaite connaissance du monde et de ses instances. On sentait qu’il n’était pas là par hasard, que son pauvre vêtement ne représentait pas véritablement sa personnalité ou son statut social. Car il n’y a que deux choses en ce monde qui confèrent cette sorte de respect, c’est l’argent et les fréquentations. Insidieusement, le jeune homme calcula qu’il avait certainement devant lui le meilleur guide qui soit pour découvrir Paris. Il s’approcha timidement ne sachant trop que dire. Mais il n’eut pas besoin de cette formalité.
« Tu veux boire, l’étranger ? demanda sans détours l’inconnu. »
Il répondit par un rapide hochement de tête et s’installa en face de l’homme.
« Deux verres de plus pour mon ami ! La nuit sera longue. Oh oui je le crains, les festivités mondaines du bas peuple attirent en ces lieux de bien belles choses. Lança-t-il à l’adresse d’un groupe de femmes un peu plus loin. Comment t’appelles-tu, toi et ton bagage ? Et d’où viens-tu donc, par une pareille nuit ?
- Je suis Karl Strawbach, en visite à Paris tant que ma bourse me le permettra, et si possible pour découvrir et apprendre l’art français, car je suis peintre.
- Que diable ! Que diable me dis-tu là, simple d’esprit ! Etudier l’art ? Il n’y a en France à découvrir que le vin ! beugla l’homme pour toute réponse.
- Soit, mais je n’en connais que la réputation.
- Qu'à cela ne tienne ! Bois ceci. Et laisse moi le temps de vider mon verre avant de répéter à nouveau ton nom, et celui du pays où ta chère maman t’as mise au monde. Répondit-il joyeusement. Tu excuseras mon impolitesse, mais il semble qu’à pareille heure, avec de pareilles vinasses, je ne sois plus en mesure de penser. »
Karl but son verre d’un trait et sourit à son tour à l’ivresse de son interlocuteur. L’alcool pénétra lentement dans sa gorge, un vin râpeux qui lui brûla la langue. La fatigue du long voyage s’envola dans le fond de son verre, et le liquide raviva en un rien de temps la douce flamme qui perdurait dans ses yeux bleus. En quelques mots il ajouta qu’il venait de Norvège, d'une petite ville près d’Oslo où il avait passé la majeure partie de sa vie.
« Bien, jeune homme ! Quant à moi on m’appelle Jean Baptiste Sigognet, rappelle-t-en à l’avenir, ici mon nom peut te servir. Je suis acteur. Il avala une rasade d’alcool et enchaîna : Le monde du spectacle très cher, voilà quelque chose de sensationnel. Les sensations de l’image et du papier ne valent rien comparées à la réalité, à la recherche vraie des mouvements dans l’espace, aux sentiments que délivrent le corps sur la scène. On n’a jamais touché la foule en liesse que depuis la scène, quant à tes tableaux, tu apprendras bien vite que ce n’est que du baratin d’intellectuels. Les corps mouvants sous la chaleur des lumières peuvent seuls animer les aspects les plus sombres et les plus beaux de la vie ! »
Comme pour illustrer ses propos éclairés sur l’art et ses modalités, aussitôt qu’il eut prononcé le dernier son de sa phrase, une agitation affairée se fit entendre près de la petite scène de planches, au fond de la salle. Il semblait qu’un spectacle se préparait pour les joyeux fêtards. Toutes les têtes se tournèrent vers le rideau ocre qui s’agitait par endroit. Les petits yeux noirs du compagnon de Karl ne ratèrent rien de la scène et brillèrent d’un éclat nouveau…
« La voilà qui arrive ! dit-il avec un sourire complice. »
Karl qui ne comprenait pas regarda plus attentivement la scène, se demandant avec une curiosité toute particulière ce qui allait bien pouvoir sortir de ce rideau mystérieux. Jean-Baptiste tourna tout à fait son tabouret vers la scène, ne s’occupant plus du jeune Karl, trop attiré par le point central de l'attention, au fond de la salle.
