Quelle est votre histoire préférée du Concours

jeudi 24 mai 2007

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Interrogatoire 19-[/trex] huitième session du sujet 412#-52H [UNIQUEMENT LA SECONDE PARTIE] – rapporté le 27 décembre 1988 à 4h47 – professeur K.

Professeur K. : Bien dans ce cas continuez.
Sujet 412#-52H : Il y a eu une période de flou, je ne voyais plus rien et tout semblait danser autour de moi, des milliards d’étincelles jaillissaient de l’ombre et semblaient arrêter leur traits incisifs dans la profondeur même de mes yeux. Je tentais en vain de les fermer, mais rien n’y faisait, inlassablement mes paupières restaient figées. Finalement des vertiges intenses me prirent, et de toute ma masse je plongeais dans des profondeurs infinies, comme tiré par une force invisible, qui me prenait juste sous les aisselles…
Professeur K. : Bien, hallucinations donc, le subconscient du rêve. Continuez…
Sujet 412#-52H : Vous prenez des notes de ce que je dis ?
Professeur K. : Bien sûr.
Sujet 412#-52H : La petite boîte prend déjà ma voix n’est-ce pas ?
Professeur K. : Le magnétophone, mais je vous ai maintes fois répété de ne pas vous arrêter à ce genre de détails lors de nos sessions. Je vous prierai donc de continuer…
Sujet 412#-52H : Je… Oui, monsieur. A un moment les étincelles s’arrêtèrent de danser autour de moi et… Petit à petit la ferme réapparu. L’atmosphère était beaucoup plus lourde vous savez. L’épisode précédent, c’était le matin je pense. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais sûr que cette deuxième vision se déroulait durant la même journée, plus tard, sûrement au milieu de l’après-midi. L’astre du jour crachait sa lumière, serré de près par des nuages noirs menaçants qui emplissaient le ciel de leur nappe brumeuse. J’avais peur, on aurait dit qu’un orage se préparait. Oh oui ! J’avais peur… C’est… Pensez-vous qu’il y aura un jour de l’orage ici ?
Professeur K. : Calmez-vous.
Sujet 412#-52H : De l’orage monsieur ! J’ai eu peur, je ne me suis pas réveillé pourtant. C’est curieux. Mais… En fait, je crois que j’aurais préféré me réveiller.
Professeur K. : Vous voyiez donc de nouveau la plaine aride, et la maison de la jeune femme ?
Sujet 412#-52H : Ah ! Oui. L’atmosphère était plus lourde, un peu humide et pesant, comme avant les grondements déchaînés de la foudre. Et… A ce moment là, un bruit assez violent déchira tout cet ensemble… Mais ! Je voulais vous dire…
Professeur K. : Oui ?
Sujet 412#-52H : Ce bruit. Ce n’était pas l’orage ! Non, en fait, le son venait d’un des pylônes électriques tout près de la maison. Tout en haut, il y avait un vieux haut-parleur fatigué par le temps qui était suspendu assez grossièrement. De sa bouche béante s’échappait un grésillement nasillard, un son aigu, comme une alarme d’alerte ! Et alors, la jeune femme est sortie de la maison en courant, laissant derrière ses cheveux voleter. Un homme la suivait. Il était un peu gros, calme. Il était beaucoup plus vieux aussi, un visage un peu rond et rouge. Des cheveux courts et gris. De profondes rides du sourire. Qu’il n’honorait pas pour l’heure… Ils sont tous deux aller jusqu’au pylône, et là, l’ont fixé en s’étreignant l’un l’autre, l’air inquiet. Oh, ils s’aimaient plus que tout cela se voyait. Leur visage collé l’un à l’autre, dans une expression toute particulière de grande complicité, ils faisaient un. Il semblait tellement ouvert l’un à l’autre, tout passait par ce regard qu’ils s’échangeaient, cette façon douce et agréable de s’étreindre dans la lumière du jour. De tout cela résultait une symbiose parfaite, aux relents paisibles. C’était beau… L’alarme s’arrêta enfin et une voix grave se fit entendre dans le haut-parleur. Les paroles entrecoupées tombaient abruptement sur le couple qui en buvait le sens en tressaillant. C’était un militaire du recensement qui parlait. L’annonce était brève, mais lourde de conséquence… Je ne me souviens pas des mots exacts, pourtant je les ai entendu ça c’est certain ! Cela disait… Attendez… Cela disait que la guerre était déclarée avec le pays d’à côté depuis quelques heures, et que chaque homme de plus de quinze ans devait se rendre dans les deux heures qui suivaient dans la caserne la plus proche, pour être affecté à l’armée gouvernementale. Les troupes partiraient en campagne. Toute insubordination à cet ordre national serait très durement sanctionné, et cela dans les plus brefs délais. Sur ces mots s’arrêtait le message. Le temps du rêve m’a paru très long à partir de ce moment là. Le couple s’est regardé, la jeune femme s’est mise à pleurer et l’homme l’a serré plus fort dans ses bras. Il n’allait pas partir à la guerre, il y était décidé. Leurs lèvres se joignirent, dans une union parfaite, éternelle. Je ne me souviens plus de ce moment, je crois qu’ils s’embrassaient toujours, mais quand tout redevint clair pour la troisième fois, la nuit était tombée presque.
