Quelle est votre histoire préférée du Concours

lundi 3 décembre 2007

premier jet

Bris de glace.

Sur l’étendue des eaux, une brume laiteuse se dissipe peu à peu. Pour seul phare le reflet des belvédères, autant de soleils enfouis sous la surface ondulante; pour seul esquif une frêle barque au bois vermoulu, seul sertissage digne du temps, qui, langoureusement, passe, s’étiole sous nos regards impuissants, s’effiloche entre nos doigts vieillissants. Les profondeurs insondables, nature obscurcie, obombrée par l’épanouissement de l’Homme, regorgeant de mystères inavouables, embaument d’une âcre amertume. Le long du serpent, vergeture grotesque tranchant l’urbanité en deux entités sécables, monstre bicéphale s’il en est, une verge impulse un mouvement lent, régulier, à une barque, comme un cœur moribond qui continue de battre, mais dont chaque battement semble s’arracher, à chaque fois davantage essoufflé, aux griffes acérées d’un vorace Kronos. Le père est mort. Aphrodite guette la chute de la semence originelle ; les Euménides et les Nymphes se débattent dans son sang.

Attentes.

Sous le pont au change, une grande figure encapuchonnée, recourbée sur elle-même, embryon ad mortem, passeur séculaire, venu reprendre ce qui lui avait échappé, chante l’hymne ad vitam (aeternam, faut-il qu’il m’en revienne, fuit à nos ébauches de définition).
Ce doux murmure envoûte. L’ébaudissement des animaux nocturnes s’affadit, disparaît, cédant à une macabre pression inarticulée, échappant aux sens, et pourtant bien présente dans les âmes encore éveillées. Frottement rauque de la barque qui accoste le quai, rive droite. Le spectre sort de sa besace un moineau, sans vie, le dépose en une pose marbrée.

Subitement, un souffle l’assaillit. Une dague le transperce. Le rideau de brumes, voile de Maya et sibyllines frontières du spirituel, s’effondre. La mort pâlit. Son vaisseau se désagrège, et, tel le parfum volatil s’envolant avec la première bise, disparaît. Le soleil gagne du terrain. Le moineau se dégourdit les ailes, sautille d’une joie à peine recouverte, se pâme devant la vie naissante ; il lui faudra la séduire une seconde fois- mais là est bien le tenant de la chose : une SECONDE fois. Car nous renaissons.

Crépitement du feu.

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