Effectivement, une silhouette était apparue, hésitante, derrière le rideau, côté jardin. Karl écarquilla les yeux pour mieux apercevoir ce singulier personnage. C’était une jeune femme. Elle était habillée d’une robe blanche qui encadrait parfaitement sa fine taille, et qui finissait vers le bas en légers volants de tissus presque transparents. Plus bas encore, de magnifiques jambes surmontaient deux petites ballerines de cette même couleur immaculée. Elle avança à pas lents vers le centre de la scène, et enfin il put la voir enfin sous la clarté des bougies. C’était un ange. Véritablement. C’était un ange descendu de son ciel dans les limbes de l’enfer, ici bas. Karl resta littéralement bouche bée, figé. Pas le moindre de ses membres n’esquissa un mouvement, et dans ces instants de béatitude complète, le sang aurait pu s’arrêter de couler dans ses veines qu’il n’aurait pas senti la mort. Cet être faisait luminaire dans la sombre pièce, l’innocence et la pureté semblait flotter autour de cette merveilleuse vision de l’universelle beauté. Ces mains croisées sur son sein, le teint frais de son visage aux traits parfaits sur ces deux épaules nues et nacrées, toutes ces choses et bien d’autres encore s’imprimèrent instantanément à l’encre de l’âme sur le cœur du jeune homme, subjugué.
Une lente musique s’éleva alors depuis les ombres derrière elle, et la danseuse commença avec solennité à se mouvoir sur les planches. Un joli sourire éclairait son visage légèrement penché, rayonnant. Plus un son ne se faisait entendre du public suspendu aux majestueuses enjambées de la nymphe. Les esprits les plus soumis aux virulences de l’alcool même se turent, et pas une carte ne tomba, pas un dés ne fut lancé pendant ces quelques minutes de recueillement divin. Les notes qui sortaient des profondeurs dictaient avec une exactitude toute en prouesse les pas de danse, tandis que les jambes de la danseuse virevoltaient avec passion dans les airs. Et à chaque nouveau déplacement, chaque regard plongeant que la jeune fille jetait au public, Karl Strawbach se sentait partir jusqu’au septième ciel, agité par des sentiments plus forts encore que ceux qu’il avait éprouvés lors de son arrivée dans la capitale française. Son cœur chavirait au gré des tensions que provoquait la superbe danseuse qui évoluait à quelques mètres de lui. Parmi la vague d’amour, de passion et de désir qui noyait son âme, une question l’assailli. A quoi bon se contenter de plaisirs futiles et éphémères dans un monde d’hommes noyés dans des ersatz de sentiments, quand quelque part existait un coin de vie au milieu des nuages immaculés de l’amour, à bien des lieues spirituelles d’un monde trop humain, là où s’enracinait la pureté éternelle ? Car cette femme en était bien la représentation vivante, et il n’imaginait plus la vie sans elle, ayant déjà son image gravée dans la tête. Ses yeux épousaient encore le frêle corps de la déesse, et, de pair, sa pensée ne se consacrait qu’à elle, lorsque enfin arriva le dernier accord de la musique, et que la fille disparut dans une dernière pirouette derrière le rideau qui se refermait déjà.
Encore abasourdis, les clients du bar ne prononcèrent aucune syllabe pendant quelques secondes, jusqu’à ce qu’une maîtresse bien en chair éclatât de rire en levant son verre. Ce fut là le signal pour que les festivités reprennent. Et en un rien de temps, les pichets de vin étaient à nouveau remplis, le brouhaha incessant. Il n’est de plus tristes afflictions que l’alcool qui brûla toujours bien plus de cœurs que de foies, mais le monde va toujours en sa triste compagnie, déjà les âmes sensibles de ces braves gens s’étaient rendormies de leurs émois…
Karl, quant à lui, était toujours dans une transe contemplative, le regard dans le vague dirigé vers la scène que venait de quitter l’objet de ses rêves. Ce fut Sigognet qui l’en sortit avec une tape amicale sur l’épaule.
« Eh bien mon garçon ! Joli bout de femme n’est-ce pas ? dit-il en lui tendant une autre coupe remplie. »
Strawbach tourna la tête vivement vers Jean-Baptiste Sigognet, presque en sursautant. Comme pour exorciser ce qui occupait toujours autant son esprit, il but le verre d’un trait, et pris à pleine main le pichet posé près d’eux pour le porter à ses lèvres. Du vin dégoulina en petites cataractes le long des fines rides autour de sa bouche, arrosant fortement du liquide rougeâtre son vêtement. Sa pomme d’Adam effectuait des allers et retours le long de son cou décharné tandis qu’il buvait l’amère boisson avec un entrain tout particulier. Il déglutit enfin, jetant à terre le pichet vide, imbibé.
