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jeudi 20 mars 2008

L'aube des temps

Cela remonte à l’aube de la création. A une époque où le temps lui-même n’avait pas de sens, et les éléments étaient distincts les uns des autres. Le Feu était avec le Feu, l’Eau avec l’Eau, le Vent avec le Vent et la Pierre avec la Pierre. Nul mélange, nul contact entre ceux là.

Il existait une flamme. Vacillante. Mourante. Incapable de prendre de l’ampleur, elle était méprisée par le puissant brasier. « A quoi bon te nourrir, la moindre petite brindille t’étoufferai ! Pars, je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. Tu n’es plus mon fils ! Tu n’es plus Feu ! »
Plus de raison de vivre pour la flammèche. Contrainte de quitter le foyer, elle voulut partir loin, le plus loin possible. Parce que Flamme quitta la chaleur du brasier, elle connu ce que nulle flamme ne peut connaître : l’absence de chaud. L’absence du plein. L’absence du tout. Bien trop faible pour subvenir à sa combustion, Flamme s’évapora, et mourut. Du moins le crut-elle. Elle existait, sans exister. Minuscule morceau de rien bannie des éléments.
Il subsistait pourtant un désir profond, bien plus grand qu’elle, enterré si loin en elle qu’elle ne pouvait le percevoir. Submergé par la honte de la perte de sa nature, elle ne l’entendait pas.
Elle était chaleur, elle devint froideur. Ne se reconnaissant plus elle-même, elle devint folle et erra de longs siècles parmi les autres éléments. Les pierres furent les premières à remarquer que quelque chose ne tournait pas rond. Ici et là naquirent des rumeurs sur Néplufeu.
Une infime particule de froid absolu se déplaçait sans but précis sur terre, mais là ou elle passait, la chaleur disparaissait et le temps balbutiant s’arrêtait à jamais.
Au début, cela ne posait pas trop de problèmes. Elle n’était qu’un petit rien. Mais par conséquent elle n’avait rien à perdre non plus, tout à prendre, et l’éternité devant elle. Petit à petit, Néplufeu devint de plus en plus froid, et de plus en plus prompte à propager le froid et à l’accumuler. En effet, à l’instar du feu qui grandit lorsqu’on le partage, le froid aussi prend de l’ampleur en se rependant. Mais Néplufeu ne devint pas plus grande, non : elle devint plus intense, et ses ravages étaient à son échelle.
Avec le temps le sol se gelait sur son passage. Arriva le jour où la Pierre se fendit.

« IMPOSSIBLE !!! Je suis indestructible ! Qu’est tu donc pour blasphémer ainsi ?
- Mon nom est Néplufeu, c’est tout ce que je puis te dire.
- Te rends-tu compte de l’absurdité de tes actions ? Tu me détruis ! Hier encore j’étais Un ! Et me voilà multiple !
- Ce n’est pas mon but… Je n’agis pas : je suis. Je n’y peux rien.
- Alors hors de ma présence ! Laisse-moi ! Tu as commis suffisamment de dégâts ! »
Nullement coupable car n’ayant fait qu’exister, mais conciliante, elle accepta la requête des Pierres; Néplufeu s’en retira vers d’autres contrées.
Elle rejoignit le Vent, qui en premier lieu s’amusa de l’insolite nature de son hôte et des mouvements générés en son sein par les différences de températures. Vint le jour où il réalisa qu’il était devenu immobile. Le froid l’avait paralysé. Dans un ultime souffle, il la supplia de partir : « Je t’en prie, laisse moi vivre ! Va t’en, car ta présence signifie ma mort ! Je ne PEUX PAS ne pas être en mouvement ! »
Néplufeu quitta donc le vent, et lorsque qu’elle rencontra l’Eau, ce fut pour son plus grand désespoir. « Qu’est ce qu… je ne suis plus liquide ??? Je ne suis plus liquide !!! Hey toi ! Que fais tu chez moi ?
-Mon nom est Néplufeu, je suis chez toi car je détruis tout ce sur quoi je passe, et les autres éléments m’ont prié de les laisser vivre. »
Terrorisée, l’Eau la supplia à son tour de partir.
« Personne ne veut de moi, répondit Néplufeu. Je n’ai nulle part ou aller, je resterai donc ici.
- Il reste le Feu ! Lui est peut-être assez puissant pour t’accueillir, mais par pitié sors de moi!
- Le Feu… J’existe à cause de lui… J’étais en lui, mais il a refusé de me garder en lui, alors que j’étais Feu, comme lui. Pourquoi voudrait-il de moi maintenant ? »