Professeur K. : Oui, nous en arrivons à peu près à ce que vous m’avez raconté l’autre fois. Continuez je vous prie, jusqu’au moment où vous êtes réveillé.
Sujet 412#-52H : Oui. Il faisait presque tout noir donc, et il me semblait que l’homme et sa femme était toujours devant leur maison. Je ne sais pas ce qu’il faisait… Peut-être bien s’étreignaient-ils toujours. A ce moment là, j’ai eu peur, la tension est montée d’un cran de plus encore. Tout au bout de la longue route qui partait de la maison, des phares pointaient en direction de la ferme. C’était des camions qui arrivaient. Des… Des camions de militaires. Le couple s’échangea encore une série de regards chargés de tristesse, de déception aussi. Très grave. J’avais peur, c’était une scène horrible, et là encore ce rêve affreux ne m’avait mené jusqu’au fondement de son atrocité. Plus les phares se rapprochaient, plus la jeune femme gémissait dans les bras de son mari. Finalement les moteurs cahotants se firent entendre plus pressants, accompagnés de voix de militaires survoltés postés à l’arrière des véhicules. Ils se garèrent en alcôve devant la maison. Les mitraillettes pendaient aux épaules de tous ces soldats qui criaient tous ensemble en descendant des camions, l’air furieux, autoritaire. Ils entourèrent rapidement le couple qui ne bougea pas d’un pouce. L’un d’eux pris la parole, et désignant l’homme, il lui dit avec des mots très durs de le suivre immédiatement. Il ne s’était pas présenté à la caserne et devait aussitôt les accompagner pour rejoindre une compagnie disciplinaire sur le front déjà mis en place. Ce n’était pas discutable. Il répondit qu’il ne les suivrait pas. Le militaire a ergoté, juré, répété son ordre, en disant qu’une telle désobéissance à son pays lui coûterait très cher. Il a regardé sa femme qui pleurait et a dit non. Les soldats le regardaient avec une haine considérable, mais il restait fier de lui-même, fort, il ne chancelait point. Le supérieur a fait un signe aux hommes qui l’accompagnaient. Ils se remirent tous en branle, hurlant de tous les diables. Plusieurs d’entre eux se saisirent de l’homme qui vainement résistait, la jeune femme fut jetée à terre. Le supérieur s’approcha d’elle en dégainant une longue machette, il cracha sur elle, insulta l’homme que les soldats maintenaient. Il attrapa dédaigneusement la longue chevelure de la femme, levant son beau visage vers le sien rempli de haine. Alors, il leva son couteau, et d’un geste désinvolte lui trancha la gorge, juste sous les yeux de l’homme retenu par les militaires qui se débattait pour sauver son amour… Il hurlait de douleur, de pitié, mais rien n’y faisait. Un autre soldat s’approcha de la maison une grenade à la main. Il la dégoupilla et la jeta à travers la porte ouverte. Tous retournèrent aux camions avec l’homme sous bonne escorte, tandis que la maison explosait dans un retentissement infernal. Toute une vie partie en fumée dans les écumes de la folie humaine, juste… Comme ça. Juste pour une guerre… Encore une fois des cœurs déchirés. Mais il est si utile à l’Humanité de clamer les besoins de leurs actes, et les tristes conséquences qu’ils engendraient. Après tout, c’est nécessaire n’est-ce pas ? Mais qui donc s’attardera sur le sourire perdu de la jeune femme, sur sa peau mate qu’on laisse pourrir dans son sang au pied des décombres de sa vie mise à mal ? Et sa chevelure, trempant négligemment dans le flot rouge. Et les larmes, à peine séchés dans ses yeux rouges d’amour désespéré… Qui ? Puisque la guerre est utile… Tous ces prévoyants ont certainement planifié cette reconnaissance de l’âme des victimes, vous ne croyez pas ? Je crois que… Je crois que non. Je me suis réveillé dans les yeux de la jeune femme, où s’était éteinte la flamme de la vie.
Professeur K. : Bien. C’est très intéressant, nous avons bien avancé ce soir. Je pense que cela suffira.
Sujet 412#-52H : Non laissez moi parler encore un peu, je me sens penser. Je… Tout est brume en moi.
Professeur K. : J’ai dit que cette session s’achève, n’oubliez pas les sanctions. Nous allons passer à un traitement supérieur à présent pour vous guérir…
Sujet 412#-52H : Non, non je vous en supplie ! Je ne sais pas qui vous êtes, non pitié ! Je ne veux plus souffrir.
Professeur K. : Cette session est terminée, et vous aurez la pire de toutes les sanctions ce soir.
Sujet 412#-52H : Non !! Arrêtez. Mais qu’aie-je fait ? Pourquoi, je n’ai rien fait ! Non, nooon…

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