« Jeune étranger, te voilà déjà bien formé aux plaisirs de Paris ! Rugit Jean-Baptiste.
- Monsieur Sigognet, commença-t-il après avoir repris sa respiration. Croyez-vous en l’amour éternel et ses passions meurtrières autant qu’en le pouvoir sensationnel de votre art du spectacle ?
- Que me chantes-tu là, drôle !
- Je veux la revoir, je la veux à l’instant. Je… Il avala difficilement mais parvint à finir finalement d’une traite : Je l’aime ! Avez-vous vu ce corps autant que moi ? Avez-vous vu cette âme qui s’exprimait pour nous ? Je ne peux plus en croire mes yeux. Dès que mes paupières se ferment, c’est elle que je vois maintenant. Je veux la voir. Connaissez-vous l’amour véritable quand il vous déchire le cœur au détour du chemin de la vie ?
- Oh oh ! Que d’éloges pour notre amie. Répondit l’autre, amusé. Serait-ce donc pour l’amour que tu bois tant ce soir ?
- Tu la connais donc ! Oh, par le ciel, montre-la moi. Dis moi au moins son nom, qu’il alimente lui aussi mon âme de douces consonances. Je t’en prie, je t’en supplie au nom de ma vie, fais moi la voir si tu la connais. Montre-la moi enfin, avant que je ne sois contraint de me tuer ! Cria Karl, fou de désir.
- Mon dieu ! Mais, par ce ciel par lequel tu jures, tu l’aimes en effet de toute la force de ta pensée, c’est vrai, comprit Jean-Baptiste, semblant retrouver un peu de lucidité. Eh oui bien sûr, je connais cette créature qui te torture déjà, comme je connais bien des gens dans cette ville. Mais connaître n’est pas côtoyer avec aisance ! Il m’est impossible de te la présenter aussi facilement que tu l’espérerais mon pauvre ami…
- Aaaaah non, je ne peux supporter de telles paroles, murmura le jeune homme dans un souffle inquiétant. Laisse moi mourir alors à l’instant de mes passions illusoires…
- Attends ! Serais-tu donc ivre, ivre d’on ne sait quel pouvoir qui dévasterait l’esprit d’un homme, à la force même des passions négatives qu’emplissent parfois les cœurs allégrement poètes de jeunes hommes vivant aux vents incertains de leur au-delà de fortune ? Calme-toi donc ! Ordonna-t-il. »
Jean-Baptiste promit au jeune homme qu’il tenterait de le présenter à elle, mais qu’il ne pouvait être sûr de rien. Il n’avait rencontré l’artiste que très rarement auparavant. De plus la critique affirmait que si par le passé elle avait été adulée dans tous les cafés parisiens pour son jeu de scène sublime, aujourd’hui elle ne sortait plus de son lit que pour faire quelques représentations sur des scènes miteuses. Il courait aussi des bruits affreux, selon lesquels elle faisait une grave dépression, elle buvait plus que de raison, et était en soin, surveillée par un médecin. Elle s’appelait Fanny Eissler.
Dans le bruit de la salle, Karl buvait les paroles de son ami sans rien dire. Il s’attristait presque, se prenant à imaginer cette femme magnifique, qui dansait avec toute la puissance et la hardiesse de son corps tout à l’heure, allongée souffrante dans un lit. Il effaça cette vision négative des synapses de ses neurones pour ne garder que les yeux hypnotisants de Fanny.
Dans de telles conditions, Sigognet ne lui offrit qu’une possibilité, il ferait passé un mot de la part du jeune homme à la danseuse, et si elle le désirait, elle y répondrait…
« Ce soir ! clama Karl.