A ces révélations, le conseil des éléments se réunit pour mettre fin à la menace que Néplufeu représentait. Jusqu’à ce jour, personne ne savait d’où venait Néplufeu car le Feu est un élément bien trop éphémère pour se rappeler d’évènements vieux de plusieurs millénaires. Mais pire encore, personne ne savait ce que Néplufeu était.
Elle était comme la Pierre : éternelle, immortelle. Elle était comme le Vent : insaisissable. Par ces faits, ces éléments étaient impuissant contre elle, car par bien des points ils étaient trop semblable et aucun de ces deux là ne pouvait la tuer sans par là même mettre fin à sa propre existence. Quant à l’Eau, elle refusait de s’engager seule dans un combat perdu d’avance. Ces trois éléments pressèrent le Feu de réparer les dégâts qu’il avait causés.
Feu et Néplufeu furent mis en présence l’un de l’autre :
«
-Père…
- Pourquoi m’appelles-tu ainsi ?
-Vous m’avez rejeté il y a des éons, par honte de ma faiblesse. Et condamné à mourir.
-Je… je ne m’en rappelle pas.
-Je vous en supplie, reprenez moi en vous, je suis fort maintenant ! »

Et sans lui laisser le temps de réagir, Néplufeu se jeta dans Feu. Le froid de Néplufeu se répandait et le renforçait et il en allait de même pour la chaleur de Feu, cela pendant des centaines de siècles. Ils se séparèrent l’un et l’autre, épuisés, mais rendus incommensurablement forts.
Néplufeu se retira loin dans le néant, infiniment triste de ne pas pouvoir retrouver son ancienne nature, et Feu rassembla les autres éléments : « Je ne peux rien pour Néplufeu. nous nous renforçons mutuellement et si nous restons ensemble plus longtemps, nous engloutirions l’univers. C’est pourquoi j’ai besoin de votre aide. »
Surprise générale parmi les éléments. N’existaient ils pas que pour eux-mêmes ? S’aider mutuellement impliquait un mélange, et donc une perte de la pureté symbolique de leur existence, ce à quoi ils se refusèrent tous.

« Regardez-vous ! Toi, Eau, tu es aussi solide que Pierres ! Pierres, vous voilà morcelées et Vent, tu ne bouge presque plus ! Nous ne pouvons continuer à exister ainsi. Soit nous mourrons chacun de notre coté, soit nous vivrons ensemble. »
Alors les éléments se mélangèrent pour former une boule de magma incandescent et allèrent trouver Néplufeu : « Nous venons te reprendre en nous : nous le reconnaissons maintenant, tu fus Feu, autrefois nommée Flamme ! »

A ces mots, Néplufeu vacilla, et au fond d’elle s’éveilla le profond désir, qu’elle avait enfouie en perdant sa première nature.
« Je veux ressentir de la chaleur à nouveau… je veux vivre !!! »
Avec un profond soupir, Néplufeu s’enfouit dans le mélange des éléments : Eau et Pierres formèrent une coquille dans laquelle Vent se déchaînait pour attiser Feu et apaiser Néplufeu.

« Abandonne ton froid ! Ne cherches pas à te protéger, laisse toi réchauffer je t’en conjure !
- Comment le pourrais-je ? Je SUIS le froid…
- Alors abandonne-toi pour retrouver ta première nature !
- Je n’ai plus souvenir de ma nature originelle, comment pourrais-je la retrouver ?
- Contente-toi d’abandonner celle que tu as en ce moment, je me charge de te rendre l’ancienne. Aies confiance. »

Alors Néplufeu rendit les armes : il s’épanouit, pour la première fois de son existence et se sépara de lui-même. Dans l’immense bulle de froid qui en résulta, Feu, Vent, Pierre et Eau formèrent une lame pour découper l’infime essence d’existence de Néplufeu de sa nature froide. Ce fut le jour de la renaissance de Flamme : le froid fut rejeté aux confins de l’univers, et le magma formé par les éléments ne pouvait plus retrouver quatre identités distinctes. Bien des éons plus tard, la boule informe s’était stabilisée. Les éléments s’y trouvaient intiment mélangés, en contact permanent. Et sur cette Terre, où l’individualité de quatre éléments avait cédé la place à une accueillante entité, Flamme laissa germer son désir de vie.

En l’honneur de Vent, Pierre et Eau, il façonna des animaux volants, marchants et nageants. En l’honneur de son père Feu, il leur insuffla la chaleur et la vie.
Un soir et un matin, c’était le cinquième jour de la création.

2 commentaires:

Joachim a dit…

Premier chapitre de la géologie pour les nuls :]

DoZeR a dit…

moi j'ai bien aimé le délire bien mené du début à la fin !
je me suis laissé entrainé dans l'histoire !
bien sympa en tout cas,

chapeau