- Jamais, dans l’état où tu es. Pour cette nuit, cela suffira. J’ai encore beaucoup de choses à faire cette nuit, quant à toi, jeune homme, la fatigue et l’alcool tirent tes mirettes en d’horribles formes, tes paupières sont noircies. Je vais t’indiquer une adresse où dormir, si tu tiens encore debout. »
Il avait en effet du mal à rester assis convenablement. « Laisse moi vite un mot pour ta dulcinée, pauvre fou. ». Il prit de quoi écrire dans les pans de son manteau, et après avoir trouvé un morceau de papier assez large, il y inscrivit ces mots avec maladresse :

Admirable fée de la nuit
Je vous ai vu, je ne vous quitte plus
Et déjà mon âme erre, transie
De n'être pour vous qu'un inconnu

Ô, magnifique beauté
Je vous supplie, rien qu'un instant
De me laisser une dernière fois vous aimer
Et vous graver en moi pour 2000 ans.

Car ce soir mon coeur s'est envolé
Il ne tient plus qu'a vous de le ramener...


Les vers s’alignèrent sans rechigner sur le feuillet. Ils sonnaient dans sa tête comme de douces phrases d’éperdu amoureux. Il se remémorait en fait quelques lignes du poème à la fée d’Ivan Wilhem. Il signa sobrement de son prénom et tendit le document froissé à Jean-Baptiste.
En un instant, les deux compères furent à nouveau dans la fraîcheur de la ruelle. Sigognet, plus habitué assurément, aidait Karl à marcher jusqu’à une voiture qui attendait dans la nuit noire, non loin de là. Après s’être assuré que le jeune Strawbach était bien installé, Sigognet lança une adresse au cocher et s’éloigna.
Pendant ce temps là, dans les yeux du jeune homme, les rues de Paris défilaient à mesure que roulait la calèche, et il s’assoupit…


- II -


De chaleureux rayons de soleil matinaux se faufilaient à travers les maigres rideaux de la chambre, et venaient esquisser leur pâle lumière sur les épars objets étendus au sol. Le bagage du jeune voyageur était largement ouvert et ressemblait à un sac de jute. Son contenu était répandu par terre. On pouvait y voir pêle-mêle des pinceaux, des toiles roulées, une palette, quelques livres de diverses couleurs, ce qui ressemblait à un chevalet en pièces détachées, et encore bien d’autres outils dont seuls les peintres pouvaient connaître tous les noms. Cet assemblage hétéroclite jouait une étrange peinture d’ombres et de nappes de lumière avec l’astre du jour, juste au milieu de la petite chambre. Elle était relativement rectangulaire et dénuée de tout autre ameublement qu’un lit et une commode à la solidité douteuse. Vous vous imaginez bien que cette dernière ne prendra pas une place importante dans la suite de ce récit, bien que l’histoire du dit meuble cabossé nous aurait très certainement amené à des considérations intellectuelles très exaltantes, mais c’est bien plutôt du côté du lit qu’il faut se tourner maintenant. En effet la luminosité grandissante achevait d’y réveiller Karl Strawbach, chaudement emmitouflé dans les couvertures.
Il s’aperçut bien rapidement des effets secondaires de la soirée qu’il avait passé, et l’idée d’avoir rêvé ses premiers instants à Paris disparut aussitôt que les premières salves spasmodiques d’un dangereux mal de crâne l’assaillirent en douleurs acérées. Il songeait alors rester au lit jusqu’à ce que la faim, la soif et la douleur ne l’emporte dans les limbes de la mort, mais l’image de Fanny Eissler dansant sur son air d’outre-tombe le ramena totalement à la vie. Enfin, après le sourire satisfait de l’amoureux espérant, il se redressa de sa couche, parfaitement réveillé.
Au même instant, un carré de papier de la longueur d’un livre glissa dans la fente sous la porte qui fermait la chambre, à quelques mètres du lit. Probablement le messager pensait-il que le destinataire dormait encore, car Karl n’entendit pas un bruit derrière la porte. Aussitôt le feuillet déposé, le personnage en charge de la livraison avait dû tourner les talons, estimant là son devoir rempli. Toujours est-il que Karl ne s’attarda pas à de telles perspectives et se jeta de son lit pour se hâter d’en lire le contenu. Il empoigna fébrilement le papier et lut les trois lignes couchées là dans une écriture italique très soignée :

« Votre poème m’a véritablement touchée. Si vous le voulez réellement, passez me voir. 14 rue des Fauvettes. Fanny. »

Une joie indicible s’empara du jeune homme qui en quelques instants s’habilla de sa meilleure chemise, pour courir au logis de la bien-aimée. Sans même jeter un regard en arrière sur sa chambre parisienne, ni même sur sa commode cabossée, il partit en hâte.
La rue des Fauvettes était une très longue allée tout à fait à l’ouest de Paris, comme le lui avait indiqué un passant. Elle s’étendait sur près de cinq cents mètres et comprenait deux rangées de maisons de taille relativement appréciable. Le 14 était un pavillon cossu de deux étages, au milieu d’un vert jardin d’arbres luxuriants.
En un instant il fut introduit par une servante dans la chambre de Fanny Eissler. Elle se trouvait au rez-de-chaussée, vers l’arrière du bâtiment, il fallait parcourir pour y parvenir un long vestibule sobrement décoré, puis un large salon ouvert sur de vastes fenêtres qui arrosaient toute la salle d’une grande lumière. Enfin, la chambre. Un lit trônait au centre de la pièce, sous un volumineux lustre. Les draps semblaient être propres, mais leurs plis montraient qu’il y avait un certain temps qu’ils n’avaient été changés. La danseuse était couchée là, un faible sourire aux lèvres à la vue de son visiteur. Elle était fatiguée, et bien moins vaillante que la veille. Ils échangèrent quelques regards puis elle s’exprima en ses mots :
« C’est donc vous qui m’avez laissé ces mots d’amour hier ? »
- Je… Lorsque je vous ai vu mademoiselle, je ne pouvais plus penser à autre chose qu’à vous. Et si aujourd’hui je suis ici, et si aujourd’hui je suis venu jusqu’au pied de votre lit, c’est pour… Pour vous dire que je vous suis tout dévoué, car je vous aime. »
Sa douce voix de cristal laissa échapper un éclat de rire.
« Vous êtes bien gentil, monsieur. Et vous avez le mérite de la franchise, dit-elle avec fraîcheur. Certainement vous m’aimez. En tout cas, vous me plaisez. Cela faisait si longtemps que l’on ne m’avait dit de telles choses… »
Sur ces derniers mots, elle baissa les yeux, comme prise d’une profonde mélancolie soudaine, à la mémoire de souvenirs difficiles. Mais la voix de Karl lui fit redresser la tête, qu’elle avait très belle, le jeune homme pouvait désormais en juger.
« Ces choses, je vous les ait dites parce que je les pense au plus profond de mon cœur. Et mon âme voudrait vous exprimer tellement plus que je suis tout remué de toutes les larmes d’amour qui se déversent en moi. Combien me faudrait-il encore de milliers d’années pour vous répéter maintes et maintes fois mon amour pour vous, dans toutes les langues que notre père céleste a créer, dans toutes les expressions que l’homme sut inventer, jusqu’à cette journée. »
Le flot de paroles se déversait sans pause de la bouche de Karl, qui ne détachait plus ses yeux de la danseuse resplendissante. Même sans maquillage, elle était belle. Il était toujours debout face à elle, sous le lustre. Dans la continuité de ses paroles il ajouta :
« Mais je n’y pense plus, car nous avons l’éternité pour que je vous avoue toutes mes pensées pour vous.
- Ah tendre amoureux ! L’interrompit Fanny gravement. Tout ce que vous dites là est si attendrissant, si mignon que cela raisonne comme un souffle de vie dans mon cœur délaissé, et j’aimerais moi aussi pouvoir aimer avec tant de passion. Mais malheureusement, l’éternité n’est plus pour moi qu’une fade expression, quand je vais mourir dans quelques mois sans même connaître votre nom. »
Pantois, Karl la regarda fixement, la bouche tremblante. Comme il restait toujours interdit par la triste nouvelle après un temps qui parut bien long à la danseuse, elle se senti l’obligation d’être plus explicite. Elle avait fait plusieurs malaises lors de ces derniers mois, elle se sentait perpétuellement fatiguée et déçue de sa vie scénique. Elle avait même sombré dans l’alcool, sous la pression des critiques qui chaque soir la rabaissaient. Quelques temps de ce régime l’avaient tout à fait épuisée, et depuis plusieurs semaines elle passait ses journées au lit, visitée très régulièrement par son médecin. Ce dernier lui avait conseillé l’inactivité totale pour ce mal inconnu qui achevait de la détruire, mais, n’ayant plus que quelques mois à vivre, elle avait pris la décision de danser jusqu’à la dernière heure…
Karl écouta le dramatique récit de la vie de sa danseuse. Lorsqu’elle eut enfin fini, ils restèrent tous deux dans un silence de mort pendant quelques instants. C’est le jeune Strawbach qui rompit le silence.
En quelques phrases passionnées, il promit à la frêle danseuse qu’il resterait toujours à son chevet, qu’il viendrait la voir chaque jour. Il dit encore que si la Mort décidait un jour de l’emporter, elle, à cause de son mal inconnu, alors d’ici là, il l’aimerait, et qu’il fallait vivre.
Elle sourit finalement, et ils changèrent de sujet de conversation. Au moment de s’en aller de chez elle, en début de soirée, Karl Strawbach eut une idée : pour immortaliser ce visage dont il ne pouvait plus se séparer même dans les plus lointains de ses songes, il peindrait Fanny sur une grande toile, telle qu’elle lui était apparue au « comptoir des illusions ». Ainsi pour toujours, quand bien même elle ne serait plus là, il penserait à elle…
Les jours suivants, Karl vint régulièrement comme il l’avait dit au chevet de la danseuse. Il se rendait également à chacune de ses représentations pour la voir danser. Le jeune homme en oubliait totalement son but initial de visiter Paris, mais cela n’était plus pour lui à l’ordre du jour. Chaque journée que Dieu faisait, il la passait au pied du lit de sa nymphe, et chaque nuit, lorsqu’il s’étendait sur la couche de sa petite chambre, il rêvait de ses traits fins jusqu’au matin.
Pendant ce temps là naissait la reproduction de cette femme magnifique sur la toile du peintre. Il emportait chaque jour avec lui feuilles et crayons afin de faire des croquis de la jeune femme et il travaillait le soir de longues heures durant, s’acharnant avec les couleurs de sa palette. Il se sentait d’autant plus encouragé qu’au bout de quelques-unes de ses visites, Fanny Eissler lui avoua qu’elle en était certaine maintenant, elle l’aimait elle aussi. « Comme tu t’es offert à la pauvre femme que je suis par ton amour, ce matin moi aussi je suis à toi » murmurait-elle à son amant. Parfois, Karl croisait le médecin de la jeune femme qui lui parlait avec pessimisme de l’état de la jeune femme, qui s’aggravait. Le peintre réprimait alors ses pleurs et préférait aller embrasser son amour, plutôt qu’enliser son cœur dans les racines de la tristesse.
En effet, si dans les débuts de leur amour, la danseuse semblait retrouver des couleurs de jour en jour, dans les bras de Karl, depuis quelques temps elle perdait toute force. Bien souvent, ce dernier la trouvait lassée et en pleurs, parfois même elle le repoussa, lui et ses dessins. Elle disait : « M’aimes-tu vraiment ? Tu ne me parles plus que pour dire « tourne un peu la tête vers la gauche », ou « détache tes cheveux ». On dirait qu’il n’y a en moi que les croquis qui t’importent, tandis que je tente d’entretenir nos conversations… ». Karl, lui, ne comprenait pas cette déception qu’elle avait. Il semblait bien loin de la réalité, trop torturé à l’idée qu’un jour, elle disparaîtrait, elle qu’il aimait plus que jamais. Alors il se réfugiait dans le travail, et peignait la déesse parfois jusqu’aux premières heures du jour, pour en oublier son angoisse.
Un soir enfin, après près de quatre mois de travail acharné, elle était là. Là, en face du peintre qui put poser son pinceau pour l’admirer. Les traits étaient parfaits, chaque forme, il l'avait étudiée, taillée sur ses centaines de croquis. C’était elle. Il n’y manquait que la vie, à souffler entre ses lèvres minces. Son tableau était terminé. Il lui semblait qu’elle le regardait, debout dans sa robe, prête à recommencer pour lui sa chorégraphie. Le dernier coup de pinceau était apposé, le peintre épuisé. A mesure qu’il détaillait sa toile, il se remémorait chaque instant du premier regard qu’il avait eu pour elle.
Cela faisait trois jours qu’il n’était pas allé voir Fanny, trop absorbé par l’achèvement de son œuvre. Demain il irait lui annoncer qu’il avait terminé, demain il irait la voir…


- III -


« Elle est morte hier, tard dans la soirée. Je suis désolé. »
Morte. Cinq lettres incandescentes qui s’entrechoquaient dans la tête de Karl, brûlant les neurones sur leur passage, consumant chacune de ses tristes pensées avant qu’elles ne soient formées. Douleur indicible. Elle était morte. Morte dans la soirée. Il tentait désespérément d’imaginer la scène dans sa tête, il la voyait souffrante puis morte. Alors que lui, dans la moite chaleur de sa chambre transformée en atelier, il donnait le dernier coup de pinceau à sa toile. Il avait donné l’ultime touche de couleur à la vision factice, pour que l’être de la réalité s’échappe de ce monde. Doutes… La souffrance et l’incompréhension le frappaient comme mille lames, perçant son cœur de malheur, glaçant le sang dans ses veines.
« Je suis désolé. J’étais venu faire la visite habituelle, lorsqu’elle est tombée dans une terrible fièvre. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour la soulager, mais elle délirait, continuait le médecin d’un ton morne, dénué d’expression. Elle a déliré pendant plus d’une heure. Tantôt elle prononçait des phrases inintelligibles, tantôt je saisissais quelques bribes. Elle était pris de spasmes très douloureux et souffrait atrocement.
- A quelle heure est-elle morte ? Cria Karl, interrompant le médecin pour assouvir ses doutes.
- Pardon je… A quelle heure ? Minuit exactement lorsque j’ai regardé ma montre. Tout à coup elle s’est figée, s’accrochant à mon bras, comme si elle était en transe, et puis… Elle a murmuré « il a fini. », et elle morte. C’est terrible. »
L’ultime coup de pinceau. Karl chancela et laissa échapper un cri bestial.
« Elle délirait complètement à cause de la fièvre, vous savez, elle était dans un état… Méconnaissable. Au départ je comprenais un ou deux mots par-ci par-là, je crois bien qu’elle a parlé de vous. Et finalement j’ai senti que c’était la fin, elle marmonnait des phrases que je ne comprenais plus sur des sujets complètement aberrants, elle a même chantonné un air qui parlait de castors… C’était sinistre, elle avait perdu la tête. Et puis, « il a fini », et… »
Inlassablement, le médecin troublé et horrifié continuait le macabre récit de la fin de Fanny Eissler. Mais déjà, Karl n’écoutait plus. Lui aussi, il semblait perdre le contrôle de ses fonctions cognitives, il partait. Il se sentait voler loin de tout, l’esprit léger, mais alourdi par le poids de la mort et de la crainte, de l’indicible horreur et de l’irrémédiable tristesse… Il quitta la maison endeuillée les yeux remplis de larmes, et sans trop comprendre ce qu’il faisait, il déambula à travers les rues. Il était physiquement là, mais psychologiquement, il ne ressentait plus rien et ne voyait pas ce qui se passait autour de lui.
Sans trop savoir comment, sa course erratique le mena jusqu’en son logis, au pied même de la représentation de la danseuse. La lumière tamisée éclairait faiblement la pièce, et quelques rayons de soleil tombaient sur le tableau, vers le bas. Karl fixa difficilement le tableau et éclata en sanglots. Au même instant, un violent coup de tonnerre résonna dans toute la maison, accompagnant sinistrement les cris du jeune homme. On aurait dit qu’en l’espace d’une seconde, le jour avait fait place à la nuit, le beau temps à la foudre. La pièce prenait désormais des teintes de plus en plus inquiétantes, et tout semblait trembler sous la force de l’orage, sous le ruissellement d’une pluie diluvienne. Le tableau n’avait plus de couleurs, ou peut-être même n’en avait-il jamais eu. Prostré dans sa folie, Karl embrassait sans cesse les pieds de la toile, trempant de ses larmes la peinture.
Une détonation plus forte encore que les précédentes déchira le ciel embrumé de la place, et le vent rugit à travers la fenêtre de la chambre, glaçant le corps brûlant du jeune homme qui tomba à la renverse sous la puissance déferlante de ce souffle moribond. Et tandis qu’il relevait la tête, il fut pris d’horreur. La jeune danseuse le regardait plus intensément que jamais, mais ses yeux étaient sans vie. Elle tendait dans l’air l’une de ses ballerines, et si la moitié de son corps restait encore immergé dans les couleurs de la toile, l’autre moitié était maintenant bien réelle, dans la chambre. Karl sursauta de peur à cette vue, mais luttant contre ses appréhensions, son corps s’élança vers cette étrange hallucination. Elle avait toujours ses deux mains croisées sur le sein, et sa face s’animait d’un petit sourire.
C’est alors que des tréfonds de l’ombre s’ajoutèrent à ces sombres sons la lente et mélancolique mélodie sur laquelle Fanny Eissler avait dansé le premier soir de leur rencontre. Les notes criardes emplirent l’endroit, et la danseuse acheva complètement de sortir du tableau. Elle entama alors en rythme la chorégraphie, tournant et retournant encore sur elle-même, lançant ses bras dans l’atroce logique de la musique. Et au fur et à mesure qu’elle se déplaçait dans la pièce, elle devenait plus pâle et plus lente, et la mélodie sombrait dans la dissonance la plus totale… Un éclair de la foudre jeta à nouveau une lumière blanche sur la scène, et la danseuse fut prise d’un grand éclat de rire maléfique. Elle ressemblait à un cadavre ambulant, sa peau devenait poisseuse de décomposition au fil des mesures de l’ultime danse.
Karl pleurait, et sa voix se perdait en gémissements indistincts.
« C’est toi qui m’a tué ! Rugit la danseuse d’une voix grave qu’on ne lui connaissait point. Tu m’as peinte, plus que tu m’as aimée ! C’est toi et ton maudit tableau qui m’avez pris ma vie… »
Elle tournoyait maintenant autour du pauvre jeune homme qui se mouvait au sol de douleur. Ses cheveux n’étaient plus attachés, mais voletaient dans l’air sous les bourrasques du vent froid qui toujours s’infiltrait. Sa peau était squelettique et ses cavités oculaires se trouvaient maintenant vides… Sa bouche s’ouvrit sur une excavation noirâtre pour proférer encore et encore des accusations qui tombaient sur Karl comme un venin venu des enfers. Et toujours, elle souriait sarcastiquement. De sombres lueurs dansaient sur les murs tel le feu consumant l’âme du pauvre Karl qui murmurait faiblement : « Non. Je ne savais pas, je ne voulais pas… Non… ». Pour toute réponse la monstrueuse créature répondait en cris stridents : « Menteur ! Je t’ai aimé, et à l’heure même ou je t’ai aimé homme, je t’ai abhorré en tant qu’artiste ! Tu ne venais voir une mourante que pour en faire des croquis, que pour alimenter ton imagination désirante… ». Elle lui crachait des mots comme des plaies purulentes écorchant son âme de mille géhennes. En ces instants apocalyptiques, elle était l’incarnation du diable, la main vengeresse d’une âme bafouée par un amour désintéressé, ou subtilisé par l’art, qui ne fera jamais que reproduire les sentiments… Dans les tressautements macabres de son agonie, Karl hurla une dernières fois à la mort son innocence, mais sa voix se perdit dans l’ambiance funèbre de la pluie, de l’orage, et dans les rires ténébreux de la funeste danseuse qui semblait tout contrôler…
Le lendemain, aux premières heures de l’aube, lorsque Jean-Baptiste Sigognet arriva au logis de Karl Strawbach pour lui faire part de ses condoléances à propos de la mort tragique de Fanny Eissler, parce qu’il le savait éperdument amoureux, il le trouva mort. Il était affalé par terre au pied de sa toile, une bouteille d’alcool vide à la main, et la tête dans une flaque de vomi. Il avait avalé sa langue. Son visage était crispé et ses traits traduisaient un terrible effroi, une peur indescriptible… Il avait certainement souffert. Dans son tableau, la danseuse souriait...